« Un accélérateur pour la structuration
et la popularité de notre sport »
Ancienne joueuse de football au Paris Saint-Germain, Candice Prévost mesure les progrès accomplis ces dernières années en termes de visibilité du football féminin, et considère le sport comme un outil puissant de progrès social.
Propos recueillis par Célia le Nénan
Comment jugez-vous l’évolution du football féminin ?
CP : J’ai suivi cette évolution de près, comme joueuse puis consultante, dirigeante et enfin réalisatrice du documentaire « Little Miss Soccer ». Le changement majeur s’est opéré au niveau des médias. D8, Eurosport, W9, Canal+ ou encore TF1 ont accéléré la structuration de l’élite et permis d’installer le foot féminin dans les habitudes des Français. Cette visibilité permet la légitimité.
Si les représentations évoluent, si les mentalités changent notamment grâce aux résultats et au talent des joueuses, le football au féminin n’est pas encore confortablement installé. C’est aussi ce que nous constatons plus généralement lorsqu’on évoque la place de la femme dans la société.
Que peut apporter la Coupe du Monde 2019 ?
CP : Cela aura un effet d’accélérateur sur la structuration et la popularité de notre sport en général. Se réunir autour des Bleu.e.s est toujours fédérateur. J’espère que ce sera l’occasion de parler du jeu, des femmes qui font le foot, pas seulement celles qui sont sur les terrains. De parler du football comme levier au service de valeurs, d’actions qui dépassent le rectangle vert. Nous avons la responsabilité de parler du jeu mais aussi de nous.
Vous êtes, avec Mélina Boetti, à l’initiative du projet Little Miss Soccer (cf. p. 2), un tour du monde des femmes qui font le foot. Pourquoi ce projet ?
CP : Aujourd’hui, plus de 33 millions de femmes jouent au football dans le monde… et même plus encore aujourd’hui depuis notre départ il y a presque deux ans. Nous sommes parties caméra au poing et balle aux pieds, avec curiosité, sur leurs traces. Nous avons arpenté la « Planète football » sur les 5 continents, avec une grande motivation : mettre en lumière les jeunes filles et les femmes dont le droit au but est un défi permanent.
Nous voulions raconter l’histoire de celles que nous ne voyons pas ou peu ; des histoires rythmées par le ballon rond comme vecteur d’émancipation, reflet de la société et de la condition de vie de ces femmes. La singularité de chacune s’inscrit dans une promotion engagée du football au moment de la Coupe du Monde et prend la forme d’un documentaire (diffusé sur Planète le 6 juin en prime time, puis sur Canal+ durant la Coupe du Monde) et d’un livre illustré.
En quoi le football peut-il jouer un rôle dans l’autonomisation des femmes ?
CP : Le simple fait de jouer au football en tant que fille ou femme est déjà une façon de s’émanciper et de conquérir une forme d’autonomie. Il ne faut pas oublier que le football est considéré, par défaut, comme un sport propriété des hommes. Et hélas, c’est « vrai » partout dans le monde ! Il est vraiment devenu universel depuis que les femmes y jouent. Ensuite, dans chaque société, elles luttent avec plus ou moins d’engagement contre un machisme ambiant plus ou moins installé. Le football est un puissant outil d’autonomisation dans la mesure où il représente un terrain de contestation, voire de provocation, mais utile pour faire bouger les mentalités. Quand les femmes l’occupent, les détracteurs s’habituent et les plus féministes d’entre eux applaudissent. Plus que de l’autonomie, le football doit parvenir à fédérer hommes et femmes et imposer une solidarité naturelle qui permettra à chacun.e de s’épanouir sur le rectangle vert, mais aussi en dehors.
littlemiss-soccer.com
@LMSWorldTour
Retrouvez cet article dans la revue Sport et Citoyenneté n° 46 Sport et Genre