Un moment de basculement majeur
La crise sanitaire aura de multiples impacts sur le sport. Chez Sport et Citoyenneté, nous pensons qu’elle peut être salutaire, si elle permet d’accélérer un certain nombre d’évolutions. Par le biais de tribunes d’experts, nous souhaitons recommander, aux pouvoirs publics, des mesures opérationnelles destinées à lancer le sport de l’après-crise. Nous en avions déjà recensé un certain nombre dans ce livret de propositions pour la loi Sport et Société il y a quelques mois. Aujourd’hui, alors que la politique européenne du sport ne cesse de se développer, nous renforçons cet engagement en Europe et localement.
Cyrille ROUGIER, Chargé d’études économiques, CDES Limoges
Christophe LEPETIT, Responsable des études économiques, CDES Limoges
La pandémie de coronavirus a mis à l’arrêt des pans entiers de l’économie mondiale. Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour appeler à un basculement et à une transformation profonde de la société face à des enjeux climatiques et environnementaux de plus en plus prégnants. Quelle que soit la réponse apportée, il nous semble que le sport, dans toute sa diversité, devra tirer toutes les conséquences de cette période.
Le modèle économique du sport qui se regarde, c’est-à-dire principalement du sport professionnel, est fortement impacté. Les clubs sont pris en tenaille entre des recettes devenues incertaines et des charges – notamment salariales – maintenues à un niveau élevé. Les perspectives ne sont guère plus encourageantes avec des dates et des conditions de reprise (huis-clos, jauges réduites, sans parler d’un désintérêt des fans pour des raisons économiques – baisse de pouvoir d’achat – ou sanitaires – crainte d’une reprise de l’épidémie) encore très incertaines. Tout cela fait ainsi peser de grandes incertitudes sur leurs revenus futurs.
Cette situation impose donc de repenser globalement l’économie du sport professionnel et notamment de renforcer drastiquement sa régulation à l’échelle internationale. Parmi les mesures à débattre : le renforcement de l’exigence d’un minimum de fonds propres, la création de fonds de garantie au niveau des institutions sportives, une limitation de la taille des effectifs, la mise en place d’un mécanisme de plafonnement des salaires ou encore une meilleure protection et une revalorisation du travail de formation des clubs professionnels.
Au-delà de ces enjeux économiques, une véritable prise en compte des enjeux environnementaux sera nécessaire dans le sport professionnel de demain, que ce soit dans l’organisation et le fonctionnement des événements sportifs, dans les logiques de consommation qu’il encourage ou dans le type d’équipements qu’il demande.
Les perspectives de court terme ne sont guère plus encourageantes pour le sport qui se pratique. Son modèle économique pourrait être affecté par les arbitrages budgétaires des ménages aux détriments des dépenses sportives mais aussi la réduction des soutiens publics (subventions) et privés (sponsoring et mécénat). A moyen terme cependant, il nous semble qu’il pourrait au contraire disposer d’une place profondément renforcée au sein de notre société. Pas pour sa dimension purement compétitive mais pour l’ensemble des services qu’il rend à la société.
Le sport qui se pratique peut en effet contribuer à l’intérêt général et au bien-être des populations, dès lors qu’il est pratiqué dans de bonnes conditions. Nous souhaitons donc vivement que soient mises en place toutes les mesures nécessaires au renforcement de la place du sport dans notre société parmi lesquelles : l’affirmation du droit au sport pour toutes et tous, à tout âge et sur tous les territoires ; la valorisation des formes de pratique sportive dépassant le seul domaine du sport (culture, environnement, etc.) ; l’encouragement de l’investissement privé ; la revalorisation et le développement du sport dans les programmes scolaires.
Les enjeux de l’après-crise seront multiples pour le sport, comme pour les autres secteurs de la société. Ils recoupent un certain nombre de préoccupations rendues saillantes par la situation actuelle : besoin d’une meilleure régulation économique face à la société de marché, nécessaire évolution des modèles de consommation afin de permettre un accès à la fois plus large et faisant davantage sens à certains biens et services, prise de conscience indispensable des enjeux environnementaux.
Après les différents changements esquissés durant cette période de confinement, la tentation de reprendre « comme si de rien n’était » le fil de nos activités, de nos pratiques, de nos modes de consommation est grande. A nous toutes et tous, individuellement et collectivement, de faire que la crise planétaire que nous traversons constitue un moment de basculement majeur vers une société plus juste, plus durable et plus équitable.
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