La politique européenne du sport
D’après l’enquête Eurobaromètre sur le Sport et l’Activité physique publiée en mars 2010, 40 % des ressortissants de l’Union européenne (UE) déclarent faire du sport au moins une fois par semaine. On estime également à plus de 700 000 le nombre d’associations sportives au sein de l’UE et à près de 35 millions le nombre de bénévoles qui, chaque jour, participent à son bon fonctionnement. Le sport représenterait en outre, en moyenne, 1,6 % du PIB des pays de l’UE (selon l’étude « Vocasport» publiée en 2004, dans le cadre d’une Europe des 25). Ces quelques chiffres permettent d’illustrer rapidement le poids -tant économique que social- du sport au sein de la société européenne. Or, il a fallu attendre l’année 2009 et l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne pour qu’une référence au sport soit enfin inscrite au sein des traités communautaires.
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- Vers une politique européenne du sport
- Le traité de Lisbonne et le sport : les articles 6 et 165
- Communication de la Commission « Développer la dimension européenne du sport »
- Les acteurs
Vers une politique européenne du sport
Le sport est longtemps resté dans le giron des Etats et de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Celle-ci considérait que le sport était soumis au droit communautaire en tant qu’activité économique. Une position rendue célèbre par le fameux arrêt Bosman du 15 décembre 1995. Cet arrêt, rendu sur la base des dispositions du Traité consacrant la libre circulation des travailleurs, a été ressenti comme un « séisme » dans le monde du sport professionnel, bien que l’applicabilité des règles communautaires à l’activité sportive professionnelle ait été clairement indiquée par la Cour de justice deux décennies auparavant.
La Cour a considéré dans ce fameux arrêt que l’article du Traité qui interdit les entraves à la libre circulation des travailleurs « s’oppose à l’application des règles édictées par les associations sportives, selon lesquelles un joueur professionnel de football ressortissant d’un Etat membre, ne peut, à l’issue du contrat qui le lie à un club , être employé par un club d’un autre Etat membre que si ce dernier a versé au club d’origine une indemnité de transfert, de formation, ou de promotion ». Selon la Cour, le même article s’oppose à l’application des règles qui prévoient que les clubs de football, dans les matchs de compétition qu’ils organisent, ne peuvent aligner qu’un nombre limité de joueurs ressortissants d’autres Etats membres.
De par sa portée juridique et ses conséquences sur l’organisation du sport en Europe, l’arrêt Bosman constitue encore aujourd’hui l’acte de naissance de « l’intervention de Bruxelles » dans les affaires sportives.
La fin des années 1990 et le début des années 2000 marquent un tournant. Si l’UE continue d’appréhender le football sous l’angle de la concurrence, l’idée de reconnaître une certaine spécificité du sport à l’échelle européenne dans ses fonctions sociales et culturelles fait peu à peu son chemin.
La Déclaration commune sur le sport annexée au traité d’Amsterdam (2 octobre 1997) constitue ainsi la première manifestation d’une volonté explicite de prendre en considération les fonctions sociales du sport. Emanant du Conseil européen, elle souligne « l’importance sociale du sport et en particulier son rôle de ferment de l’identité et de trait d’union entre les hommes ». Cette déclaration revêt une portée symbolique indéniable. Elle constitue une première forme de reconnaissance officielle du sport, appréhendé sous ses aspects sociaux et culturels. Dans la continuité, les conclusions du Conseil européen de Vienne de décembre 1998 font également référence à la fonction sociale du sport.
Rendez-vous est pris l’année suivante à Helsinki avec la présentation d’un « Rapport de la Commission au Conseil européen dans l’optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire ». Ce rapport pointe plusieurs phénomènes liés aux évolutions récentes du sport : dopage, prépondérance de la logique commerciale au détriment de la logique sportive, tendance des grands clubs à s’organiser entre eux au détriment des fédérations nationales garantes de l’équité sportive, différences de législation fiscale qui créent des inégalités entre les clubs, etc.
La Commission européenne fait plusieurs propositions destinées à « concilier la dimension économique du sport avec sa dimension populaire, éducative, sociale et culturelle », mais en l’absence de véritable politique commune, leur mise en œuvre dépend en grande partie de la bonne volonté des acteurs concernés au premier chef, à savoir les Etats membres et les organisations sportives.
