Des frontières perméables pour la manipulation des compétitions sportives !
Par Clémence Collon, membre du comité scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté, Doctorante en droit privé à l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne (IRJS)- Paris 1 sur la thématique des manipulations sportives.
L’affaire de corruption sportive qui touche le tennis mondial a des ramifications en France. Cette actualité confirme l’extrême nécessité de protéger les sportifs face aux risques liés aux manipulations des compétitions sportives.
Quatre jeunes tennismen ont été mis en garde à vue, il y a deux semaines, dans le cadre d’une enquête sur des matchs arrangés. Entamée en Espagne et en Belgique, l’enquête vise les sportifs français. Ce fait d’actualité amène plusieurs constats.
Un constat de gravité
Les manipulations des compétitions sportives, polymorphes, ne connaissent pas de frontières. Concernant les manipulations liées aux paris, le schéma est maintenant connu. Les corrupteurs approchent les sportifs qui peinent à gagner leur vie par leur sport en leur proposant une somme d’argent en échange d’une manipulation d’un fait de jeu (perte d’un match, faute, perte d’un set…). Les criminels placent des mises importantes sur des paris sportifs truqués. Les conséquences sont redoutables pour le sportif, qui s’expose à des poursuites disciplinaires et pénales, mais aussi pour l’image du sport dans sa globalité. Or, tous les pays ne disposent pas des outils juridiques nécessaires à cette protection.
Un constat de solidarité
Ces interpellations n’ont été rendues possibles que par une coopération forte entre les différents acteurs du mouvement sportif, les opérateurs de jeux, les autorités de régulation et la police, réunis au sein des plateformes nationales de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, telles que prévues dans l’article 13 de la Convention internationale sur la manipulation des compétitions sportives, créée sous l’égide du Conseil de l’Europe. L’entrée en vigueur de cette convention dite de Macolin, représente l’espoir d’une grande coopération internationale. Si elle n’est pas encore entrée en vigueur, de nombreux pays signataires ont constitué un réseau de plateformes nationales appelé « le Groupe de Copenhague ».
Un constat d’efficacité
Cette solidarité s’accompagne d’un gain d’efficacité. Les faits de manipulation sont plus facilement détectables grâce à la coopération de l’ensemble des acteurs. L’objectif demeure la sanction des criminels à l’origine de la manœuvre. Dans cette volonté d’efficacité, la France a progressivement consolidé son arsenal juridique[1] face aux dangers des manipulations sportives. Par exemple, les compétitions Futures, représentant un risque de corruption élevée, ne sont pas ouvertes aux paris sur le territoire français[2]. Le mouvement sportif est également largement mobilisé à travers une large campagne de prévention[3] et la mise en place de référents « intégrité » bien formés dans chaque fédération. Au sein de la plateforme de lutte contre les manipulations des compétitions sportives françaises, les acteurs participent à la prévention et à la surveillance de ces manipulations. Gageons que la reconnaissance juridique de la plateforme, annoncée dans une future loi par la Ministre des Sports Roxana Maracineanu, renforce à nouveau la solidarité et donc l’efficacité de la plateforme.
[1] LOI n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale : interdictions de pari et croisements de fichiers ; LOI n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs : possibilité pour le Président de l’ARJEL de suspendre des paris en cas « d’indices graves et concordants » de manipulation d’une compétition.
[2] Instauration d’une liste des compétitions et situations de jeu pour lesquelles les paris sportifs sont autorisés, disponible sur : http://www.arjel.fr/-Paris-Sportifs-.html. Voir : Loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ; décret n°2010-483 du 12 mai 2010 relatif aux compétitions sportives et aux types de résultats sportifs définis par l’ARJEL.
[3] Par exemple, le « Guide intégrité » du CNOSF, disponible sur : http://cnosf.franceolympique.com/cnosf/fichiers/File/Juridique/Integrite/08-cnosf-guideintegritesportive-120×180.pdf