Recherche sur le sport : la parité fait son chemin

   Par Albrecht Sonntag, Membre du Comité Scientifique,Think tank Sport et Citoyenneté

 

 

Depuis 2005, le réseau académique Sport&EU travaille à faire de la recherche sur le sport, un environnement inclusif et non-discriminatoire pour ses membres. Cependant, la conférence annuelle, chaleureusement accueillie fin juin sur le campus angevin de l’ESSCA École de Management, a interpellé, en matière de parité, Albrecht Sonntag chercheur et membre de notre comité scientifique.

Comment évaluez-vous l’évolution de l’inclusion dans la recherche sur le sport au cours des dix dernières années ?

Comme le sport dans son ensemble, la recherche sur le sport en sciences sociales a longtemps été un bastion masculin. Et Sport&EU n’en faisait pas exception : l’association a été créé en 2005 par un groupe d’amis … comprenant une seule femme. En 2024, non seulement la conférence ne comportait aucun panel non-mixte, mais l’équilibre entre les intervenants a atteint une parité parfaite. Mieux : cela s’est produit de manière spontanée, sans qu’on l’ait vraiment cherché. Evidemment, cette parité est partiellement due à la présence de trois keynote speakers féminins, mais Dikaia Chatziefstathiou, Silvija Mitevska et Snežana Samardžić-Marković ont été invité non pas pour remplir des quotas imaginaires, mais pour leur capacité de répondre à des questionnements bien précis et d’enrichir, avec leur savoir, leur vécu et leur charisme, la qualité de l’événement. Mais le plus grand compliment qu’on puisse faire à cette communauté académique est d’avoir été choisie par de jeunes chercheuses pour y présenter le premier papier de recherche de leur carrière. Non sans trac, mais confiantes d’y trouver un environnement non-condescendant prêt à accueillir de nouvelles têtes remplies de nouvelles idées. Et tant qu’on y est, on peut aussi féliciter Sport&EU d’avoir réussi à mettre en place, en créant il y a deux ans une nouvelle revue académique, le Sports Law, Policy & Diplomacy Journal, un comité éditorial de 18 membres, dont 10 femmes.

Pensez-vous que ces progrès sont un signe encourageant pour l’avenir ?

Cet instantané d’une conférence particulièrement réussie ne doit pas faire oublier que le chemin est parfois plus difficile qu’il n’y paraît. J’en ai fait l’expérience moi-même.Tout en cherchant à être proactif en faveur de l’inclusion de voix féminines dans la recherche sur le football – en parvenant par exemple dès 2012, à mettre en place, pour le projet européen FREE, un consortium de 18 chercheurs comprenant 8 femmes (dont 3 doctorantes) – j’ai eu ma dose d’échecs.

En 2019, quand il s’agissait de composer le programme d’un séminaire de recherche à Sciences Po visant à dresser un bilan des trente dernières années de recherche sur le football, j’avais sollicité deux collègues féminins. Toutes les deux ont décliné pour des raisons d’agenda, et je me suis trouvé avec cinq intervenants masculins. Plus récemment, lors de la préparation du projet du « Guide de l’Euro 2024 » (dont cette lettre hebdomadaire parlait il y a quelques semaines), j’avais, avec mon compère Stephan Klemm, établi une magnifique shortlist paritaire d’auteurs pressentis pour écrire les dix portraits des villes allemandes accueillant la compétition. Nous étions convaincus d’y arriver. Puis, nous avons encaissé, malgré des réponses enthousiastes pour le projet lui-même, un désistement après l’autre, pour finir sur un casting très majoritairement masculin. Quelle qu’en soit la cause, pour ce résultat, c’était raté. On voulait marquer le coup, on a fini par être prisonnier des vieux travers.

Quels sont, d’après vous, les solutions à mettre en place pour continuer à lutter contre l’absence de parité ?

Visiblement, les bonnes intentions ne suffisent pas. Pour arriver à une parité naturelle, il faut créer un cercle vertueux qui donne envie à tous et à toutes de saisir chaque occasion de faire un pas en avant.Et il faut insister. Continuer à refuser de participer à des tables rondes exclusivement masculins. Suggérer des noms de collègues féminins aux organisateurs d’événements. Coopter les femmes dans les comités de direction des associations académiques et dans les comités éditoriaux. En attendant, cela ne nous empêche pas d’adresser nos félicitations les plus sincères à Borja Garcia, et toute l’équipe dirigeante de Sport&EU, d’avoir réussi à mettre en place un environnement inclusif exemplaire. Parler des bonnes pratiques, cela fait aussi avancer la cause.

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