Les politiques sportives européennes peuvent-elles influencer les dynamiques territoriales ?
Par Colin Miège, président du comité scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté
L’université européenne du sport 2017 a ouvert ses portes le 11 juillet à l’Université de Strasbourg. Organisée par la Ligue de l’enseignement, l’UFOLEP et l’USEP, en partenariat avec le Laboratoire des sciences sociales du sport de l’Université de Strasbourg, cette 2e édition est conçue autour de trois demi-journées de débats thématiques : la formation d’un citoyen par le sport ; le droit au sport et l’organisation territoriale du sport.
Partenaire de cet événement, notre Think tank Sport et Citoyenneté sera représenté à l’Université européenne du sport 2017 par Colin Miège, le président de notre Comité Scientifique. Retrouvez ici sa contribution sur l’organisation territoriale du sport.
Ce n’est qu’avec le traité de Lisbonne de 2007 (entré en vigueur en 2009) que l’Union européenne s’est dotée d’une compétence dans le domaine du sport, dite d’appui, de coordination ou de complément (article 165). Cette compétence est a priori très limitée puisqu’elle consiste à « adopter des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des Etats membres » (alinéa 4). Ces derniers restent donc fondamentalement compétents dans le domaine des politiques publiques en faveur du sport, qui restent donc assez peu « communautarisées ».
Le programme Erasmus+ est l’instrument essentiel de l’intervention de l’UE dans le domaine du sport (son volet sport a été doté de 238 millions d’euros pour la période 2014-2020, ce qui correspond à 34 millions d’euros par an en moyenne).
Le programme Erasmus +
Afin de soutenir des initiatives transnationales innovantes favorisant le développement de la pratique sportive, la Commission européenne a intégré un volet sport à son programme Erasmus + en 2014. Selon le bilan présenté par le ministère des Sports pour l’année 2016, une dizaine de projets français ont été retenus et ont bénéficié d’un soutien financier[1].
Sur un total de 256 organismes bénéficiaires, la part des collectivités locales (20) et régionales (2) s’élève seulement à 8,6% des bénéficiaires. Les autres sont principalement des ONG (109), des clubs sportifs (53) et des organismes d’enseignement supérieur (29). Le taux global d’acceptation des dossiers est de 53%.
A travers les projets soutenus, le programme Erasmus+ « Petits partenariats collaboratifs dans le sport » vise à encourager l’inclusion sociale à travers le sport, à promouvoir les jeux et sports traditionnels européens, à protéger la santé des athlètes, à aider à la mobilité des bénévoles et entraîneurs des organisations sportives à but non lucratif et à promouvoir l’éducation par le sport. En 2016, 58% des projets retenus relevaient de l’inclusion sociale, 15% de la promotion des sports traditionnels, 14% de la mobilité des acteurs et 13% de la protection des athlètes.
Les activités aidées par le programme Erasmus+ « Petits partenariats collaboratifs dans le sport » consistent notamment en des échanges de bonnes pratiques, mise en réseau, veille d’information, organisation de séminaires ou encore élaboration d’outils d’éducation et d’entraînement. Les projets doivent obligatoirement être portés par un minimum de trois organismes éligibles venus de trois pays différents.
Le plan de travail de l’UE en faveur du sport
Après un premier plan couvrant la période 2011-2014 puis un second portant sur la période 2014-2017, l’Union européenne adopté le 24 mai 2017 un troisième plan en faveur du sport, par l’intermédiaire du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres. Il couvre la période du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2020.
La résolution adoptée rappelle tout d’abord que « le sport est un domaine où l’action au niveau de l’UE devrait appuyer, coordonner ou compléter les actions des Etats membres ». Elle revient ensuite sur les motivations d’un plan en faveur du sport, en précisant que « le sport joue un rôle positif dans la coopération transsectorielle au niveau de l’UE et aide ainsi à assurer un développement durable et à répondre de manière appropriée aux grands défis socio-économiques ou liés à la sécurité auxquels fait face l’UE, notamment les migrations, l’exclusion sociale, la radicalisation pouvant conduire à l’extrémisme violent, le chômage, ainsi que des modes de vie malsains et l’obésité ». Ainsi le plan de travail tend à faire du sport un simple moyen d’établir une coopération transnationale au service d’autres politiques ou stratégies de l’Union européenne[2].