La construction d’une politique européenne du sport se poursuit au rythme des sommets et des réunions entre Etats membres. Une nouvelle étape est franchie à l’issue du Sommet européen de Nice (décembre 2000), avec l’adoption d’une «déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes ». Cette déclaration, pas plus que celle d’Amsterdam en 1997, n’a de véritable portée juridique. Néanmoins, les dix-sept points qu’elle comporte ouvrent des perspectives d’actions communes que les Etats membres pourraient conduire dans le domaine du sport, outre celles que la Communauté est autorisée à mener au titre de certaines dispositions du Traité, en particulier en ce qui concerne la santé des athlètes.
A travers ces différents instruments juridiques, la Commission affine sa conception du sport, construite sur son impact sociétal et son rôle éducatif et social. La Direction générale Culture et Education de la Commission européenne mène ainsi régulièrement des actions en faveur de la promotion du sport. Elle décide de déclarer l’année 2004 « Année européenne de l’éducation par le sport ». L’occasion de mettre en œuvre un certain nombre de mesures et de financer de nombreux projets qui utilisent le sport comme un vecteur d’échange et d’éducation.
Dans la continuité de cette action, et toujours en l’absence de compétence directe dans le domaine du sport, la Commission européenne s’attelle à la rédaction d’un instrument politique qui définirait de manière globale la vision du sport à l’échelle européenne. C’est ainsi que la Commission européenne présente le 11 juillet 2007 le « Livre blanc sur le sport ». Ce document vise à tracer des orientations stratégiques sur le rôle du sport au sein de l’Union européenne, notamment au niveau social et économique.
Le Livre blanc se présente sous la forme d’un document principal, comprenant quatre parties (consacrées respectivement au rôle sociétal du sport, à la dimension économique de celui-ci, à son organisation, ainsi qu’au suivi des initiatives), et d’une annexe de cinquante-trois propositions d’actions de niveau très variable, regroupées dans un Plan d’action dit « Pierre de Coubertin ». Il est accompagné de documents de travail, notamment d’un recueil intitulé « L’Union européenne et le sport : historique et contexte », ainsi que d’une analyse d’impact et son résumé. Il constitue le document de référence pour la politique sportive européenne d’aujourd’hui.
Le traité de Lisbonne et le sport : les articles 6 et 165
Le traité de Lisbonne institue le sport comme étant un domaine où les Etats membres demeurent totalement compétents mais où l’UE peut mener des actions d’appui ou de coordination.
L’article 6 dispose ainsi que « l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres » et cite nommément le sport dans ses prérogatives.
L’article 165 précise quant à lui que « l’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative ».
L’action de l’Union « vise à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux ».
Avec cette nouvelle base juridique, les perspectives d’action de l’Union européenne dans le domaine du sport s’inscrivent dans la continuité du plan d’action Pierre de Coubertin, et notamment :
– Le financement direct par l’UE de projets sportifs transeuropéens.
– La garantie du financement durable du sport.
– La promotion de l’échange de bonnes pratiques.
– L’amélioration de la santé par le sport.
– L’inclusion sociale dans et par le sport.
– La lutte contre le dopage, la violence et la corruption, notamment liée aux paris en ligne.
– La protection de la jeunesse et la promotion de la formation des sportifs en Europe.
Communication de la Commission « Développer la dimension européenne du sport »
Le sport ayant fait son entrée dans les Traités européens, une interprétation de ces dispositions était attendue par l’ensemble des parties prenantes. C’est pourquoi la Commission européenne adopte le 18 janvier 2011 une Communication intitulée «Développer la dimension européenne du sport ».
En réaffirmant les dimensions sociétale, économique et organisationnelle du sport, ce document souligne une nouvelle fois l’existence d’une volonté politique forte de bâtir une politique européenne du sport qui bénéficie aux citoyens européens et à la société dans son ensemble par le biais de programmes spécifiques.
Néanmoins, malgré l’intérêt de ce texte comme interprétation des dispositions du traité, son absence de valeur juridique et son silence sur les moyens financiers alloués au sport laissent un sentiment mitigé aux parties prenantes.
