Sport & Fierté: Les mots de Julian Jappert
Sport et Citoyenneté a réalisé avec la Fondation FIER (Fondation Inclusion pour un Environnement Respectueux-Sport et Culture) un livre Sport & Fierté sur l’inclusion des personnes LGBTQI + dans le sport. 20 personnalités du monde sportif venant d’horizon divers y témoignent en tant que personnes concernées ou comme alliées et ouvrent la voie à une véritable prise de conscience collective sur cet enjeu. Regards de Julian Jappert, directeur général du Think tank Sport et Citoyenneté
Le tabou de l’homosexualité dans le sport
Alors que les mentalités au sujet de l’homosexualité évoluent dans la société française, le sport reste un environnement relativement hostile aux personnes LGBT+. Le sport a historiquement un caractère homosocial, hérité d’un modèle culturel occidental qui excluait les classes populaires et les femmes pour préserver un « entre-soi » entre jeunes hommes privilégiés. Les valeurs virilistes et patriarcales qui traversent et structurent l’univers sportif empêchent de penser les athlètes comme pouvant être à la fois athlètes et homosexuels1.
À cela s’ajoute souvent une hypocrisie de la part des instances dirigeantes qui ne prennent pas position de peur que cela affecte négativement leur image. Le sujet de l’homosexualité dans le sport est donc souvent considéré comme tabou, et seul un nombre très limité de sportifs assument ouvertement et publiquement leur homosexualité pendant leur carrière sportive. Les merveilleuses personnalités de cet ouvrage, et je les remercie sincèrement ainsi que nos partenaires courageux, l’autrice du livre Emmanuelle et le photographe Siphan, cherchent toutes et tous, en s’exprimant à leur façon, à ce que la diversité des orientations sexuelles soit simplement possible et acceptée, pour que ce sujet progresse.
Ces voix restent rares et méritent d’être amplifiées. En prenant en compte l’influence que les sportifs exercent sur beaucoup de jeunes qui les considèrent comme modèles de référence, il faut espérer que ces prises de paroles d’amour et de tolérance se multiplient aussi de la part d’athlètes hétérosexuels afin qu’ils jouent leur rôle dans la création d’un environnement sportif qui lutte activement contre l’homophobie.
Des initiatives insuffisantes pour lutter contre l’homophobie dans le sport
En France et en Europe il existe de plus en plus d’initiatives pour lutter contre les discriminations dans le sport, au moyen d’outils de sensibilisation et d’information et nous ne pouvons que nous en réjouir mais de nombreux faits divers dramatiques persistent et la lutte contre l’homophobie dans le sport demeure un défi à relever.
Il faut aller plus loin que les chartes et les déclarations de soutien qui certes font avancer le sujet, mais qui ont un impact limité. Pour cela, il convient de développer deux angles d’approche : l’éducation et la sanction. La quatrième proposition de « l’Appel de Paris 2018 pour un sport plus inclusif » est important à cet égard, en suggérant « d’élaborer un programme de sensibilisation, de prévention et de sanction des entraîneurs, dirigeants, supporters et pratiquants coupables de propos ou d’actes homophobes ». L’aspect lié à la sensibilisation est souvent cité, mais il conviendrait de se concentrer sur l’instauration systématique de projets éducatifs à différents niveaux, que ce soit pour les athlètes dans les clubs de sports, ou encore pour les instances dirigeantes dans les fédérations sportives. En outre, même s’il existe un arsenal juridique pour s’attaquer à l’homophobie il a tendance à ne pas toujours être appliqué dans le monde du sport. Il est temps pour le milieu sportif d’affirmer sa volonté de combattre l’homophobie de manière efficace et durable, et une manière d’y arriver serait de mettre en place des règlementations spécifiques et des sanctions sportives, afin de forcer les fédérations sportives à s’auto-sanctionner. Les pouvoirs publics devraient eux aussi prendre des mesures pratiques, par exemple en offrant plus de financements aux clubs qui prennent des initiatives contre l’homophobie, et ainsi motiver les clubs sportifs à être plus actifs sur ce front. En complément, les associations sportives encourageant des comportements homophobes pourraient être sanctionnées financièrement. Ce type d’action concrète a la possibilité de réellement faire avancer la cause.
Enfin, nous saluons toutes les sportives et tous les sportifs qui ont courageusement fait leur « coming-out » symbole du début d’une libération de parole en France, qui sera, nous l’espérons et nous y veillerons, accompagnée d’un changement de fond tant dans les structures sportives que dans l’attitude des acteurs de ce milieu.
Le livre Sport & Fierté est disponible en adhérent à notre think tank. Plus d’informations ici