A côté de ces objectifs extra sportifs, est annoncé l’objectif visant à « prendre en compte la spécificité du sport ». La mise en œuvre de ce concept, qui figure désormais dans le Traité (art. 165, al. 1), pourrait selon certaines instances du sport professionnel (telle que l’UEFA ou la FIFA) aller jusqu’à à affranchir le sport des règles de droit commun de l’Union européenne[3]. Selon ces organisations, une meilleure prise en compte de la spécificité du sport devrait permettre de reconnaître aux organisations sportives nationales et internationales la possibilité de déroger au principe fondamental de libre circulation des travailleurs. Lors du Conseil de l’Union européenne du 24 novembre 2015, le secrétaire d’État français aux sports, Thierry Braillard avait dénoncé « les conséquences néfastes de l’application absolue et généralisée du principe de liberté de circulation dans le sport professionnel » et demandé une étude sur le sujet[4]. Toutefois, la possibilité de déroger à la libre circulation des travailleurs dans le sport a été rejetée jusqu’à ce jour par les instances de l’Union européenne. Dans son plan, l’UE indique qu’un rapport sur la question sera rendu au deuxième semestre de 2019.
Au-delà des objectifs, trois thèmes prioritaires ont été fixés par le plan. La première priorité est l’intégrité du sport. Ce thème recouvre la promotion de la bonne gouvernance, y compris la protection des mineurs, la spécificité du sport, la lutte contre la corruption et contre le trucage de matchs, ainsi que la lutte contre le dopage. La deuxième priorité est la dimension économique du sport. Enfin, la troisième priorité recouvre le thème « sport et société », notamment l’inclusion sociale, le rôle des entraîneurs, l’éducation dans et par le sport, le sport et la santé, le sport et l’environnement et le sport et les médias, ainsi que la diplomatie sportive. On pourra être surpris de constater que l’objectif du développement du sport pour tous dans les États membres n’occupe pas la place centrale qu’il mériterait, et qu’il ne soit pas davantage détaillé.
La contributions incertaine des fonds structurels
Les fonds structurels, tels que FSE, FEDER,… ont pu ponctuellement aider à la réalisation de certaines actions ou infrastructures sportives, dans des territoires déclarés éligibles (tels que terrains de golfs, aménagements touristiques à vocation sportive, etc…). Toutefois ces fonds ne peuvent être mobilisés qu’à haut niveau (dossier national), ils sont complexes à mettre en œuvre, et les règles d’éligibilité tendent à se restreindre fortement.
En conclusion, on doit admettre que les politiques sportives européennes n’influencent qu’indirectement les dynamiques territoriales, qui restent de la compétence des États pour l’essentiel. Cette situation répond en grande partie à la volonté du législateur de l’UE, qui a souhaité n’attribuer qu’une compétence limitée à l’Union dans ce domaine. Quant au Conseil de l’Europe, autre instance qui peut jouer dans le domaine du sport un rôle non négligeable mais souvent méconnu, son rôle se limite le plus souvent à adopter des résolutions ou des recommandations.
[1] Après deux premiers projets en début d’année, l’un portant sur la pratique sportive en altitude en situation de handicap moteur, l’autre sur la promotion des sports de raquette chez les scolaires, neuf autres ont été retenus. Parmi les porteurs de projets retenus, on trouve en premier lieu des associations sportives, telles que la Fédération sportive et culturelle de France qui a bénéficié d’une subvention de 40.000 euros pour la réalisation d’un camp de jeunes dédié aux sports traditionnels. Ensuite, on trouve des institutions publiques et privées comme le Groupement économique de coopération territoriale (GECT), aidé à hauteur de 60.000 euros pour son projet de promotion de l’inclusion par le sport. Enfin, on trouve des universités et des établissements du ministère des Sports cogérés avec les régions. Ainsi le CREPS de Rhône-Alpes a vu son projet portant sur la mise en place d’une méthode innovante pour mesurer les bienfaits socio-économiques de la pratique des sports de nature, financé à hauteur de 400.000 euros (projet BOSS).
[2] On attend par exemple du sport qu’il puisse « contribuer à la réalisation des grandes priorités du programme économique et social de l’UE, ainsi qu’au développement durable afin de donner un nouvel élan pour l’emploi, la croissance et l’investissement, et préparer la période postérieure à 2020. »
[3] Depuis l’arrêt Bosman rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en 1995, la libre circulation des sportifs professionnels a été imposée dans les compétitions sportives internationales, dérégulant un marché des transferts qui limitait jusque-là le nombre de joueurs étrangers dans les clubs. Cette dérégulation a été à l’origine d’une inflation des salaires, que seuls quelques grands clubs sont en mesure d’assumer, les clubs de moindre importance étant souvent réduits à servir de tremplins à de jeunes joueurs talentueux, avant qu’ils ne les quittent.
[4] Cette étude a été réalisée à la demande de la Commission par Ecorys et publiée en 2016. Sport et Citoyenneté y a participé.