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Sport de haut niveau au féminin : comment mettre fin aux inégalités de genre ?

 

Par Eva Jacomet, chargée de mission du Think Tank Sport et Citoyenneté

 

Du 4 au 20 novembre, se tiendra le Championnat d’Europe féminin de handball. Le handball s’affirme à échelle européenne comme française comme l’un des sports collectifs les plus en avance en matière d’égalité femmes-hommes. L’occasion de questionner les progrès et enjeux des luttes pour une égalité de genre dans le sport de haut niveau.

 

 

Il souffle un vent de changement sur le sport de haut niveau au féminin. Impulsé notamment par l’engagement de sportives de haut niveau, l’objectif est de garantir les droits des sportives et de parvenir à une égalité de genre dans le sport encore très abstraite à bien des égards : inégalités salariales et de traitement médiatique, prégnance du tabou des règles ou encore droit à la maternité trop largement ignoré. En ce sens, le secteur sportif n’échappe pas aux inégalités et discriminations de genre observées dans le reste de la société. Pis, il en est le miroir grossissant par l’exacerbation des inégalités liés au genre dans le domaine sportif et au motif de sa publicisation.

 

Egalité salariale : faire de l’exception, la règle

En 2019, l’étude Sporting Intelligence Global Sports Salaries Survey classe la WNBA (Women’s National Basbetball Association) comme le championnat féminin professionnel le plus rémunérateur au monde. Et pourtant l’écart salarial avec leurs collègues masculins de la NBA (National Basketball Association) demeure titanesque. En 2019, le salaire moyen d’une joueuse de WNBA restait 110 fois moins élevé que celui d’un collègue masculin de NBA, illustration marquante des inégalités salariales qui prévalent toujours dans le sport de haut niveau.

En France, des situations semblables existent. Il est notamment possible de mentionner l’écart considérable entre la prime accordée pour le sacre mondial de l’équipe de France de football masculine en 2018 qui atteignait 400.000 euros, celle qui était prévue pour leurs homologues féminines à la Coupe du Monde 2019, 40.000 euros.

S’il est souvent présenté et justifié comme proportionnel aux dotations de la FIFA et aux retombées économiques générées par ces compétitions, cet écart salarial est loin d’être un horizon indépassable, en témoigne la victoire historique en février dernier de l’équipe américaine de football, double championne du monde, qui a obtenu l’égalité salariale avec l’équipe masculine. On pourrait également mentionner avant elles l’engagement des fédérations norvégienne, brésilienne ou anglaise de football à attribuer le même montant pour les primes et les indemnités journalières aux femmes et aux hommes. Dans les sports individuels aussi, la question de l’égalité salariale s’impose. L’égalité des prize money pour les tournois du Grand Chelem entre femmes et hommes au tennis ou en World Surf League depuis 2019 vient attester de la faisabilité de telles mesures.

 

Pour une médiatisation à part et traitement égaux

Evoquée comme levier de l’égalité salariale dans le sport de haut niveau entre femmes et hommes, la médiatisation n’en demeure pas moins un enjeu à proprement parler, pour la représentation et la visibilité des sportives de haut niveau. De ce manque de visibilité découle un défaut de modèles à qui s’identifier (role model), ce qui a des conséquences directes sur la participation des jeunes femmes au sport et leur engagement potentiel dans d’autres rôles tel que les postes de l’encadrement sportif et de direction du secteur sportif.

Si l’importante médiatisation accordée à l’Euro 2022 de football[1] ou aux sportives lors des Jeux de Tokyo en 2021 (à l’image de la finale de handball féminin remportée par l’Équipe de France suivie par 4,2 millions de téléspectateurs[2]), attestent de l’intérêt grandissant du public pour le sport au féminin, elle ne peut à elle seule cachait une tendance lourde : la sous-médiatisation du sport au féminin. En France, les dernières études qui ont analysé les rubriques sportives montrent ainsi que les quotidiens nationaux ne consacrent que 5 à 10 % de leurs articles au sport féminin. Constat similaire à la télévision où les études estiment que la part du sport féminin se situe entre 16 et 20 % toutes chaînes confondues.

Outre sa sous-médiatisation, le sport au féminin souffre également du traitement médiatique qui lui est parfois réservé. Plusieurs études mettent ainsi en évidence des biais qualitatifs importants dans les reportages journalistiques, tels que le marquage du genre, l’infantilisation, les différences de cadrage ou encore l’accent mis sur la féminité.

Augmenter la couverture médiatique du sport au féminin et améliorer le traitement médiatique pour ne pas renforcer les stéréotypes de genre s’affirment comme les priorités d’aujourd’hui et de demain. Les efforts engagés, à l’image de l’opération « Sport féminin toujours » conduite chaque année par l’ARCOM et le Ministère des Sports doivent être généralisés et poursuivis.

