« Sport et environnement : et si nous changions de paradigme »

20 mars 2015

 

Jouanno_Chantal

 

Chantal Jouanno

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Ancienne Ministre des sports

 

Que pensez-vous de la place du sport dans le débat public ?

CJ : Le sport participe depuis longtemps au rayonnement de la France à l’international. Les discussions en cours sur la candidature pour les Jeux Olympiques 2024 de Paris démontrent l’intérêt du sport au plus haut niveau politique. Je dirais que le niveau de conscience politique sur le sport professionnel est relativement élevé aujourd’hui. On oublie souvent qu’il y a dans l’histoire même du sport une dimension citoyenne La dimension de santé publique du sport est beaucoup plus difficile à faire comprendre. Aujourd’hui en France, malgré les recommandations de l’OMS (10 minutes d’activité physique par jour), la pratique, encadrée ou non, reste faible. Pourtant, il existe des chiffres alarmants qui devraient nous faire réagir : un tiers de la population est en surpoids, il y a 200.000 boulimiques, 200.000 tentatives de suicides en France chaque année. Autant de phénomènes qui pèsent sur le bien-être des Français et sur lesquels la pratique d’une activité physique a un impact positif.

Vous avez pris récemment des engagements au Sénat en faveur de la promotion de l’activité physique, notamment en tant qu’outil de prévention au service la santé des Français. Qu’en est-il réellement ?

CJ : La prévention par l’activité physique et par une nutrition saine est primordiale. Nous étions génétiquement programmés pour parcourir 10 kms par jour. Aujourd’hui nous n’en parcourons en moyenne que 2,6. Combler ce fossé doit devenir un objectif politique important pour les décideurs. Alors que la Ministre des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes Marisol Touraine a présenté le 15 octobre dernier en Conseil des Ministres son projet de loi de santé, aucune référence au sport comme outil de santé n’est faite dans ce document. Pourtant, les bienfaits de l’activité physique sont aujourd’hui parfaitement documentés. Pour prendre un exemple, en termes de prévention, de traitement et de non-récidive, les risques associés à certains cancers peuvent diminuer de 25% à 50% grâce à une activité physique régulière. Je proposerais donc des amendements au projet de loi afin d’y intégrer la dimension « activité physique et sport » qui lui fait défaut.

Entre novembre 2010 et septembre 2011, vous étiez pourtant aux responsabilités en tant que Ministre des Sports. Pourquoi ne pas voir agi à ce moment ?

CJ : Le sujet était sur la table au Ministère des Sports lorsque j’y étais en fonction. Il s’agissait d’intégrer la pratique du sport pour que les médecins ne soient plus ceux qui disent non à telle ou telle pratique sportive, mais ceux qui orientent vers une pratique adaptée. Malheureusement cette idée n’a pas prospéré.

Comment expliquez-vous cette inaction ?

CJ : La raison est simple et tient à l’ensemble du système médical. Il n’est pas organisé pour intégrer ces problématiques dans la mesure où il est basé sur le remboursement de soins. Les médecins sont payés en fonction des actes de soins. La prévention représente un coût tandis que la maladie est source de revenus. A l’échelle mondiale, l’OMS a fait des recommandations assez claires sur l’ensemble de ces sujets. Malheureusement, le modèle de consommation dominant nous apprend que notre bonheur est lié à ce que l’on consomme. Le sport est considéré comme une activité annexe qui ne rentre pas dans notre modèle économique. Pour toutes ces raisons, les politiques doivent se mettre en scène en train de pratiquer du sport afin de montrer l’exemple. Il en va de la crédibilité dans le message que l’on souhaite faire passer. L’inactivité physique est la première cause de mortalité évitable. Cette dimension représente un enjeu majeur pour les pouvoirs publics qu’il conviendra de saisir lors de l’examen du projet de loi de santé publique au premier trimestre 2015. Aussi, j’encourage les organisations de la société civile comme le Think tank Sport et Citoyenneté à alerter les décideurs sur ces sujets. Ces initiatives sont primordiales et bénéfiques dans la poursuite de l’intérêt général.





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