« Utiliser le levier de la formation pour préparer

l’après-carrière des sportifs »

 

Le Think tank Sport et Citoyenneté a été fondé en 2007 et a pour but d’analyser les politiques publiques liées au sport et de mener une réflexion sur son impact sociétal. Que ce soit en termes d’éducation, d’insertion, de santé, de mixité, de bien-être au travail… l’impact du sport sur la société peut être considérable. Ce sont des sujets que nous abordons régulièrement, à la fois dans nos publications, notre revue trimestrielle ou lors des conférences que nous organisons. L’objectif de Sport et Citoyenneté en tant que Think tank est de participer au processus de construction des politiques publiques, nationales et européennes, en matière de santé, d’éducation, de citoyenneté, de développement durable, d’économie et de cohésion sociale. Pour cela nous disposons de 300 experts au sein de notre Comité Scientifique et de nos réseaux thématiques et nous organisons également des rencontres, des conférences ou des tables rondes sur de grands thèmes, durant lesquelles nous invitons les acteurs du monde sportif à s’exprimer, à partager leurs bonnes pratiques afin de les mettre en commun et les diffuser.

 

Julian Jappert explique pourquoi il est important de s’intéresser à la double formation des sportifs de haut niveau:

Pourquoi avez-vous décidé de vous intéresser au sport de haut niveau ? En quoi cela rentre-t-il dans vos champs d’expertise ?

JJ : Il me semble que le sport de haut niveau et le sport pour tous, en club, dans des associations ou même la pratique libre sont intimement liés. Nous sommes très attachés au mouvement sportif et les athlètes de haut-niveau sont une vitrine incroyable pour la promotion du sport et plus globalement de l’activité physique. Même si la plupart d’entre nous n’atteindrons jamais leur niveau de performance, ils restent une source d’inspiration formidable et sont érigés en modèles de société, et cela qu’ils le veuillent ou non. C’est notamment le cas des footballeurs qui sont les idoles de jeunes issus de tous les pans de la société. C’est une dimension que doivent prendre en compte les instances chargées de l’encadrement des sportifs, et cela dès leur plus jeune âge. Les fédérations, centres de formations ont une responsabilité à assurer une formation et un accompagnement de qualité aux espoirs du sport français.

Les sportifs acquièrent au cours de leur carrière des compétences ou des dispositions qui sont indéniablement transposables et bénéfiques dans la vie de tous les jours ou la vie professionnelle. Cependant leur situation n’est pas simple, car si nous n’attendons pas de tout le monde d’allier à notre réussite scolaire ou professionnelle la performance sportive, c’est exactement ce qu’il leur est demandé. C’est cette notion de double projet, à laquelle nous avons consacré un ouvrage, qui rend la situation des sportifs de haut niveau assez complexe. Ils doivent à la fois maintenir un niveau sportif très exigeant pour rester compétitif, mais en même temps se préparer à une suite, un « après-carrière » sportif. Tous ne peuvent pas non plus vivre de leur sport à plein temps mais aussi parce que la carrière sportive a une durée limitée. De plus il faut distinguer les sportifs professionnels comme les footballeurs et les sportifs de haut-niveau qui ne vivent pas de leur sport et qui sont contraints d’avoir une occupation professionnelle en parallèle.

Mais la notion de « double projet », et la formation et l’accompagnement en amont et tout au long de la carrière sportive amène une autre dimension qui est extrêmement intéressante : c’est celle du triple projet que nous abordons chez Sport et Citoyenneté. En partant d’un accompagnement efficace, un sportif épanoui à la fois intellectuellement et sportivement va avoir plus facilement tendance à s’engager parallèlement. L’idée est à la fois de leur assurer un avenir professionnel qui correspondent à leurs envies, mais également de former des citoyens engagés.

Qu’est-ce qu’il est important de valoriser ?

JJ : Certaines structures mettent en place des dispositifs performants. Je pense notamment à l’INSEP, qui est un véritable centre d’excellence et qui proposent des formations de qualité aux sportifs. La FFF fait également la promotion de l’engagement citoyen à travers notamment la diffusion du Programme Educatif Fédéral aux clubs. Ce programme présente des outils pédagogiques à destination des éducateurs en contact avec les jeunes footballeurs de 5 à 18 ans.

Il serait bon de mettre en avant ces bonnes pratiques, et les exemples de sportives et sportifs engagés ayant entrepris des reconversions réussies dans les médias. Ils ne véhiculent que du positif, et ne sont pas assez cités quand bien même ils sont une vitrine exceptionnelle pour l’engagement citoyen.

Ensuite, il s’agit, selon nous de « faciliter » l’accès des sportifs au monde professionnel, et de valoriser les compétences qu’ils ont pu développer durant leur carrière sportive. Toutes ces compétences sont précieuses au sein des entreprises, et nous estimons qu’il est de notre rôle de le faire comprendre à la fois aux employeurs, mais également aux sportifs eux-mêmes, qui peuvent parfois mal vivre la fin de leur carrière sportive ou être mal informés des dispositifs qui existent. C’est ce qui ressort des échanges que nous avons pu avoir sur ce sujet. Certes ; des avancées législatives ont eu lieu ces dernières années, et les sportifs peuvent désormais bénéficier de certains avantages. Il existe également des conventions d’aménagement d’emploi ou des conventions d’insertion professionnelle destinées aux sportifs de haut-niveau. Un autre levier d’action possible est celui de la formation continue, un atout qu’il serait intéressant de promouvoir auprès des sportifs et des fédérations ou clubs qui les emploient.

Quelles solutions existent aujourd’hui pour les sportifs ?

JJ : A ce titre, les programmes proposés par des acteurs comme Opcalia sont intéressants, car il s’agit de solutions adaptées aux sportifs en reconversion. Par exemple, Opcalia a mené des bilans de compétences avec plusieurs sportifs picards dans le cadre du projet intitulé « Pass’Sport ». Un livret de témoignages de sportifs en reconversion a aussi été édité, afin de parler d’un sujet qui n’est pas toujours facile à aborder quand on est sportif. Il me semble que c’est dans ce sens-là que nous devons continuer d’agir, en impliquant l’ensemble des acteurs : le sportif, qui doit être au cœur de la construction de son « double projet » ; son entourage (famille, entraîneur, fédération…), dont le rôle est souvent décisif ; les entreprises, qui doivent être associées aux réflexions portant sur la reconnaissance des compétences acquises durant la carrière sportive, mais aussi les acteurs professionnels agissant dans le champ de la formation professionnelle, comme peut l’être Opcalia.

Le pouvoir d’influence des sportifs est un enjeu majeur que doit aborder le nouveau gouvernement et plus particulièrement la nouvelle ministre des sports, Mme Laura Flessel, notamment vu l’exposition dont bénéficieront les athlètes français présents aux Jeux Olympiques 2024 s’ils se tiennent à Paris. Le meilleur moyen d’utiliser tout le potentiel positif de cette aura est de les accompagner et de les éduquer dès le plus jeune âge, tout au long de leur carrière sportive et dans le processus de reconversion.

Pour en savoir plus sur le déjeuner-débat « Formation et reconversion du sportif », cliquez ici





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