L’innovation au service du développement du parasport

Par Hugo Deneux, Amaury Lalle et Maxime Roux, Étudiants, Mastère Spécialisé « Management Responsable des Organisations Sportives », Audencia

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Cette contribution est issue de l’ouvrage publié dans le cadre du projet pédagogique conduit par Sport et Citoyenneté et les étudiants du Mastère Spécialisé en Management Responsable des organisations de Sport d’Audencia 2022/2023 : « Quel(s) héritage(s) pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024 ? »

La pratique d’une activité physique et sportive a de nombreux effets positifs pour les personnes en situation de handicap (PSH). Malheureusement, le constat en France est alarmant : en 2020, 48% des personnes en PSH ne pratiquaient pas d’activités physiques et sportives. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, plus grand évènement sportif et parasportif mondial, représentent donc une formidable occasion de mettre en lumière les capacités des PSH et de faire évoluer la conscience collective au sujet du handicap. Ils constituent une merveilleuse opportunité de favoriser l’inclusion des PSH via la pratique d’une activité physique et sportive.

Innovation, haute performance et développement des pratiques

L’objet de notre étude était de traiter la question de l’héritage des Jeux de Paris 2024 en matière de matériel sportif et d’innovations technologiques. Différents programmes et projets ont été lancés au niveau national, comme le « Plan héritage et durabilité » de Paris 2024 ou la stratégie « Sport et Handicap 2020-2024 » du ministère des Sports, dans laquelle s’inscrit le Plan Prioritaire de Recherche, dont le projet Paraperf constitue à ce jour le plus important projet de recherche sur le parasport.

Paraperf, un projet hors normes

D’un coût total d’environ 8,5 millions d’euros, le projet Paraperf a débuté en 2020 et se terminera à la fin des Jeux de Paris 2024. Il est porté par l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP) avec le soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), et implique 13 laboratoires ainsi que trois fédérations sportives (la Fédération Française Handisport, la Fédération Française de Tir et la Fédération Française de badminton). Son objectif est d’aider les parathlètes français à avoir les meilleurs résultats possibles en 2024.

Ce projet s’articule autour de trois axes principaux. Le premier vise à caractériser les trajectoires de performance des athlètes, en analysant les résultats et en les comparant à la concurrence internationale dans le but de partager aux athlètes et à leur encadrement des outils d’aide à la décision pour améliorer leur performance. Le deuxième axe se concentre sur l’optimisation de la relation entre le sportif et son fauteuil, axe le plus pertinent dans le cadre de notre étude dédié aux innovations. Le dernier axe porte sur la compréhension du contexte de préparation des athlètes afin d’identifier les freins et les leviers socio-environnementaux à la haute performance.

En ce qui concerne l’axe dédié à l’optimisation du couple athlète-fauteuil, l’objectif est de travailler sur l’ergonomie du matériel, afin de proposer une assise sur-mesure à l’athlète, à sa morphologie et à son type de handicap. Le but est, d’une part, de permettre aux athlètes de disposer de fauteuils adaptés et, d’autre part, d’innover en matière d’outils pour mesurer les efforts que doivent fournir les athlètes.

Au-delà de la sphère paralympique, Paraperf génèrera des retombées pour le parasportif lambda. Tout d’abord, toutes les pièces, prototypes et plans issus du projet ainsi que toutes les thèses entreprises pendant le projet sont en open-source. D’autres acteurs pourront donc s’emparer de ces ressources pour développer des projets et à terme œuvrer pour une meilleure accessibilité à la pratique sportive de l’ensemble des PSH.

La deuxième retombée notable concerne la création, dans le cadre du projet Paraperf, d’une unité Parasport-santé au sein de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches. Cette unité préfigure le futur institut dédié au parasport-santé, c’est-à-dire un centre ressource destiné à tout patient souhaitant être accompagné et conseillé dans son projet d’activité physique adaptée à sa pathologie.

Une troisième retombée importante à nos yeux concerne le troisième axe du projet. Dans le cadre de l’analyse des performances et des populations qui concourent dans chaque discipline, le projet permettra à la Fédération Française Handisport d’orienter les PSH de manière optimale vers la discipline la plus adaptée à leurs caractéristiques propres.

