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Quelle place pour le sport à l’université ?

Par Alice Buensoz, chargée d’études mesure d’impact social, Think tank Sport et Citoyenneté

 

On trouve de nombreuses études portant l’activité physique des enfants et adolescents ainsi que des statistiques sur la pratique globale dans la société. Très peu d’entre-elles s’intéressent à la pratique sportive à l’université, qui représente pourtant une période charnière dans la vie de plus de 2 millions de jeunes. Jeudi dernier, l’ANESTAPS (Association Nationale des Etudiants en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) ainsi que l’ONAPS (Observatoire National de l’Activité Physique et de la Sédentarité) ont dévoilé les résultats d’une étude inédite à échelle nationale de l’activité physique des étudiants en France[1].

 

L’entrée à l’université : un changement de rythme de vie

La fin du lycée et l’entrée à l’université peut représenter un bouleversement dans la vie des étudiants: prise d’autonomie, concilier études et job étudiant, changement de rythme scolaire… De nombreuses études s’attachent à montrer que le niveau d’activité physique des adolescents ne remplit pas les recommandations de l’OMS. Par ailleurs, une étude de Sylvie Octobre[2] affirme que le sport quitte l’agenda des loisirs des adolescents en moyenne à l’âge de 18 ans (et de manière plus précoce chez les filles). Les modalités de pratiques changent également : les jeunes quittent les clubs et structures fédérées au profit d’une pratique non encadrée. D’autres activités sont alors privilégiées notamment avec l’entrée des activités numériques. Ce constat est confirmé par l’étude de l’ANESTAPS et de l’ONAPS qui montre que les étudiants passent en moyenne 8h/jour avec un comportement sédentaire (dont 3 heures devant les écrans). De nombreux facteurs peuvent influencer ces comportements tels que l’organisation spatiale et temporelle du rythme universitaire, la charge de travail académique ou encore le bouleversement des sphères sociales de l’étudiant.

Ces chiffres alarmants questionnent les politiques de prévention et de santé à destination des étudiants. En effet, on trouve de nombreuses de campagnes, de programmes de prévention de la sédentarité et de promotion de l’activité physique destinées au monde de l’entreprise ou plus largement de la vie active. Même si le sport en entreprise est encore un outil sous exploité, des progrès et mesures incitatives ont été prises en ce sens : possibilité d’aménagement du temps de travail, exonération des cotisations, intervention d’ergonomes, aménagement de douches sur le lieu de travail…

Par ailleurs, 58% des étudiants ne pratiquent pas d’Activité physique et sportive (APS) en raison d’un manque de temps lié à des contraintes universitaires : une réflexion plus large peut alors se porter sur l’organisation de l’agenda étudiant. Dans certains pays tels que l’Allemagne ou le Canada, il est possible de moduler son emploi du temps universitaire et de pouvoir ainsi jongler avec plus d’agilité entre études, job étudiants et sport…

Offre d’activité physique universitaire : vers une diversification

Au sein des universités, de nombreux services ont été développés pour répondre aux besoins spécifiques des étudiants : accès à la santé, à la restauration, à la documentation… Il existe également un Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives (SUAPS) qui propose des activités physiques directement sur les campus. Ce service, majoritairement gratuit[3] propose un large choix d’activité, si bien que victime de son succès, les capacités sont pleines dès le début de l’année et ne peuvent pas répondre à toute la demande étudiante.

Une première solution serai alors d’augmenter la capacité des SUAPS pour d’une part toucher plus d’étudiants. Cette réflexion revient à aborder la question des rythmes universitaires : dégager une demi-journée dédiée à la pratique d’APS à l’ensemble des formations, inciter l’ajout de modules APS dans les maquettes ou encore développer l’offre d’équipement en pratique libre. D’autres parts, diversifier l’offre de pratique permettrai de toucher des étudiants initialement plus éloignés de la pratique. A l’instar de pratiques plus douces et de l’activité physique adaptée qui répondraient aux besoins des étudiants qui pour une grande majorité souhaitant pratiquer une activité à des fins de santé. Par ailleurs, il est important de souligner que la gratuité du SUAPS permet le lever le frein financier d’accès à la pratique des étudiants les plus précaires. Un public non négligeable puisque 20% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté.

Mobilité et comportements actifs sur les campus

A l’heure de la sobriété énergétique y compris dans les transports, de la promotion de l’activité physique et la lutte contre la sédentarité et la précarité, les universités se positionnent au cœur des enjeux de promotion des mobilités actives.

L’étude montre que 72% des étudiants qui utilisent des transports actifs (marche, vélo…) et habitant à moins de 2km de leur université considèrent que l’accès n’est ni facile ni sécurisé. Cela engage alors une réflexion sur l’aménagement des campus et la promotion des moyens de transport doux. Les étudiants déclarant utiliser des moyens de transports actifs ont un niveau d’activité physique plus élevé et un niveau de sédentarité plus faible que les autres étudiants. La facilitation et la promotion de ce type de transport est alors un levier de réponse aux problématiques environnementales liés à la réduction des émissions de gaz mais aussi de santé publique en luttant activement contre la sédentarité.

La promotion de l’activité physique et la lutte contre la sédentarité passent aussi par la promotion des comportements actifs : pauses actives pendant les cours de plus d’une heure et demie ou encore en développement le design actif sur les campus.

 

De nombreux leviers peuvent être activés pour développer la pratique d’activité physique des étudiants tant bien sur l’organisation des emplois du temps universitaires, l’offre de pratique ou encore en promouvant les mobilités et comportements actifs sur les campus. Participer au développement du sport à l’université ressort d’un enjeu de santé publique ou tous les acteurs concernés ont à gagner : augmentation de l’attractivité des universités, du bien être étudiant ou encore du dynamisme d’une ville.

L’université est un lieu de formation de la société de demain, qui aujourd’hui plus que jamais, se doit être active.

 


[1] Cette enquête, réalisée pendant l’année 2022 à reçu 18 759 réponses réparties équitablement en France dans l’ensemble des filières universitaires. Une forte part des étudiants répondants sont issus de la filière STAPS, un traitement différencié a alors été fait pour éviter les biais.

[2] Octobre Sylvie, et Nathalie Berthomier. « L’enfance des loisirs. Éléments de synthèse », Culture études, vol. 6, no. 6, 2011, pp. 1-12.

[3] Toutes les universités ne proposent pas encore la gratuité de leur service des sports. Le cas échéant, un tarif avantageux est proposé.



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