Bénévolat, le reflux ?
Denis Musso, membre du Comité Scientifique, Think tank Sport et Citoyenneté
Bénévolat ou volontariat ?
« En ce jour important, réaffirmons notre engagement à faire en sorte que chaque personne puisse mettre son énergie au service d’un avenir meilleur pour toutes et tous et pour la planète que nous partageons. Soutenons les volontaires, partout dans le monde. »
La vision planétaire des Nations Unies et de son Secrétaire Général Antonio Guterres, promoteur de la journée internationale du volontariat le 5 décembre de chaque année, contribue à étendre le champ du volontariat sans que l’existence d’une contrepartie financière soit prohibée et incite à relativiser notre vision du « pur » bénévolat. En effet l’ONU définit le volontariat comme « un large éventail d’activités, notamment les formes traditionnelles d’assistance mutuelle et d’initiative personnelle, la prestation de services et autres formes de participation citoyenne, entreprises librement, pour le bien du public et pour lesquelles la rémunération monétaire ne constitue pas la principale motivation ».
Ainsi le bénévole est volontaire mais le volontaire n’est pas bénévole. La réalité est plus subtile et moins tranchée. Par exemple, mais quel exemple, les 45 000 volontaires pour les Jeux Olympiques et paralympiques de Paris 2024 seront bénévoles selon la « Charte du volontariat olympique et paralympique », elle-même reprenant une définition officialisée par le CIO après les Jeux de Barcelone en 1992 : « un volontaire est une personne qui s’engage de façon désintéressée à collaborer, au mieux de ses capacités, à l’organisation des Jeux Olympiques, en accomplissant les tâches qui lui sont confiées sans contrepartie financière ni compensation d’aucune autre nature ». Le volontaire olympique est un bénévole.
Le bénévolat n’est-il plus assez en phase avec l’évolution de la société, pour que l’on tente de le rendre obligatoire dans certains domaines ?
Bénévolat, une contreculture ?
Le bénévolat est un pavillon très large qui recouvre des formes, des motivations, des secteurs d’une grande diversité, ce qui en fait une réalité difficile à mesurer. Les enquêtes depuis 2010 semblent toutefois montrer un essoufflement du phénomène. Le bénévolat et sa place évoluent avec la société.
La banquise bénévolat est-elle aussi en train de fondre, dans le sport ? Le modèle d’un sport fondé sur l’association, organisme sans but lucratif géré par des bénévoles, est-il toujours en phase avec la société, au regard de la commercialisation, marchandisation et financiarisation croissantes des rapports humains ? Le marché est roi. Le modèle dominant de l’entrepreneur individuel mis en avant dans le contexte libéral et néolibéral, avec prime à la réussite individuelle, rémunération au mérite, culte de la performance, pénètre aussi largement le sport. Les sportifs sont notés individuellement dans les sports collectifs, des statistiques mesurent la performance, les marques et sponsors sont omniprésents et le spectateur devient un parieur.
Le consumérisme, lentement mais surement consume-t-il le bénévolat ?
Parmi les autres causes d’un repli, la disponibilité ressentie (si ce n’est réelle) est en baisse, à la fois pour les plus actifs (l’activité va à l’activité) mais plus largement face aux nouvelles sollicitations des écrans (Internet, messagerie, information, série…) et des temps de consommation et de loisirs.
Bénévolat et dirigeant, une antinomie ?
Dans ce constat général, le bénévolat dirigeant est marqué par des spécificités. Les compétences attendues et nécessaires pour gérer les « entreprises associatives » créent un para professionnalisme d’atmosphère. Les besoins de formation augmentent avec la sophistication de la gestion des hommes, financière, fiscale, sociale, commerciale, de la communication, des risques et de la responsabilité [1].
Outre les aides multiples apportées par l’Etat en soutien aux associations et bénévoles, des statuts hybrides, intermédiaires entre l’activité bénévole et l’activité professionnelle (comme les volontaires de service civique) sont créés ainsi que des aménagements permettant, sous certaines conditions, de rémunérer des dirigeants associatifs sans perdre le caractère désintéressé de la gestion ? Une solution qui ne règle pas tous les problèmes.
En conclusion, si le bénévolat n’est plus le modèle universel, il remplit et remplira un rôle indispensable au fonctionnement de notre société. Il a donc un réel avenir à condition de le favoriser.
[1] Par méconnaissance ou dérive, on déguise en bénévolat des activités intéressées, on oublie que la propriété de l’association appartient à la personne morale et non à ses membres, même dirigeants.
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