 

Dénoncer, étudier, adapter : comment mettre fin au tabou des règles

Assurer un traitement médiatique distant de tout stéréotypes de genre induit également de lever le voile sur des thématiques sous-traitées inhérentes à la pratique sportive des femmes : tabou des menstruations et maternité des sportives de haut-niveau en premier lieu.

Mettre fin au tabou des règles dans le domaine du sport c’est en premier lieu verbaliser et amener dans l’espace public ce sujet habituellement confiné à l’intime, relégué au secret voir considéré comme « sale ». C’est ce qu’ont fait par exemple Estelle Nze Minko, capitaine de l’Equipe de France de Handball, qui signait une tribune à ce sujet auprès de l’association « Règles élémentaires » en mai 2020 ou Clarisse Agbégnénou, double médaillée d’or olympique et ambassadrice de la marque de culottes menstruelles françaises Réjeanne, qui a pris position publiquement pour la fin du tabou des règles.

C’est ensuite l’étudier, comprendre comment le cycle menstruel peut impacter le quotidien des sportives de haut niveau et adapter l’entraînement en conséquence. A cet égard, les travaux se multiplient ces dernières années. On peut mentionner par exemple l’étude conduite par deux chercheuses de l’INSEP nommée « EMPOW’HER » (Exploring Menstrual Periods Of Women athletes to Escalate Ranking). Objectif de ce projet, auquel participe par exemple Ysaora Thibus championne du monde de fleuret : « maximiser les performances des athlètes féminines élites en optimisant leurs réponses à l’entraînement par des charges de travail adaptées en synergie avec leur physiologie et leur cycle menstruel (CM) ». Outre-Atlantique, on peut également mentionner le travail de Georgie Bruinvels, à l’origine de l’application FITR Woman, qui adapte les programmes d’entraînement aux cycles menstruels. Elle a par exemple accompagné l’équipe de football des États-Unis vers son sacre mondial lors de la Coupe du Monde 2019.

Adapter la pratique sportive passe également par une adaptation des tenues sportives. En plein Euro 2022 de football, les joueuses anglaises – championnes d’Europe quelques jours plus tard – s’adressent à leur équipementier Nike et demandent la fin des tenues et shorts blancs. Quelques mois plus tôt, c’était Alicia Barnett qui réagissait au dress code blanc imposé par le tournoi de Wimbledon en confiant son stress d’avoir ses règles dans cette tenue.

 

Garantir les droits à la maternité des sportives de haut-niveau

Dans la lignée des enjeux encore confinés à l’intime, impossible d’ignorer la question de la maternité des sportives de haut-niveau. Sujet peu abordé voir encore tabou dans le sport de haut niveau, il est pourtant un enjeu décisif qui s’impose peu à peu dans la sphère sportive tant les exemples de sportives de haut niveau devenues maman au cours de leur carrière se multiplient. On pense récemment à l’internationale française de handball Cléopâtre Darleux, devenue championne olympique en 2021, après avoir accouché en 2019, à la joueuse de tennis mondialement connue, Serena Williams ou à la judokate Clarisse Agbégnénou, porte drapeau de l’Equipe de France Olympique aux JO de Tokyo et plus beau palmarès féminin du judo français.

En dépit de ses exemples, de leurs prises de paroles répétées, la question de la maternité reste trop faiblement traitée par le sport professionnel, pis elle est encore trop souvent perçue comme un frein à la carrière, une entorse au professionnalisme. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics et des organisations sportives de faire évoluer ces mentalités et d’accompagner les sportives dans cette période. A cet égard, le Ministère des Sports français, par la publication récente d’un guide « Sport de haut niveau et maternité, c’est possible » montre la voie. Le handball, en fait de même, avec l’adoption de la Convention Collective des joueuses professionnelles de Handball qui permet notamment le maintien du salaire pour une durée totale de 12 mois d’arrêt de travail y compris pendant la grossesse.

Qu’elles aient traits à leurs rémunérations, à leur médiatisation, à la fin des tabous pesant sur les règles et la grossesse en tant que sportives, l’ensemble des thématiques abordées ici relèvent des droits fondamentaux des femmes. Les garantir s’impose comme une obligation et la condition sine qua none de l’égalité de genre dans un secteur sportif, encore parent pauvre sur ce sujet.

Le sport n’est pas domaine d’exception, il est urgent de veiller à ce que les droits des femmes prévus par la législation nationale y soient pleinement appliqués.


Mobilisé sur ces enjeux, Sport et Citoyenneté, avec les Neptunes de Nantes, club de volleyball et handball féminin de haut niveau et vainqueur de la Ligue Européenne de Handball en 2021 organisent un colloque intitulé « Priorité politique, développement économique et médiatique : défis d’aujourd’hui et de demain pour le sport au féminin » le 21 novembre prochain à la Cité des Congrès de Nantes. Informations à retrouver ici.

 

 

[1] Le match d’ouverture des Bleues a ainsi réuni 4,4 millions de téléspectateurs en prime time sur TF1.

[2] Soit 58.3% de parts d’audience, meilleure part d’audience sur ces Jeux Olympiques pour France Télévisions.



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