« La mesure d’impacts est un enjeu crucial. Sans elle, les financements sont limités »

Faire du sport un vecteur-clé du développement économique et social en Afrique : telle est l’ambition de la plateforme Sport en Commun, lancée fin septembre. Selon son Directeur Nelson Camara, cet espace permettra de connecter le monde du sport et celui de l’aide au développement et de mesurer les effets des actions conduites.

Propos recueillis par Sylvain LANDA

 

Nelson CAMARA

 

Directeur de la plateforme Sport en Commun

 

Quels sont les objectifs de la plateforme « Sport en Commun » ?

NC : L’initiative est née en 2018 lors de la rencontre entre Emmanuel Macron et George Weah, qui soulignaient l’importance du sport comme vecteur de développement économique et social en Afrique. L’Agence Française de Développement (AFD) a reçu pour mission de structurer et de mettre en place une plateforme dédiée. « Sport en Commun » a été lancée en septembre 2020 et Sport Impact assure sa gestion.

L’ambition de « Sport en Commun » est d’amplifier le développement économique et social par le sport en Afrique. C’est un enjeu d’autant plus important dans le contexte actuel. Si le continent africain a été relativement épargné par la crise sanitaire, il continue de faire face à des défis majeurs. On aurait tort de penser que le sport n’est qu’un loisir. Il constitue un levier important de cohésion sociale, un vecteur d’éducation des jeunes, d’émancipation des femmes, de réduction des inégalités et de développement économique et d’emplois. « Sport en Commun » vise à connecter le monde du sport à celui du développement. Pour cela, nous poursuivons quatre missions :

  • Faciliter le financement des projets de développement, en identifiant les leviers disponibles.
  • Accompagner les porteurs de projets à toutes les étapes de vie du projet.
  • Permettre une mise en relation qualifiée, car le monde du sport et celui du développement se connaissent finalement peu.
  • Donner de la visibilité, à la fois aux porteurs de projets, aux structures de financement et d’accompagnement, mais aussi à la thématique de l’impact social du sport de manière générale.

Vous parlez d’accompagnement. Comment cela se matérialise-t-il ?

NC : D’après nos enquêtes, 60% des porteurs de projets ont des difficultés à avoir une vision précise des financements disponibles. C’est un frein indéniable. Le premier accompagnement que l’on propose consiste donc à donner de la visibilité sur notre plateforme aux différents financements disponibles. L’idée est que « Sport en Commun » devienne en quelque sorte un guichet unique pour tous les porteurs de projets.

Nous nous sommes aperçus aussi que 40% d’entre eux éprouvent des difficultés à structurer leur dossier. Nous proposons donc un certain nombre de services en association avec nos partenaires et nos experts locaux : incubation, structuration (pour initier une levée de fonds par exemple), suivi, déploiement, mais aussi mesure d’impacts afin de connaître et d’identifier les retombées du projet.

Beaucoup de projets sont accompagnés actuellement, qu’ils soient déposés sur notre plateforme ou pensés par nos « Sport Impact Leaders », des sportifs de haut niveau ambassadeurs du sport au service du développement. Nous avons également lancé un appel à projets cofinancé par l’AFD et la FIFA en matière de sport-santé. En 5 semaines, nous avons reçu plus de 1000 dossiers, avec une grande diversité géographique (49 pays africains représentés), et sportive (football, basket, sports de combat, natation, sports traditionnels africains…). Cela confirme l’engouement pour cette thématique et le potentiel d’innovation sociale du sport.

« S’appuyer sur Sport et Citoyenneté pour créer des outils adaptés »

 

Vous parlez d’impacts sociaux. Comment envisagez-vous de mesurer les effets des projets financés ?

NC : La mesure des impacts est un enjeu crucial. Sans elle, les financements sont limités. En amont de la mise en place de la plateforme, nous avons conduit une enquête auprès des bailleurs de fonds, afin de savoir comment amplifier leur implication. Leurs principales attentes étaient d’accéder à une base de données de projets qualifiés et d’experts locaux et de pouvoir mesurer efficacement les retombées des projets. C’est pourquoi notre plateforme s’est rapprochée d’un acteur comme Sport et Citoyenneté, afin de s’appuyer sur votre expertise dans la création d’outils et de méthodologies adaptées. Pour un bailleur de fonds, cet aspect est primordial. Il s’agit de pouvoir mesurer sa rentabilité, non pas financière mais sociale. Ce que le projet a permis de faire, mais aussi ce qu’il a permis d’éviter. Nous devons ancrer dans les esprits qu’investir dans le sport est une plus-value économique et sociale. Pour cela, nous avons besoin de données objectives.

Quand cette mesure intervient-elle ?

NC : Dans nos appels à projets, nous demandons aux candidats de préqualifier les impacts attendus. Mais tous n’ont pas les outils ou les méthodes pour le faire. C’est pourquoi la plateforme doit offrir ces services. Le partenariat avec Sport et Citoyenneté prend tout son sens. L’idée est de pouvoir adapter vos outils en fonction des contextes et en lien avec des experts locaux. Aujourd’hui, porteurs de projets et bailleurs sont convaincus de la plus-value de mesurer leurs actions, mais peu savent comment le faire efficacement. Même les structures historiquement engagées dans le sport et le développement expriment des besoins dans ce domaine.

 « Un fonds d’amorçage Sport et Développement en juillet 2021 ? »

 

Vous avez participé au sommet « Finances en Commun » mi-novembre. Que retenez-vous de ces échanges, notamment de la session dédiée au sport ?

NC : Le développement par le sport bénéfice aujourd’hui d’une considération politique nouvelle. Je salue l’énergie déployée par l’AFD pour structurer et lancer ce vaste mouvement international.

Le panel dédié au sport a réuni les institutions les plus prestigieuses ainsi que plusieurs banques publiques de développement. Tous partageaient la volonté de converger vers un objectif commun, d’où le lancement d’une coalition annoncée à l’issue du sommet. Elle réunit les acteurs sportifs, notamment le mouvement olympique et paralympique, et plusieurs banques publiques de développement parmi lesquelles l’AFD, la KfW et la GIZ (Allemagne), la JICA (agence de coopération internationale du Japon), la banque interaméricaine de développement ou encore la banque ouest-africaine de développement (BOAD).

Cette coalition doit nous permettre de travailler ensemble sur de nouvelles initiatives de financement et d’accompagnement. Nous avons bon espoir que d’ici janvier 2021 cette coalition dispose d’un secrétariat dédié pour coordonner nos efforts. Un autre objectif est de lancer un fonds d’amorçage dédié à la thématique à l’occasion du prochain sommet Afrique/France prévu à Montpellier en juillet 2021.

 

www.sportencommun.org

 





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