L’eSport est-il un sport comme les autres ?
Par Théo Kouteynikoff, chargé de mission et Sylvain Landa, directeur adjoint de Sport et Citoyenneté
C’est à cette interrogation, sacrilège pour les uns ou annonciateur d’une prophétie pour les autres, à laquelle le Think tank Sport et Citoyenneté tentera d’apporter des éléments de réponse lors de la table ronde organisée au MAIF Social Club le 14 juin 2017 à 17h30.
L’eSport, ou sport électronique, se caractérise par des compétitions de jeux vidéo. Si ce phénomène n’est pas naissant (on lui donnerait plutôt une vingtaine d’année), il a connu ces dernières années une croissance et un développement fulgurant. A tel point que les institutions sportives traditionnelles, comme le CIO ou les comités olympiques continentaux et nationaux, peuvent en venir à s’interroger sur la place à donner à l’eSport. Preuve en est que des compétitions de jeux vidéo ont été intégrées à l’agenda des Jeux Asiatiques dès 2018 en démonstration, et à partir de 2022 en compétition officielle. Cependant il est primordial, si l’on souhaite effectuer une comparaison, d’établir les convergences et les divergences entre les sports « classiques » et le sport électronique aujourd’hui.
Le principal argument de ses détracteurs est de clamer que l’eSport n’a aucune dimension d’effort ou de performance physique. Ce qui est à la fois vrai et faux. Il s’agit de savoir où l’on place l’index de comparaison. S’il est vrai que la pratique de l’eSport n’induit pas une dépense énergétique comparable à celle nécessaire à un 10 000m ou à un match de football, des capacités physiques sont requises pour y exceller, au même titre que le tir à l’arc ou le golf. Il serait donc plus proche des sports dits « d’adresse ». Nicolas Besombes précise la caractéristique utilisée pour définir les sports dans une interview donnée au journal L’Equipe, et désigne une « motricité à finalité performante » car les mécaniques de jeu requièrent indéniablement de l’entraînement. De plus, s’ils ne sont pas des sports olympiques, les comparaisons avec les sports « cérébraux » comme les échecs ou le jeu de Go sont nombreuses.
Pour autant, l’impact bénéfique de l’activité physique sur la santé est aujourd’hui largement documenté. Nos sociétés sont de plus en plus sédentaires, et promouvoir des modes de vie actifs, dans tous les environnements de vie est un enjeu de santé publique, maintes fois réaffirmé par les organisations publiques, l’OMS en premier chef. Le développement de l’eSport interroge forcément cette vision, en raison notamment de son succès auprès des plus jeunes générations.
Cependant la comparaison entre sport et eSport ne s’effectue pas uniquement sur la dimension physique. Ce dernier n’est actuellement pas reconnu par le Ministère des Sports en France, qui est un prérequis pour obtenir l’appellation officielle de « sport ». A ce jour, seul le Ministère de l’Economie et des Finances a reconnu l’esport. Cependant son cadrage juridique se précise peu à peu. Des décrets encadrant le statut des contrats des joueurs d’eSport professionnels et l’organisation des compétitions ont été adoptés et publiés le 9 mai dernier et viennent en complément de la loi pour une république numérique du 7 octobre 2016. La législation vient ainsi soutenir ou encourager une éventuelle reconnaissance institutionnelle, le code du sport n’étant pas adapté à la pratique des jeux vidéo.
Un autre élément majeur de réflexion concerne la gouvernance du secteur. En effet, l’industrie et le développement de l’eSport dépendent directement de l’industrie du jeu vidéo et des sociétés organisant les compétitions, qui sont des organismes privés à but lucratif. C’est peut-être la plus grosse différence intrinsèque de l’eSport vis-à-vis du sport. Cela rend toute la pratique, même amateur, dépendante des impératifs de rentabilité économique de l’éditeur du jeu et de l’organisateur d’évènements.
Enfin, il est utile de s’interroger sur la volonté de la communauté eSport de se voir assimilée aux sports traditionnels ? Est-ce là le seul moyen d’acquérir une légitimité grand public ? Les joueurs le souhaitent-ils vraiment ? S’il existe un mouvement qui tend à la reconnaissance de l’eSport par les médias grand public et les institutions, l’assimilation aux sports traditionnels n’est peut-être pas l’unique solution.
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