L’épineuse conciliation entre sociabilité et évitement

 

La crise sanitaire aura de multiples impacts sur le sport. Chez Sport et Citoyenneté, nous pensons qu’elle peut être salutaire, si elle permet d’accélérer un certain nombre d’évolutions. Par le biais de tribunes d’experts, nous souhaitons recommander, aux pouvoirs publics, des mesures opérationnelles destinées à lancer le sport de l’après-crise. Nous en avions déjà recensé un certain nombre dans ce livret de propositions pour la loi Sport et Société il y a quelques mois. Aujourd’hui, alors que la politique européenne du sport ne cesse de se développer, nous renforçons cet engagement en Europe et localement.

 

Tribune de Christian Bromberger, Professeur émérite d’anthropologie à l’université d’Aix-Marseille (France), membre du comité scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté. 

 

La pandémie du COVID 19 a mis au jour et aggravé les inégalités sociales. Parmi les « facteurs péjoratifs » qui peuvent influer sur le développement de la maladie, l’obésité, fréquente dans les milieux où l’on ne peut ni s’offrir une nourriture variée ni entretenir son corps. La promotion de l’activité physique dans ces milieux défavorisés devra être un impératif au lendemain de la crise pour éviter que des drames évitables ne se reproduisent.

Je voudrais attirer l’attention sur une conséquence de cette pandémie sur nos comportements ; nous avons pris des habitudes d’évitement : la « distanciation sociale » (un mètre, voire un mètre 50 entre deux personnes) est devenue un impératif. Qu’en sera-t-il dans les mois qui viennent quand les risques de contagion s’atténueront ? Et qu’en sera-t-il dans les stades ? Devrons-nous assister à des compétitions sans public, comme ce fut le cas au début de la pandémie ? Or le sport est à la fois pratique et spectacle et ces compétitions sans public partisan paraissent bien étranges. Rien de plus opposé aux consignes sanitaires que les comportements des supporters dans un stade, qui, les corps fondus dans la masse, soutiennent, par les gestes et par la voix, leur équipe ou leur champion ; le supportérisme, avec ses associations, ses longs déplacements pour soutenir son équipe, ses amitiés qui se nouent, est un facteur de sociabilité. Mais on perçoit les risques de cette proximité si cette épidémie se prolonge.

« Une bombe biologique » lors du match à Bergame

Le match de football entre l’Atalanta de Bergame et le FC Valence, le 10 mars 2020, a été selon les mots du maire de Bergame « une bombe biologique », un puissant déclencheur de la pandémie en Italie et en Espagne. Qu’en sera-t-il demain ? Saurons-nous trouver une formule associant proximité et distance, sociabilité et évitement ? Un pari difficile. En tous cas, l’expérience de Bergame ne devra pas être renouvelée : réunir un public dans un stade alors que s’annonce une épidémie est une erreur fatale qu’il faudra, à tout prix, éviter.

 

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