« Notre culture sportive en Europe doit être protectrice, inclusive et tolérante »
De nombreux textes européens visent à protéger les citoyens, et notamment les enfants, de tout abus sexuel. Alors que certains sont en discussion afin de renforcer la coopération européenne sur ces sujets, l’eurodéputée belge Saskia Bricmont (Les Verts/ALE) nous éclaire sur les enjeux en cours. Elle est membre de la Commission LIBE et chargée par son groupe politique du suivi de ces discussions.
©saskiabricmont
Vous êtes une fervente défenseure des droits des femmes et de la lutte contre les violences sexuelles. Comment percevez-vous le rôle du Parlement européen pour garantir que les États membres luttent efficacement contre ce fléau ?
« Un changement culturel est à amorcer »
Le rôle du Parlement est de promouvoir une meilleure législation, afin d’harmoniser les mesures au sein de l’UE et de garantir que les États membres mettent en place des dispositifs solides. En travaillant sur des législations contraignantes, telles que les Directives sur les droits des victimes et sur les abus et l’exploitation sexuelle des enfants (en cours de négociation), ou encore la Directive récemment adoptée sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, le Parlement peut établir des normes élevées dans toute l’Union. Ces enjeux constituent des priorités majeures pour mon groupe politique et pour moi-même. En tant que co-législatrice et membre des Verts/ALE en charge de la coopération judiciaire et du droit pénal, je milite pour des approches globales et uniformes dans chaque État membre, en veillant à ce qu’elles offrent aux victimes et aux survivants une protection, une justice et un soutien efficace, dans un cadre adapté aux enfants. À ce titre, je soutiens fermement le modèle Barnahus de justice adaptée aux enfants (Maison des enfants, modèle mis en place en 1998 en Islande), et je pense qu’il devrait être développé dans tous les États membres. Je souhaite voir des résultats concrets, tels que la mise en place de services de soutien spécialisés dans chaque pays, un meilleur partage des données sur les coupables pour prévenir la récidive, mais aussi sur les victimes, ainsi qu’une formation régulière des forces de police, des autorités judiciaires et des professionnels ou bénévoles en contact régulier avec les enfants.
Comment renforcer les systèmes de soutien aux victimes dans des secteurs comme le sport, où les procédures de signalement peuvent être difficiles en raison de pressions hiérarchiques ?
La pression hiérarchique, comme la relation de « confiance » entre l’offenseur et la victime peuvent dissuader les victimes de se manifester et de signaler un crime. Nous devons lever ces barrières et amorcer un changement culturel. Il est impératif de mettre en place des canaux de signalement indépendants (gratuits, sûrs, anonymes et distincts de la direction), mais aussi élaborer des politiques européennes sur la protection et les obligations de signalement, y compris dans les organisations sportives où les jeunes sont particulièrement vulnérables.
Les professionnels à tous les niveaux devraient suivre une formation afin de prévenir toute forme de violence et de savoir comment y répondre. Les clubs sportifs devraient être encouragés et tenus responsables du maintien d’un environnement sûr et sécurisé. La Directive sur les droits des victimes, celle sur les violences faites aux femmes et celle sur les abus sexuels et l’exploitation des enfants sont trois législations qui, si elles sont correctement mises en œuvre, peuvent contribuer à ce changement de culture. Il est aussi indispensable de mener des campagnes d’information et de sensibilisation, y compris au sein des communautés locales.
La violence en ligne, en particulier le partage non consensuel de contenus intimes, est une préoccupation croissante. Quelles stratégies le Parlement devrait-il prioriser pour renforcer la sécurité numérique des individus ?
La sécurité numérique est la pierre angulaire de la protection moderne, car la violence en ligne ne connaît pas de frontières. Le Digital Services Act (DSA) vise à renforcer la responsabilité et la transparence des plateformes en ligne. Il comprend des mesures visant à protéger les utilisateurs contre les contenus, produits et services illégaux ; à garantir une plus grande transparence des algorithmes, et à renforcer les droits des utilisateurs en prévoyant des mécanismes de recours et d’appel contre les décisions des plateformes. L’Union devrait également s’efforcer de mettre en place des campagnes d’éducation numérique afin de sensibiliser les jeunes aux principes de sécurité en ligne tout en leur offrant des mécanismes de signalement clairs et accessibles.
Le secteur du sport a été confronté à des problèmes majeurs liés aux violences sexuelles. Comment faire en sorte qu’il soit mieux équipé pour prévenir et traiter ces cas ?
Le secteur du sport implique souvent de (très) jeunes enfants encadrés par des figures d’autorité, et souvent de confiance.
Il doit agir. Le Parlement européen a un rôle à jouer en défendant une tolérance zéro envers les violences sexuelles, tant dans le sport que dans la société dans son ensemble. Je soutiens la mise en œuvre de formations continues obligatoires sur la prévention et le signalement des violences sexuelles. Un code de conduite européen pour les associations sportives pourrait être élaboré afin de garantir que chaque État membre et chaque association sportive applique ces normes de manière uniforme. Cela fera partie des missions du futur Centre européen pour prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants. Ces mesures vont dans le sens d’une culture sportive en Europe qui soit protectrice, inclusive et intolérante à l’égard de toute forme d’abus et de discrimination, y compris à l’égard des plus vulnérables.
La législation européenne doit encourager un changement culturel plus large dans toute l’Europe, où les victimes sont soutenues, les auteurs tenus pour responsables et les mesures préventives considérées comme prioritaires.