« Adapted Sports », le pari de Decathlon

Depuis septembre 2022, la marque « Adapted Sports » est une nouvelle marque « Passion » de Decathlon, c’est-à-dire une marque pour laquelle les produits sont entièrement conçus en interne au sein du groupe. La genèse du projet remonte à 2016 en Italie, via la collaboration établie entre Decathlon et un client tétraplégique visant à la conception d’un premier modèle de vélo adapté.

Decathlon a gardé cette volonté d’imaginer ses produits en partenariat avec les usagers, en récoltant leurs besoins et en les incluant dans toutes les phases, de la conception jusqu’au testing des produits. Cette démarche de design interne, très poussée, a depuis été développée avec une grande variété d’acteurs. Des hôpitaux, des centres de réhabilitation, des universités, des fédérations sportives, des clubs ou encore des éducateurs en activité physique adaptée ont été associés à la démarche, ce qui permet aujourd’hui à l’enseigne de mobiliser de nombreuses ressources et de contribuer ainsi de manière positive à la construction d’un écosystème dédié au parasport.

Plusieurs produits ont été créés sous la marque « Adapted sports » au sein de deux gammes principales : les fauteuils roulants (handbike, fauteuil adapté aux sports de raquette, fauteuil adapté au basket et fauteuil d’escrime) et les produits textiles (brassière, sous-vêtements et bientôt un survêtement). Bien que le sur-mesure soit une des principales contraintes du matériel parasport, Decathlon a la volonté de standardiser les équipements afin de faciliter le déploiement des pratiques pour les PSH.

Innover pour démocratiser la pratique ?

Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 constituent une occasion à saisir pour mettre en avant le parasport et accélérer son développement. En matière d’innovation technologique, les projets de recherche menés dans une démarche de « recherche-action » devraient permettre aux athlètes d’améliorer encore davantage leurs performances. Il y a, à première vue, une distinction entre les projets menés pour le parasport de haut niveau, qui aboutissent davantage à des solutions « sur-mesure » et donc plus coûteuses, et les projets destinés au pratiquant lambda, qui eux tendent vers une standardisation du matériel afin de rendre accessible la pratique au plus grand nombre. Néanmoins, cette distinction n’est en réalité pas un problème car, à terme, les solutions développées pour le haut niveau contribuent à la démocratisation des pratiques.

L’enjeu est de faire en sorte que ces innovations technologiques aient un impact positif sur la vie quotidienne de nombreuses PSH, en leur offrant des solutions pour surmonter les défis liés à leur situation et en les aidant à mener une vie plus indépendante et plus épanouissante.

L’une des clés pour garantir que les Jeux de Paris 2024 bénéficient aux PSH sera de travailler de manière collaborative et inclusive, en prenant en compte les besoins et les attentes des PSH. Afin d’optimiser l’héritage et l’influence que peuvent avoir les Jeux Paralympiques de Paris 2024, voici quelques préconisations possibles.

● Encourager à tous les niveaux la coopération entre le secteur public et le secteur privé, afin de stimuler le processus de recherche (exploitation des brevets pour déployer des solutions à grande échelle).

● Maintenir les budgets de recherche sur le parasport après l’échéance des Jeux de Paris 2024.

● Systématiser la participation directe des athlètes et des acteurs associatifs dans les processus d’innovation, afin d’aboutir à une innovation d’usage qui soit utile et adaptée aux besoins.

● Faire des parasportifs de haut niveau les ambassadeurs du parasport en France, et mieux communiquer sur l’offre de pratique disponible, que ce soit dans les clubs ou à travers le matériel développé.

Pour aller plus loin

Quel(s) héritage(s) pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024 ? – ouvrage publié dans le cadre du projet pédagogique conduit par Sport et Citoyenneté et les étudiants du Mastère Spécialisé en Management Responsable des organisations de Sport d’Audencia 2022/2023

Réussir l’héritage des Jeux Paralympiques, Par Sylvain Landa, directeur éditorial, Think tank Sport et Citoyenneté

Sport, innovations et apprentissages, revue Sport et Citoyenneté n°44