Le sport face au racisme : éclairer le passé pour construire l’avenir

 

Crédit photo : Tishine

Céline Erciyas, Chargée de mission affaires européennes, Think tank Sport et Citoyenneté

24/02/2025

Le sport, censé rassembler, reste marqué par des discriminations, notamment racistes. C’est autour de cette problématique que s’est tenue à Bruxelles la conférence « Racisme dans le sport : miroir de notre société ? ». Animée par Eva Jacomet, responsable des affaires européennes chez Sport et Citoyenneté et la journaliste Safia Kessas, et organisée par Coopération Education Culture (CEC) en partenariat avec Panathlon Wallonie-Bruxelles, Racism in Sport, Sport et Citoyenneté et UNIA, cette rencontre a permis d’explorer les racines du problème et d’identifier des solutions concrètes.

Un héritage colonial encore présent

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L’histoire coloniale belge et européenne a laissé des traces profondes, influençant encore aujourd’hui les représentations et les comportements dans le sport. Cette invisibilisation de l’histoire coloniale contribue ainsi à la prévalence des discriminations. Un constat qu’a pu partager Dominique Gillerot, directrice de CEC rappelant la nécessité d’enseigner cette histoire dès le plus jeune âge pour favoriser la prise de conscience.

Lilian Thuram, champion du monde 1998, soulignait quant à lui, la persistance des stéréotypes, rappelant, par exemple que les athlètes noirs sont encore trop souvent valorisés pour leurs seules capacités physiques, tandis que leur intelligence tactique est trop rarement évoquée. Une perception biaisée qui freine l’égalité des chances et la reconnaissance de leur talent.

 

Un problème systémique

Le racisme dans le sport ne se limite pas aux insultes dans les stades. Il est systémique, présent à tous les niveaux du secteur sportif. « Le sport fonctionne comme un miroir de la société, où les inégalités se reflètent et parfois se renforcent, » a expliqué le sociologue Marco Martiniello.

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Le problème est d’ampleur, comme en témoignent les chiffres de la Fédération de football en Belgique, qui a recensé 452 signalements d’actes racistes, soit une augmentation de 21 % sur la saison 2022-2023. Bien qu’ils ne traduisent pas nécessairement une explosion des cas de discriminations racistes, mais plutôt une progression du signalement, de nombreux incidents restent encore sous-déclarés, conduisant ainsi à une sous-estimation du phénomène. Cette situation résulte de plusieurs facteurs : la montée des idéologies d’extrême droite favorisant la banalisation des discours racistes, un héritage historique colonial persistant, ainsi qu’un faible engagement des instances sportives. Marco Martiniello a souligné notamment l’inaction de nombreux clubs et fédérations face aux insultes et discriminations racistes, dans les stades ou sur le terrain, où les intérêts économiques prennent souvent le pas sur des sanctions fermes. Il plaide ainsi pour que l’antiracisme devienne un élément fondamental de l’ADN des clubs de football et du sport en général.

 

Des pistes pour un sport plus inclusif

Face à ce constat, des solutions concrètes existent. Parmi elles, citons par exemple :

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La sensibilisation et la formation : des leviers incontournables :« Les entraîneurs et éducateurs doivent être formés à identifier et combattre les discriminations », a souligné Estelle Depris, formatrice spécialisée sur les questions relatives aux discriminations raciales soutenue dans ses propos par Sanae Jah, boxeuse professionnelle désormais coach. Engagée dans la sensibilisation des acteurs de tous horizons, Estelle Depris a rappelé que cette démarche reste essentielle. En outillant les professionnels, on crée un effet boule de neige favorisant une prise de conscience collective et des changements durables.

 

Une meilleure représentation des minorités dans les instances de gouvernance est essentielle. Elle permet de faire émerger ces enjeux dans les agendas et de mettre en place des plans d’action concrets et globaux. Sans diversité à la table des décisions, le changement reste limité.

 

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La prise de sanctions et la responsabilisation : Samia Ahrouch, responsable inclusion de l’URBSFA a rappelé l’importance d’un engagement transversal des fédérations incluant prévention, sensibilisation, mais également signalement et sanctions des discriminations. En la matière, l’URBSFA fait figure de bon élève européen, grâce à sa Chambre Nationale de lutte contre la discrimination et le racisme créée en 2021, organe disciplinaire de la Fédération chargé de recueillir et juger les faits rapportés.

 

Un engagement collectif : Lilian Thuram a appelé à une mobilisation collective, insistant sur la nécessité pour les joueurs de s’engager contre le racisme, même s’ils considèrent ne pas être directement touchés. Il a également remis en question l’idée d’une « neutralité du sport », utilisé pour dissuader les sportifs de s’exprimer, et a rappelé que le sport a toujours été politisé. Lilian Thuram comme Martin Fortez, juriste chez UNIA ont tenu à rappeler l’importance de visibiliser ces problématiques et dénoncer ces comportements ou insultes.

 

Vers un sport plus inclusif ?

Le Think Tank Sport et Citoyenneté, engagé depuis de nombreuses années sur ces sujets au travers de projets de formation et d’accompagnement des acteurs sportifs (60 minutes pour lutter contre les discriminations », PLAYER, Replay, SportBoard, FIRE+) continuera à défendre un sport inclusif et distant de toute forme de discriminations.

Le chemin est encore long, mais les discussions menées à Bruxelles ont rappelé une chose essentielle : c’est ensemble que nous ferons avancer la cause de l’égalité et de l’inclusion dans le sport.

 

Ils sont intervenus lors de la conférence :
➡️ 1ère partie : Discussion
✨ Lilian Thuram – Ancien footballeur international, auteur et fondateur de la Fondation Lilian Thuram – Éducation contre le racisme.
Marco Martiniello – Sociologue, directeur de recherche FNRS, spécialiste des migrations et de la diversité culturelle.
🎤 Modération : Safia Kessas, journaliste et réalisatrice.

➡️ 2ème partie : Table ronde avec des expert·es
Samia Ahrouch (URBSFA) – Inclusion Specialist, Union Royale Belge des Sociétés de Football-Association.
Estelle Depris – Experte en discriminations raciales, intersectionnalité et blanchité.
✨ Martin Fortez (Unia) – Juriste spécialisé en lutte contre les discriminations.
✨ Sanae Jah – Boxeuse, lauréate du prix PFWB pour la promotion du sport féminin.
✨ Dominique Gillerot (CEC ONG) – Directrice

🎤 Modération : Eva Jacomet, Responsable des affaires européennes du Think tank Sport et Citoyenneté.





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