De la parole aux actes
La crise sanitaire aura de multiples impacts sur le sport. Chez Sport et Citoyenneté, nous pensons qu’elle peut être salutaire, si elle permet d’accélérer un certain nombre d’évolutions. Par le biais de tribunes d’experts, nous souhaitons recommander, aux pouvoirs publics, des mesures opérationnelles destinées à lancer le sport de l’après-crise. Nous en avions déjà recensé un certain nombre dans ce livret de propositions pour la loi Sport et Société il y a quelques mois. Aujourd’hui, alors que la politique européenne du sport ne cesse de se développer, nous renforçons cet engagement en Europe et localement.
Carine Bloch, animatrice de l’émission Vivons Sport sur Cause Commune (93.1 FM à Paris en Ile-de-France sur causecommune.fm), consultante-formatrice Sport et Ethique, Membre du Comité Scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté
Je me suis interrogée sur l’utilité d’une tribune dans le contexte actuel.
Que dire de nouveau ? Que je souhaite moi aussi un sport durable et responsable ? On me répondra, avec raison, que c’est ce que je serine depuis des dizaines d’années. Ce sport que j’ai toujours voulu protéger : qu’il soit professionnel ou amateur, de haut niveau ou de loisir, le sport dit organisé, fédéral, comme la pratique libre. Ce sport, dont j’ai toujours voulu démontrer qu’il avait un potentiel inégalable sur l’amélioration de notre société, si et seulement s’il était bien utilisé, avec de bonnes intentions et des moyens suffisants.
Que dire de différent ? Aujourd’hui, plus un acteur du monde sportif (comme de tout autre secteur d’ailleurs) qui ne veuille sortir son papier, sa vidéo, sa plateforme.
Je dis simplement « banco » ! Comment passons-nous de la communication à l’action durable et responsable ?
J’en suis totalement convaincue : un sport durable et responsable aidera à créer une société, un monde durable et responsable.
Mais pour créer un sport durable et responsable, il faut une action durable et responsable.
Aujourd’hui, tout le monde prend de bonnes résolutions, clame des principes. Mais qu’en sera-t-il quand, après le choc sanitaire, viendra le choc économique ?
Il faudra prioriser et être alors à la hauteur de la situation.
Voilà quelques leçons à tirer de cette crise et suggestions pour un sport plus éthique, donc plus solide.
Le soin, l’accompagnement, l’éducation, le travail de terrain ont été valorisés. C’est le cas aussi de l’activité physique et sportive, pour tous, à tout âge. Il s’agira simplement de continuer et diversifier et de se tourner encore et toujours plus vers les publics les plus éloignés de la pratique, les plus fragiles, y compris ceux des établissements sociaux et médico-sociaux, dont nous en avons tant parlé ces dernières semaines. Il faudra utiliser le sport contre le repli sur soi, pour l’inclusion.
L’engagement de quelques sportifs de haut niveau, parfois professionnels, qui se sont mis en première ligne, parce qu’ils sont des citoyens avant tout, a été mis en valeur. Il faudra renforcer l’éduction civique dans les centres de formation, les sport-études et toutes les structures sportives qui forment les sportifs espoirs et, avant tout des femmes et des hommes.
Certains athlètes se demandent s’ils verront les Jeux de Tokyo auxquels ils avaient tout sacrifié, y compris souvent toutes leurs économies. D’autres ont fini leur carrière, sans avoir su lors de leur dernier match, leur dernière compétition, que c’était l’ultime et avoir pu marquer cette étape importante. Tous ces sacrifices, ce parcours, souvent sans prestations sociales, avec la perspective d’un grand vide ensuite. Il faut repenser les statuts et l’accompagnement des sportifs de haut niveau dans leur projet de vie.
Les selfies risqués en situation extrême ont été remplacés sur les réseaux sociaux par des selfies avec des héros masqués, ou des écrans d’ordinateurs avec une mosaïque de visages de visio-conférence. Les fake-news, les théories du complot, les menaces, la délation ont fleuri sur les réseaux sociaux. Pourtant les écrans nous ont permis de nous rassembler et de débattre. Il conviendra de continuer à apprendre l’usage des nouvelles technologies, à se protéger, dans le domaine du sport notamment ; lui qui est touché particulièrement, dans le cadre des matches truqués, des pressions entre adolescents…
Mais renforcer le débat est aussi une nécessité. Le sport devra s’y mettre aussi. Le sport professionnel devra débattre avec le sport amateur, les bureaux des fédérations avec leur base. La gouvernance des fédérations devra se renouveler : être plus transparente, savoir représenter ses licenciés. Tout le monde le dit, il s’agira de le faire. Il conviendra surtout que les dirigeants soient plus représentatifs, au-delà de l’équilibre des genres, de plus de diversité, à l’image de leur sport, de ses pratiquants, de ses sportifs de haut niveau.
Le gouvernement a su se référer dans les heures graves à des avis d’experts. Le sport doit renforcer son ouverture : s’ouvrir aux experts, chercheurs, associations, entreprises, experts en éthique. Ils ont des clés que les gouvernants n’ont pas toujours.
Enfin, espérons qu’il y aura « un avant et un après », une prise de conscience de l’importance de la prévention, du temps long, qui permet de diminuer considérablement les impacts sanitaires, sociaux et financiers. C’est vrai en matière de terrorisme, de radicalisation, de violence. C’est vrai en matière de santé. Alors faisons de la prévention, de la formation, plutôt que de la communication, pour éviter autant que possible le management de crise. Changeons vraiment. Ne parlons plus d’éthique. Soyons éthiques !
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