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Yann Corbel, Nageur

Propos recueillis par Sarah Cochet

  • Parlez-nous de vous.

Je pratique la natation depuis l’âge de 6 ans. Mon père nageait beaucoup et j’ai « baigné » dans ce domaine depuis mon enfance. Mon frère pratique aussi la natation par exemple. J’ai réellement commencé à nager sérieusement à Dinard. Au lycée, les séances sont devenues biquotidiennes. Pour des raisons d’organisation je suis parti à Rouen où j’étais encadré par Éric Boissière. J’ai obtenu mon Bac Scientifique, puis après un semestre en DUT mesures physiques, j’ai intégré un cursus STAPS à l’IFEPSA. Depuis deux ans je m’entraine à Angers. J’essaie d’allier les études et la natation en m’entrainant le matin avant d’aller en cours et le soir en sortant.

  • Pouvez-vous nous présenter un peu plus votre pratique ?

Je pratique la natation, surtout eau libre. Cette discipline compte plusieurs distances qui varient entre 5 et 25 kilomètres. La distance olympique est le 10 kilomètres. Pour être performant, il faut s’entraîner sur de la longue distance. Cette discipline n’est pas encore énormément reconnue puisqu’elle est au programme des Jeux Olympiques seulement depuis Pékin 2008. Ce n’est pas une discipline spectaculaire si on la compare à un 50 mètres par exemple. Des Championnats du Monde et d’Europe sont organisés, ainsi que les Universiades, que je vise cette année. Ce sont les Jeux Olympiques Universitaires qui se déroulent sur 10 kilomètres. Ils auront lieu cette année à Taipei (Taiwan), du 19 au 30 août prochains.

  • Pour réussir dans ce sport, qu’elles sont les qualités nécessaires ?

De la persévérance ! Dans la natation, comme dans tous les sports, on passe forcément par des échecs. Il faut être endurant et courageux. Quand on pratique le 10 kilomètres, il faut pouvoir tenir sur une si longue distance. Forcément, il y a les entrainements nous aident, donc il faut savoir être discipliné. Ce sont les trois principales qualités d’un bon nageur en eau libre.

  • Est-ce que le sport vous apporte quelque chose de plus dans la poursuite de vos études ?

Pour moi c’est clairement un équilibre. Dans les périodes un peu plus creuses, en début de saison par exemple, j’ai l’impression de me sentir vide. Il me faut quelque chose en plus. C’est mon choix de le pratiquer intensivement mais j’en ai besoin pour avancer. Le sport en général aide à se défouler. Pour moi, c’est un équilibre. Ça m’apporte de la rigueur, ça m’oblige à me lever très tôt le matin, d’avoir un cadre. Je pense que ce sera bénéfique dans ma vie future professionnelle.

A l’inverse, les études m’apportent une autre vision, je côtoie un monde qui me permet de ne pas rester uniquement cantonné à la natation. C’est important de s’ouvrir vers de nouveaux horizons. J’ai peut-être une vision différente par rapport aux autres nageurs grâce à cela.

  • Est-ce difficile d’allier à la fois une pratique sportive de haut niveau et la poursuite d’études supérieures ?

Il faut avant tout savoir faire des choix. Par exemple, sur des périodes très courtes et en fonctions des priorités, je choisis de faire moins d’entraînements et d’aller plus en cours, ou l’inverse. Sans aller jusqu’à faire mon planning « à la carte », j’essaie de bien organiser mon quotidien, d’avoir un sens des priorités au moment où il le faut.

  • En général, vous sentez-vous bien encadré par rapport à votre double projet ?

Ce n’est pas toujours simple car chacun veut tirer profit de votre activité. Les référents universitaires veulent que je me concentre uniquement sur les cours. Mon entraineur quant à lui se concentre avant tout sur la natation. C’est normal, mais la double formation peut parfois amener un entraineur à ne plus vouloir suivre le sportif qu’il entraine s’il voit que ce dernier privilégie les cours à la pratique. Il faut réussir à bien gérer cette situation, et à démontrer qu’il est possible de réussir sur les deux tableaux.

Sur le plan universitaire, j’ai dû insister pour obtenir des aménagements d’horaires, afin de continuer à m’entrainer de façon optimale. Cette situation n’est pas évidente mais on fait avec. Financièrement, des aides existent mais elles s’arrêtent généralement au lycée. Je pense qu’il manque une vraie institution qui ait du poids au niveau régional, pour valoriser ce que les sportifs réalisent. Une personne par exemple qui fasse le lien entre l’établissement universitaire et le club.

  • Où en êtes-vous aujourd’hui dans cette double formation ? Qu’est-ce qui vous inspire pour les années à venir ?

Je vais me concentrer sur les études. Grâce à la natation j’ai le projet de partir aux Etats-Unis pour faire un MBA. Si je ne suis pas plus aidé financièrement, je ne pense pas continuer la natation à haut niveau encore très longtemps. Ces trois dernières années, j’ai vécu des périodes difficiles. Peut-être que si j’avais eu des créneaux plus larges, plus de temps ou plus de soutien, je penserais autrement. Mais j’ai accumulé beaucoup de fatigue et je me dis que me concentrer sur mes études est peut-être mieux. D’autant que la nage en eau libre est une discipline confidentielle. Même ceux qui font les Jeux Olympiques n’en vivent pas.

  • Qu’est-ce que vous pourriez dire aux jeunes sportifs de haut-niveau à propos du double projet ?

Je ne comprends pas le fait de s’occuper uniquement de ses performances sportives. Il faut penser à son après-carrière. La natation, ça ne va pas durer éternellement. Il faut avoir une idée en tête, avoir un plan, savoir quoi faire à quel moment. D’autant plus dans une discipline comme la nôtre. En natation, à part si vous vous appelez Laura Manaudou ou Camille Lacourt, il est impossible d’en vivre.

  • A côté de votre pratique, êtes-vous engagé dans des associations ? Vous servez-vous de votre pratique pour faire passer des messages ?

Je suis engagé dans certaines associations comme l’Association de Secouristes de la Côte d’Emeraude. Mais mon emploi du temps actuel fait que je n’ai pas le temps de m’engager davantage. J’essaie d’échanger avec les jeunes de mon club et des clubs par lesquels je suis passé, pour leur parler de l’importance des études, de préparer la suite, notamment pour ceux qui sont performants. A mes yeux, c’est l’un des messages les plus importants quand on est sportif de haut niveau. De par notre pratique, on est également plus sensibles à la préservation de l’environnement, puisque l’eau libre se pratique en mer, en lac ou en rivière. C’est très important, et on en prend conscience au fur et à mesure qu’on évolue dans cette discipline. J’ai nagé dans des endroits pas très limites, mais en France nous avons la chance d’avoir des normes bien particulières en la matière.

 





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