Vers une politique européenne du Sport
Le sport est longtemps resté dans le giron des Etats et de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Celle-ci considérait que le sport était soumis au droit communautaire en tant qu’activité économique. Une position rendue célèbre par le fameux arrêt Bosman du 15 décembre 1995. Cet arrêt, rendu sur la base des dispositions du Traité consacrant la libre circulation des travailleurs, a été ressenti comme un « séisme » dans le monde du sport professionnel, bien que l’applicabilité des règles communautaires à l’activité sportive professionnelle ait été clairement indiquée par la Cour de justice deux décennies auparavant.
La Cour a considéré dans ce fameux arrêt que l’article du Traité qui interdit les entraves à la libre circulation des travailleurs « s’oppose à l’application des règles édictées par les associations sportives, selon lesquelles un joueur professionnel de football ressortissant d’un Etat membre, ne peut, à l’issue du contrat qui le lie à un club , être employé par un club d’un autre Etat membre que si ce dernier a versé au club d’origine une indemnité de transfert, de formation, ou de promotion ». Selon la Cour, le même article s’oppose à l’application des règles qui prévoient que les clubs de football, dans les matchs de compétition qu’ils organisent, ne peuvent aligner qu’un nombre limité de joueurs ressortissants d’autres Etats membres.
De par sa portée juridique et ses conséquences sur l’organisation du sport en Europe, l’arrêt Bosman constitue encore aujourd’hui l’acte de naissance de « l’intervention de Bruxelles » dans les affaires sportives.
La fin des années 1990 et le début des années 2000 marquent un tournant. Si l’UE continue d’appréhender le football sous l’angle de la concurrence , l’idée de reconnaître une certaine spécificité du sport à l’échelle européenne dans ses fonctions sociales et culturelles fait peu à peu son chemin.
La Déclaration commune sur le sport
La Déclaration commune sur le sport annexée au traité d’Amsterdam (2 octobre 1997) constitue ainsi la première manifestation d’une volonté explicite de prendre en considération les fonctions sociales du sport. Emanant du Conseil européen, elle souligne « l’importance sociale du sport et en particulier son rôle de ferment de l’identité et de trait d’union entre les hommes ». Cette déclaration revêt une portée symbolique indéniable. Elle constitue une première forme de reconnaissance officielle du sport, appréhendé sous ses aspects sociaux et culturels. Dans la continuité, les conclusions du Conseil européen de Vienne de décembre 1998 font également référence à la fonction sociale du sport.
Rendez-vous est pris l’année suivante à Helsinki avec la présentation d’un « Rapport de la Commission au Conseil européen dans l’optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire ». Ce rapport pointe plusieurs phénomènes liés aux évolutions récentes du sport : dopage, prépondérance de la logique commerciale au détriment de la logique sportive, tendance des grands clubs à s’organiser entre eux au détriment des fédérations nationales garantes de l’équité sportive, différences de législation fiscale qui créent des inégalités entre les clubs, etc.
La Commission européenne fait plusieurs propositions destinées à « concilier la dimension économique du sport avec sa dimension populaire, éducative, sociale et culturelle », mais en l’absence de véritable politique commune, leur mise en œuvre dépend en grande partie de la bonne volonté des acteurs concernés au premier chef, à savoir les Etats membres et les organisations sportives.
La construction d’une politique européenne du sport se poursuit au rythme des sommets et des réunions entre Etats membres. Une nouvelle étape est franchie à l’issue du Sommet européen de Nice (décembre 2000), avec l’adoption d’une « déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes ». Cette déclaration, pas plus que celle d’Amsterdam en 1997, n’a de véritable portée juridique. Néanmoins, les dix-sept points qu’elle comporte ouvrent des perspectives d’actions communes que les Etats membres pourraient conduire dans le domaine du sport, outre celles que la Communauté est autorisée à mener au titre de certaines dispositions du Traité, en particulier en ce qui concerne la santé des athlètes.
Un vecteur d’échange et d’éducation
A travers ces différents instruments juridiques, la Commission affine sa conception du sport, construite sur son impact sociétal et son rôle éducatif et social. La Direction générale Culture et Education de la Commission européenne mène ainsi régulièrement des actions en faveur de la promotion du sport. Elle décide de déclarer l’année 2004 « Année européenne de l’éducation par le sport ». L’occasion de mettre en œuvre un certain nombre de mesures et de financer de nombreux projets qui utilisent le sport comme un vecteur d’échange et d’éducation.
Dans la continuité de cette action, et toujours en l’absence de compétence directe dans le domaine du sport, la Commission européenne s’attelle à la rédaction d’un instrument politique qui définirait de manière globale la vision du sport à l’échelle européenne. C’est ainsi que la Commission européenne présente le 11 juillet 2007 le « Livre blanc sur le sport ». Ce document vise à tracer des orientations stratégiques sur le rôle du sport au sein de l’Union européenne, notamment au niveau social et économique.
Le Livre blanc se présente sous la forme d’un document principal, comprenant quatre parties (consacrées respectivement au rôle sociétal du sport, à la dimension économique de celui-ci, à son organisation, ainsi qu’au suivi des initiatives), et d’une annexe de cinquante-trois propositions d’actions de niveau très variable, regroupées dans un Plan d’action dit « Pierre de Coubertin ». Il est accompagné de documents de travail, notamment d’un recueil intitulé « L’Union européenne et le sport : historique et contexte », ainsi que d’une analyse d’impact et son résumé. Il constitue le document de référence pour la politique sportive européenne d’aujourd’hui.