Le sport doit être un élément essentiel d’une politique européenne
30 juin 2011
Laurent Thieule
Président de Sport et Citoyenneté
Directeur de la communication et du Protocole, Comité des Régions de l’Union Européenne
Même en période de crise, le sport contribue à la croissance économique, au développement, à l’emploi et à la cohésion sociale en Europe. Il est l’un des secteurs économiques les plus performants et apporte indéniablement du lien social. Il peut jouer un effet de levier financier, apporter du rayonnement médiatique et des atouts touristiques mais aussi contribuer au mieux-être dans les villes et dans les zones rurales : il paraît donc évident qu’il trouve clairement sa place dans les politiques européennes, nationales, régionales et locales.
Cependant si le sport contribue certainement à atteindre les objectifs de la stratégie « Europe 2020 » de la Commission européenne (un vecteur de « croissance intelligente, durable et inclusive »), il n’existe aujourd’hui aucun programme Sport européen spécifique, ni même de référence au sport dans d’autres programmes, ce qui n’encourage pas ainsi les Etats membres et les régions à financer des projets sportifs. Ou leur donne quelques excuses à moins y investir.
Dans le traité de Lisbonne, une nouvelle base légale européenne existe pourtant pour le sport. Elle devrait permettre à tous les acteurs européens de bénéficier de financements communautaires. Grâce à ceux-ci, le sport pourrait jouer encore davantage son rôle de créateur de lien social, d’élément de la culture populaire européenne et de dénominateur commun pour les populations. Dès lors, il représenterait un instrument formidable d’éducation et d’apprentissage de la citoyenneté. Il constituerait un tremplin vers une citoyenneté européenne, par les valeurs qu’il porte mais aussi par sa contribution à leur apprentissage. Les collectivités territoriales, relayées par les clubs et leurs bénévoles, supportent, gèrent et organisent, sur le terrain, la plupart des évènements et des pratiques sportives. Elles doivent avoir plus de possibilités et de lisibilité sur des financements européens.
PAS » ACTUELLEMENT INÉLIGIBLE «
Les pouvoirs publics ont l’obligation de prendre cette tâche en main. Précisément, les fonds structurels communautaires ont vocation à financer des infrastructures sportives, éléments essentiels d’aménagement et de développement local et régional : que ce soit la réhabilitation d’un quartier en difficulté, l’amélioration de l’insertion sur le marché du travail ou encore la recherche et l’innovation. Un pays comme la Pologne a déjà largement puisé dans son enveloppe de fonds structurels pour réaliser des stades pour l’Euro 2012 de football, de même que des équipements sportifs dans 2 000 de ses communes.
La Commission européenne révise actuellement les règlements de la politique régionale et de cohésion pour le paquet 2014-2020. Elle a proposé le 29 juin de prévoir un volet de 376 milliards d’euro, 36,7 % du total, pour les fonds structurels pour cette période qui vont couvrir toutes les régions et villes de l’UE. Très concrètement, le mouvement sportif européen appuie l’idée que le sport devrait être inscrit dans les actions éligibles aux aides du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE). C’est une première réponse politique que l’UE peut apporter. Le commissaire européen chargé de la politique régionale, Johannes Hahn, affirme, dans une interview accordée au Think tank Sport et Citoyenneté, que « l’importance du sport en particulier dans les domaines de l’éducation, la jeunesse, la citoyenneté et la santé [et] l’absence de référence explicite au sport dans nos règlements pour la politique de cohésion ne signifie pas qu’il soit actuellement inéligible ».
Le commissaire ouvre des pistes : « En ce qui concerne les futures priorités d’investissement de la politique de cohésion, l’accent sera mis sur un nombre limité de priorités. Dans ce cadre, des ressources de la politique de cohésion pourront être utilisées pour exploiter la valeur du sport comme outil de développement local et régional, de régénération urbaine, de développement rural et de l’employabilité. Les activités (et infrastructures) liées au sport ne peuvent être financés par des fonds de la politique de cohésion que dans la mesure où ils contribuent aux objectifs globaux de notre politique et dans le contexte d’une stratégie intégrée de développement économique régional ou local ».
EN MANQUE DE PERSPECTIVES CONCRÈTES
Ce « menu européen » décrit par Johannes Hahn est encourageant : il laisse apparaître une perspective de financement, en particulier pour les projets sportifs des collectivités locales. A elles de produire cet effort de compréhension, de sollicitations et de « spécialisation intelligente » afin de favoriser une répartition équitable des capacités, notamment financières des fonds européens. Elles doivent le faire en s’accordant avec les priorités nationales et celles de leur région.
Toutefois, il manque encore des perspectives plus concrètes pour le sport : au niveau de l’Union européenne, il n’y a encore ni budget, ni programme dans ce domaine. Il est terriblement décevant pour les 40 millions de bénévoles sportifs européens qu’en dépit des nouvelles compétences juridiques et des intentions politiques réaffirmées de l’Union européenne dans le sport, les avancées financières dans ce domaine restent si limitées. Les Etats membres et le Parlement européen vont bien sûr avoir leur mot à dire dans les prochains mois sur le prochain cadre financier européen pluriannuel. Mais la Commission européenne reste maîtresse des règlements et de l’éligibilité du sport dans la politique de cohésion. Et la partie est loin d’être jouée.