Euro et Citoyenneté  Quel héritage pour les grands événements sportifs ?

Euro 2016, Championnats du monde de handball masculin, de hockey sur glace, de lutte, de canoë-kayak, de squash… : la liste des grands événements sportifs internationaux accueillis ou en passe de l’être par la France est significative. Sans compter la finalisation du dossier de candidature Paris 2024, qui occupera une bonne partie des esprits l’année prochaine (le CIO désignera la ville d’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques le 11 septembre 2017).

Au niveau national, régional ou local, les chiffres sont là aussi impressionnants : ce ne sont pas moins de 50 000 manifestations sportives qui sont organisées chaque semaine en France (2,5 millions sur l’année ). Qu’ils soient de grande ampleur ou de masse, chacun de ces événements a un impact sur la société, sur son environnement ou sur son économie. Dès lors, comment faire en sorte d’optimiser l’accueil de ces événements sportifs ? D’en faire un outil de rayonnement territorial, mais aussi de limiter leurs impacts sur l’environnement ? Depuis quelques années, la notion d’ « héritage » a fait son apparition. Elle consiste à anticiper ce que l’événement sportif, par nature éphémère, laissera au territoire d’accueil.

Créer la mobilisation pour un sport plus éco-responsable

Réfléchir à cet héritage, c’est donc avant tout anticiper. C’est aussi favoriser un développement du sport qui répond aux besoins du présent sans pour autant nuire aux générations futures. Cette nécessité est au cœur du concept des Eco-Games. Créés dans les années 2000 par Didier Lehénaff, Président de SVPlanète, Un Sport Vert pour ma Planète bleue (et membre du Comité Scientifique de notre Think tank Sport et Citoyenneté), ils reposent sur un concept de sport plus responsable. Les 3, 4 et 5 juin derniers avait lieu la seconde édition parisienne de cet évènement, mêlant à la fois conférences et activités sportives et culturelles. Conciliant un grand nombre de thématiques et d’acteurs liés au sport, les Eco-Games cherchaient avant tout à mobiliser des citoyens locaux pour en faire des acteurs conscients de la nécessité de politiques sportives durables.

Partenaire des Eco-Games Paris 2016, notre Think tank Sport et Citoyenneté était chargé de l’organisation d’une des conférences du week-end. A cette occasion, plusieurs experts étaient réunis pour réfléchir à la contribution du sport au développement durable de nos sociétés, aujourd’hui et demain. Adeline Lamberbourg (Adjointe au Maire du 13e arrondissement de Paris en charge des sports), Françoise Sauvageot (Vice-présidente du CNOSF et Présidente de la Fédération Française d’Education Physique et de Gymnastique Volontaire), Didier Lehénaff, Jérôme Lachaze (Responsable Développement Durable Paris 2024), Brigitte Deydier (Directrice du développement, Fédération Française de Golf – Membre du Conseil d’administration du Think tank Sport et Citoyenneté) et Viviane Fraisse (Responsable du Développement Durable, Fédération Française de Tennis) ont ainsi pu interagir sur l’impact qu’ont les grandes manifestations sur l’environnement.

En marge des tables rondes, un « Village vert d’initiatives durables » permettait à tous les spectateurs de se familiariser aux bonnes pratiques éco-responsables.

A l’issue des échanges, une concertation était menée autour de la candidature de la ville de Paris à l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, axée sur ces questions d’héritage. Cet événement planétaire peut servir de moteur de changement. Dès 1992, le volet environnemental s’est d’ailleurs inséré dans la conception des Jeux. Aujourd’hui, cet aspect prend de plus en plus d’importance, dans la droite ligne des lignes directrices fixées dans l’Agenda 2020 du Mouvement Olympique. Le comité de candidature de Paris 2024 l’a bien compris, et base une grande partie de son programme sur des infrastructures déjà existantes (70% des infrastructures utilisées, les 30% restant étant des structures temporaires). Ce choix permettra de rénover les pôles sportifs existants et de mettre le patrimoine parisien au cœur de la compétition. La ville entend aussi transformer le Village des Médias et le Village olympique et paralympique en logements, des constructions qui seront réalisées en fonction des besoins évalués. Enfin, la Ville de Paris a dévoilé le mois dernier « 43 mesures pour des JO durables », preuve s’il en est que Paris souhaite transmettre un héritage durable à sa population. Espérons que ces discours soient suivis d’effets si la candidature parisienne est retenue par le CIO au mois de septembre 2017.

Contribuer à la visibilité des actions éco-responsables

C’est précisément de cet héritage des grands événements sportifs dont nous ont parlé jeudi dernier Julian Jappert et Vincent Chaudel (respectivement Directeur et Vice-Président du Think tank Sport et Citoyenneté) lors de l’émission « Euro & Citoyenneté » diffusée chaque semaine pendant l’Euro 2016 en direct sur LCI. Un héritage à la fois matériel et immatériel, qu’il convient de prendre en compte.

L’héritage matériel concerne avant tout les infrastructures et toutes les modifications terrestres effectuées en marge de la compétition. On peut retenir l’exemple cité des Jeux Olympiques de Londres qui, en 2012, ont innové en matière environnementale, intégrant cette dimension dans la conception même de l’évènement. L’éco-conception leur a permis de réduire au maximum l’empreinte écologique et les coûts liés aux Jeux (réduction de 5% du budget total) et a laissé un héritage tangible à la société, à travers la norme ISO 20121 pour des événements durables, édictée à l’occasion des JO 2012 et aujourd’hui mise en œuvre par de nombreux événements, sportifs ou non.

Dans cette optique, et pour prendre des exemples très concrets, les grands évènements peuvent favoriser une transition vers des modes de transports plus propres tels que le covoiturage. Ils peuvent aussi encourager la création d’espaces multimodaux ayant un meilleur respect de l’environnement et une empreinte carbone plus faible.

L’héritage immatériel concerne quant à lui des ressources qui sont non palpables, intangibles. Les grandes compétitions sont ici considérées comme des leviers capables de structurer des changements de comportements. Leur forte médiatisation en fait des vecteurs de messages dans de nombreux domaines. Les retombées économiques, les effets sur la santé ou l’activité physique, sur l’emploi, sur le sentiment d’appartenance à une même communauté, sur la cohésion sociale… sont autant d’effets positifs que peuvent susciter des compétitions internationales réussies.

L’héritage, qu’il soit matériel ou immatériel, nécessite néanmoins d’être évalué afin de baser les discours sur des réalités économiques ou sociales. Le comité de candidature Paris 2024 a ainsi commandé une étude d’impact ex ante au Centre de Droit et d’Economie du Sport, dont les résultats ont été dévoilés il y a quelques semaines. Dans un contexte sportif européen, le Conseil de l’Union européenne a rendu également rendu des conclusions sur « le renforcement de l’intégrité, de la transparence et de la bonne gouvernance dans le cadre des grandes manifestations sportives » le 31 mai dernier. Soulignant un grand nombre de principes nécessaires à l’organisation de tels événements, il s’est intéressé plus particulièrement à leur héritage potentiel sur la société et ses citoyens. Le développement d’une matrice à l’échelle européenne permettant d’évaluer les retombées économiques et sociales, matérielles et immatérielles, de l’accueil d’un grand événement sportif serait un pas en avant dans la prise en compte du sport comme un fait total de société.

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