La proposition rendue publique par la Commission européenne le 23 novembre 2011 est une réponse forte à ces interrogations. En décidant d’intégrer le sport dans un vaste programme « Erasmus pour tous » comprenant l’éducation, la jeunesse, la culture et le sport, et en dotant ce dernier d’un budget de 34 millions d’Euros par an, la Commission envoie un signal fort : elle considère le sport comme un formidable vecteur d’échanges, de rencontres et de construction de la citoyenneté européenne et se donne les moyens de ses ambitions.
Les acteurs
- La Commission européenne
L’Unité Sport de la Commission européenne est intégrée dans la Direction Générale Culture et Education. Cette Unité coordonne la mise en œuvre des actions de l’UE dans le domaine du sport, en liaison avec les Etats membres et dans les limites de compétence fixées par le Traité. Celle-ci veille en particulier au suivi des actions identifiées dans la Communication sur le sport. Il s’est en effet avéré que la plupart des directions générales pouvaient, à un titre ou à un autre, être amenées à aborder des questions touchant le sport – qu’il s’agisse de celle de la concurrence, du marché intérieur, de l’emploi, et des affaires sociales, de la justice, des libertés et de la sécurité, de la politique régionale, de la santé et de la protection du consommateur, de l’éducation et de la jeunesse, de l’environnement ou encore des relations extérieures. Un groupe interservices a ainsi été mis en place afin de mieux coordonner les points de vue entre les directions dans ce domaine.
Accéder au site web de la Commission européenneLe Conseil de l’Union européenne
Le Conseil regroupe les chefs d’Etat ou de gouvernement des 27 pays membres de l’Union européenne. Ils se regroupent lors de sommets durant lesquels ils sont assistés par les ministres des Affaires étrangères et un membre de la Commission. Ces sommets ont pour but de définir les grands axes de la politique de l’Union (surtout en matière de politique étrangère). S’agissant du domaine du sport, avant chaque rencontre des Ministres des sports, des réunions sont organisées avec les directeurs en charge du sport de tous les Etats membres afin de traiter des questions fondamentales du sport.
Accéder au site web du Conseil de l’Union européenneLe Parlement européen
La Commission de la Culture et de l’Education du Parlement européen est la commission compétente pour les questions ayant trait aux politiques sportives européennes. Cette instance a manifesté un intérêt constant pour les questions sportives qui s’est notamment traduit par l’élaboration de rapports, souvent repris par l’Assemblée parlementaire sous forme d’avis ou de résolutions. Un intergroupe sur le sport a également été créé en 1992, composé de parlementaires appartenant à divers partis politiques qui a multiplié les contacts avec les organisations sportives internationales, notamment avec l’UEFA, la FIFPro, et l’ENGSO, ainsi qu’avec les commissaires européens concernés par les questions sportives. Après quelques années de retrait, cet intergroupe est en train de renaître au sein du Parlement européen nouvellement élu en juin 2009.
Accéder au site web du Parlement européenLe Comité des Régions
Institué par le traité de Maastricht avec un rôle consultatif et composé de représentants des collectivités locales et régionales, le Comité des Régions (CdR) a créé en son sein une sous-commission spécialisée dans le domaine de la jeunesse et des sports. A partir des travaux de cette commission, le CdR a émis plusieurs avis ou recommandations touchant au sport, tels que la résolution adoptée le 17 septembre 1997 sur « les droits de retransmission d’événements sportifs importants » ou l’avis portant sur le « modèle européen du sport » adopté le 16 septembre 1999.
Accéder au site web du Comité des RégionsLa Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)
La plupart des arrêts de la Cour de justice consacrés au sport, qui restent relativement peu nombreux, ont été consacrés à la défense de la liberté de circulation ou d’établissement des sportifs professionnels, considérés comme des travailleurs, au sens de l’article 39 du Traité CE.
Formellement, le sport n’existe au regard du droit communautaire que dans la mesure où il constitue une activité économique. Dans ce cas, l’ensemble du droit communautaire lui est applicable, en particulier les dispositions relatives à la libre circulation des personnes et les règles de concurrence. Le principe d’une telle soumission, qui a pu être contestée par certaines organisations sportives au nom de « l’exception sportive » a été clairement posé par la Cour de justice dès 1974. Sa mise en œuvre effective n’en reste pas moins délicate, notamment en ce qui concerne l’appréciation de la nature économique d’une règle sportive ou bien, à l’inverse, de son caractère purement sportif.Accéder au site web de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)