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Revue 39 – Interview de Tony Estanguet

« Au-delà du plaisir de la pratique, je suis convaincu par les valeurs sanitaires et éducatives du sport »

 

Sport et Citoyenneté a eu le plaisir de rencontrer celui qui n’était alors « que » double champion olympique et double champion du monde de canoë en 2010, à l’occasion du Global Sport Forum Barcelona. Après avoir ajouté deux nouvelles lignes à son palmarès (un titre de champion du monde en 2010 et une médaille d’or à Londres en 2012), il poursuit désormais son remarquable parcours dans les instances sportives, en tant que membre du CIO et co-directeur de la candidature parisienne aux Jeux Olympiques et Paralympiques.

Après une année 2009 exceptionnelle (champion du monde individuel et par équipe), quel est votre programme pour cet exercice 2010 ?

TE : L’année 2010 est une saison de transition pour moi. Après le titre mondial gagné en 2009, je souhaite prendre du recul sur ma préparation et poser les bases des saisons à suivre. L’an dernier, j’ai misé l’ensemble de ma saison sur la préparation des Mondiaux. En 2010, je vais me déplacer sur plus de bassins pour m’obliger à développer de nouvelles habiletés techniques. J’ai fait un long stage hivernal à Athènes, puis en Slovaquie et en Slovénie. Mon objectif est de développer l’adaptation en changeant de sites régulièrement, alors que l’an dernier j’étais sur un travail de précision. C’est un changement de cap qui est aussi une prise de risque intéressante pour franchir un nouveau palier.

 

Le canoë-kayak est un sport très spectaculaire mais peu médiatisé, en dehors des JO. Selon vous, comment pourrait-on encourager davantage les médias à suivre cette discipline ?

TE : Nous avons un vrai défi à relever pour médiatiser durablement les sports olympiques. Je n’ai pas de solutions mais je pense qu’il faut rendre nos sports plus simples à comprendre et à suivre. Nous devons aussi augmenter le temps d’exposition. Le direct coûte très cher mais le différé offre des avantages, comme une exposition supérieure sur des journaux télé. Si la télé s’intéresse davantage à nos sports, les autres médias suivront ! C’est aussi une histoire de calendrier et de concurrence avec de grands événements sportifs, nous devons avoir une réflexion globale.

 

« J’encourage les sportifs à faire l’effort de préparer leur reconversion pendant leur carrière »

 

Vos deux titres olympiques et votre statut de porte-drapeau français lors des JO de Pékin vous ont porté sur le devant de la scène médiatique. Comment gère-t-on ce type de situation ?

TE : On gère comme on peut ! Nous ne sommes pas préparés à être un jour porte drapeau, alors on improvise. Ce n’est pas si simple de se situer dans ce rôle. Concernant la pression que ça peut générer, à chaque porteur son expérience. En ce qui me concerne, mon échec sportif n’incombe pas seulement à cet honneur. C’est un ensemble d’éléments qui ont fait que je suis passé à côté ce jour-là et je n’ai pas de regrets d’avoir porté ce beau drapeau tricolore, j’en garde même un excellent souvenir.

 

Vous avez suivi en parallèle de votre carrière sportive un cursus universitaire en management du sport. Cette « double formation » est-elle indispensable à vos yeux ?

TE : Indispensable, je ne pense pas car certains sportifs réussissent très bien sans double projet. En ce qui me concerne, les « règles du jeu » ont toujours été claires : il fallait être « réglo » sur l’école pour pouvoir faire du sport. J’ai gardé cet équilibre tout au long de ma carrière et la formation que j’ai suivie m’a énormément apporté à titre personnel, professionnel et sportif. J’encourage vraiment les sportifs à faire l’effort de préparer leur reconversion pendant leur carrière car c’est responsable mais c’est aussi un bon moyen de s’ouvrir aux autres, d’échanger des expériences et des compétences qui peuvent apporter de précieux enseignements pour la carrière sportive.

 

Avec le recul, qu’est-ce que le sport et le canoë-kayak vous ont apporté en tant qu’Homme ? On parle souvent des valeurs du sport, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

TE : Je me suis construit grâce au sport. Au-delà du plaisir de la pratique, je suis convaincu par les valeurs sanitaires et éducatives du sport. Le canoë est un sport individuel qui nécessite de développer son autonomie mais, pour des raisons de sécurité, nous ne pratiquons jamais seuls, ce qui met en jeu des valeurs sociales comme le respect des autres ou des règles collectives. Notre sport éduque aussi au respect de l’environnement, qui est notre support quotidien. C’est une valeur forte aujourd’hui. Enfin, la compétition m’a beaucoup épanoui car elle pousse à réfléchir sur soi, à trouver ses limites et à bien se préparer pour un objectif précis. Ces routines sont transférables dans la vie de tous les jours.



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