« Une politique d’intégration et d’inclusion réussie est essentielle pour une migration et un asile bien gérés et efficaces »
Interview Ylva Johansson, propos recueillis par Rodolphe Doité
Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a présenté le « Pacte sur la migration et l’asile », un projet de réforme de la politique migratoire européenne. Le « Plan d’Action 2021-2027 pour l’intégration et l’inclusion » qui l’accompagne mentionne à plusieurs reprises le sport comme un réel soutien à cette politique. Dans le cadre de la conduite de nos projets FIRE et FIRE+, nous nous sommes entretenus avec la Commissaire européenne Ylva Johansson, en charge des affaires intérieures. Elle nous présente en exclusivité sa vision du sport comme outil d’inclusion.
Que propose la Commission européenne dans son nouveau Pacte sur la migration et l’asile ?
YJ : Un élément qui me tient à cœur et que je souligne toujours est que la migration est normale. Le désir de bouger, d’explorer et de s’améliorer fait partie de l’être humain. Dans le monde moderne, cela signifie se déplacer vers des pays offrant des opportunités économiques. Pour l’UE, cela signifie veiller à ce que celles et ceux qui arrivent ici pour travailler le fassent légalement. C’est mieux pour ces personnes et pour la société. Les arrivées irrégulières ne font que favoriser les risques.
Malheureusement, le fait d’être humain signifie aussi que la plus grande menace à laquelle nous sommes confrontés émane parfois d’autres humains. L’Union européenne a l’obligation internationale de fournir une protection à celles et ceux qui sont confrontés à de telles menaces, que ce soit par la guerre ou par des persécutions politiques, religieuses ou sexuelles. En septembre dernier, la Commission a proposé un nouveau Pacte sur la migration et l’asile, qui couvre les différents éléments nécessaires à une approche européenne globale des migrations. Il prévoit des procédures améliorées et plus rapides pour l’ensemble du système d’asile et de migration. L’équilibre entre les principes de partage équitable des responsabilités et de solidarité est au cœur de cette démarche. Cet équilibre est essentiel pour rétablir la confiance entre les États membres et inspirer confiance dans la capacité de l’UE à gérer les migrations. À l’issue de vastes consultations et d’une évaluation honnête et approfondie de la situation, la Commission propose d’améliorer le système global. Il s’agit notamment d’examiner les façons d’améliorer la coopération avec les pays d’origine et de transit, de garantir l’efficacité des procédures, de réussir l’intégration des réfugiés et de renvoyer celles et ceux qui n’ont pas le droit de rester. Aucune solution unique en matière de migration ne peut satisfaire toutes les parties, sur tous les aspects – mais en travaillant ensemble, l’UE peut trouver une solution commune.
En quoi consiste le nouveau Plan d’action de la Commission en faveur de l’intégration et de l’inclusion ?
YJ : En novembre 2020, la Commission a présenté un nouveau Plan d’action en faveur de l’intégration et l’inclusion pour la période 2021-2027. Ce plan d’action promeut l’inclusion pour tous, en reconnaissant l’importante contribution des migrants à l’UE. Il se penche également sur les obstacles qui peuvent entraver leur participation et leur inclusion dans la société européenne. Il repose sur le principe selon lequel l’intégration inclusive exige des efforts tant de la part des migrants que de la communauté d’accueil. Cela crée un scénario gagnant-gagnant. Une politique d’intégration et d’inclusion réussie est essentielle pour une migration et un asile bien gérés et efficaces. Elle est également nécessaire à la cohésion sociale et à une économie dynamique qui fonctionne pour tous.
Le plan d’action propose à la fois des mesures visant à rendre les politiques d’éducation, d’emploi, de logement et de santé globalement plus inclusives, et un soutien ciblé et adapté qui tient compte des besoins spécifiques des migrants. Il s’agit d’un engagement à long terme.
Les gouvernements nationaux sont les premiers responsables de la création et de la mise en œuvre des politiques d’intégration. L’UE les soutient par le biais de financements, en élaborant des orientations et en encourageant les partenariats pertinents. Les principales actions s’articulent autour de :
▪ L’éducation et la formation inclusives
▪ L’amélioration des possibilités d’emploi et la reconnaissance des compétences.
▪ Promouvoir l’accès aux services de santé.
▪ Faciliter l’accès à un logement adéquat et abordable.
Dans ce Plan d’action, quel rôle le sport peut-il jouer selon vous ?
YJ : Le sport est un excellent outil pour créer des liens entre les gens. Cela est valable dans tous les contextes. Mais il peut être particulièrement pertinent pour l’intégration des migrants. Le sport fait tomber les barrières. Les locaux et les migrants partagent souvent la même passion pour le sport, ce qui aide à dépasser certains des récits négatifs qui divisent les gens.
Qui plus est, le sport est une langue internationale. Le football l’est encore plus. Et grâce à cela, tout le monde est littéralement sur le même terrain. Le sport est en effet un excellent moyen de parler positivement de la migration. C’est pourquoi nous coopérons avec l’UEFA, par exemple en soutenant le projet « Football for Unity ». Cet été, des associations sportives et de jeunesse organiseront des festivals de football sur le thème de la diversité et de l’inclusion dans plusieurs villes européennes (Rome, Budapest, Dublin, Copenhague, Amsterdam, Munich et Londres), parallèlement à l’UEFA EURO 2020. À l’image du projet FIRE que nous menons, quelle est votre opinion sur les initiatives utilisant le sport comme un outil d’inclusion ?
YJ : Le sport est aussi une bonne chose parce que vous n’avez pas besoin de parler couramment une langue spécifique pour faire du sport. C’est en fait un excellent moyen d’apprendre une nouvelle langue. Cela est valable pour les adultes comme pour les enfants. En ce qui concerne les enfants, le sport et le jeu en général sont très importants pour compléter les temps d’éducation plus formels, et favoriser ainsi leur développement et leur inclusion dans nos sociétés. Un autre aspect très important est que le sport a toujours besoin de bénévoles. Il existe ainsi de nombreuses histoires de migrants devenus des personnes essentielles en charge des entraînements de football ou de judo dans leurs communautés locales respectives. Il est également important de soutenir les organisations sportives dans la formation de leurs encadrants, par exemple en matière de gestion de la diversité. La Commission a financé dans le passé des projets d’intégration liés au sport, dans le cadre du fonds pour l’asile et la migration et du fonds pour l’éducation et le sport. Nous encourageons les autorités nationales à utiliser les fonds fournis par l’UE pour soutenir de tels projets.
Vous êtes membre honoraire du club de football suédois d’Hammarby. Ce type d’actions, c’est quelque chose que vous aimeriez voir dans votre club, si ce n’est pas déjà fait ?
YJ : Oui ! À Hammarby, nous sommes très impliqués dans la communauté locale de la ville de Stockholm. Le club a lancé l’initiative « Society-Game » (samhällsmatchen), où le club et les joueurs s’engagent à aider les jeunes chômeurs à trouver un emploi et visitent également les écoles pour prévenir le décrochage scolaire. J’aimerais voir plus d’initiatives actives pour intégrer les gens à travers notre passion commune du football. Hammarby se trouve dans une partie de Stockholm qui est assez hétérogène, avec des gens d’origines très diverses. Nous avons appris à en faire une force, et l’intégration est un élément central de l’éthique de nos clubs. Je suis fière d’avoir participé à un certain nombre d’efforts d’intégration avec Hammarby. Leur succès souligne vraiment le principe selon lequel tous les efforts d’intégration viennent avant tout de la base et sont locaux.