La Ligue des Champions fête son anniversaire
4 septembre 2016 Adrien RodriguesChargé de mission, Sport et Citoyenneté |
Le 4 septembre 1955, le Portugais João Baptista Martins inscrivait le premier but de l’histoire de la « Coupe des Clubs Champions Européens », dans le match opposant le Sporting Club du Portugal au Partizan de Belgrade (score final 3-3). Soixante-et-un ans plus tard, cette compétition, dénommée aujourd’hui Ligue des Champions de l’UEFA, n’a pas pris une ride. Mieux, elle est devenue l’événement sportif annuel le plus regardé au monde.
C’est au milieu d’une décennie phare de l’histoire de l’Europe que naissait cette grande compétition. En effet, quatre ans plus tôt, le Benelux, l’Italie, la France et l’Allemagne créaient la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Quelques années plus tard, c’est avec le Traité de Rome (1957) que le processus d’intégration européenne va connaître sa plus grande avancée avec la mise en place de la « Communauté économique européenne ». Mais les années 50 ont également vu naître une autre forme de collaboration entre pays du vieux continent, sur le plan sportif cette fois.
Avec la création de la « Coupe des Clubs Champions Européens », que l’on doit à l’imagination de deux journalistes du quotidien « L’Équipe », la collaboration européenne vit alors un tournant.
L’histoire commence en 1954 lorsque le journal britannique du « Daily Mail » proclame l’équipe de Wolverhampton, alors victorieuse des clubs du Honvéd Budapest et du Spartak Moscou, « Championne du Monde des Clubs ». Par article interposé, Gabriel Hanot, rédacteur en chef du quotidien sportif français L’Équipe, répliquera que le club anglais ne s’étant pas mesuré aux autres grands clubs européens, citant le Real Madrid et l’AC Milan en exemples, il ne peut être proclamé champion. L’idée d’un grand tournoi opposant les meilleurs clubs européens germe alors au sein de la rédaction du journal qui publiera, via Jacques Ferran (l’autre père fondateur de cette Coupe d’Europe) un avant-projet de règlement.
Devant l’engouement de l’opinion pour la tenue d’une telle compétition, il fallait décider qui serait responsable de son organisation. L’UEFA, qui vient tout juste de voir le jour (1954), est désignée par la FIFA mais n’a pas encore de pouvoir contraignant sur les fédérations qui peuvent, dès lors, choisir de participer ou non à ce tournoi. Les journalistes de L’Équipe décident donc d’aller convaincre eux-mêmes les présidents de chaque fédération afin d’organiser la première édition de la Coupe des Clubs Champions du vieux continent en 1955, en rassemblant 16 équipes parmi lesquelles 7 champions nationaux (le RSC Anderlecht, le Real Madrid, l’AC Milan ou encore le Stade de Reims Champagne). Une seule grosse déception pour Hanot et Ferran lors de cette première édition, le refus catégorique de la FA (Fédération Anglaise de Football) de faire participer des clubs anglais au tournoi.
L’organisation et le format de la compétition, rebaptisée Ligue des Champions de l’UEFA en 1992, ont depuis bien évolué. Sur le plan sportif, le tournoi représente aujourd’hui le nec plus ultra du football mondial. Et si les clubs anglais se sont rattrapés en totalisant 12 victoires en 61 éditions, c’est bien le Real Madrid et l’AC Milan, avec respectivement 11 et 7 titres, qui règnent depuis lors sur le football européen. De quoi donner raison à Gabriel Hanot.
Sur le plan symbolique, on peut légitiment affirmer que la Ligue des Champions représente « L’ » événement européen annuel par excellence. Un produit marketing parfaitement ficelé par l’UEFA dont l’identité est connue de tous en Europe (voire dans le monde) grâce à son logo, ses sponsors ou encore son hymne néobaroque reconnaissable parmi mille autres. Comme le soutient le Professeur Albrecht Sonntag, coordinateur du projet FREE (« Football Research in an Enlarged Europe ») , c’est également le créneau horaire unique de 20h45 pour tous les matches de la compétition à travers le continent, véritable fuseau horaire du football européen, qui a contribué au caractère exceptionnel de la Ligue des Champions, permettant à ce tournoi de s’imposer comme événement sportif annuel le plus regardé au monde.
Cette compétition a, depuis sa création, contribué de manière croissante à favoriser l’émergence d’une identité européenne . Aujourd’hui, le rendez-vous « Ligue des Champions » est l’un des rares rituels qui rassemble les européens à la même heure dans les stades, les bars ou devant leur télé. Selon Albrecht Sonntag, il s’agirait même du véritable «moment européen de la culture populaire ».