La lutte du football féminin au Moyen-Orient
Des années de lutte et d’efforts ont permis au football féminin de connaître une popularité croissante à travers le globe. Aujourd’hui, l’élan est en faveur de l’égalité ; pourtant un certain nombre de pays continuent de refuser aux femmes le droit de jouer[1].
Par Honey Thaljieh, Cofondatrice et première capitaine de l’équipe nationale de football de Palestine. Directrice de la communication entreprise de la FIFA
Rarement écrites dans la loi, ces restrictions se dissimulent sous de nombreuses formes : empêcher les femmes de faire de l’exercice physique ou de pénétrer dans des stades par exemple. Cela étant, même les sociétés les plus strictes commencent à relâcher leur étreinte.
Il a fallu attendre 1991 pour que soit organisée la première Coupe du Monde Féminine de la FIFA™. La dernière édition au Canada fut la plus réussie, battant des records d’affluence et d’audience. Elle a aussi permis de souligner les défis actuels, puisqu’aucune équipe arabe n’était présente sur le tableau final.
Au Moyen-Orient, le football est le sport numéro 1, autant pour les hommes que pour les femmes. Mais les structures de pouvoirs patriarcales empêchent les femmes de poursuivre leurs carrières. L’assouplissement progressif des restrictions est le fruit de la détermination des femmes, poursuivant leur passion en dépit des pressions socio-économiques, politiques, religieuses et culturelles. Le soutien familial et celui d’une poignée d’individus au sein des gouvernements et des fédérations sont aussi essentiels ; ce fut le cas en Palestine et en Jordanie, qui font aujourd’hui figure d’exemples. A la fin des années 1990, la Palestine considérait le football comme une activité exclusivement masculine. Il n’y avait pas d’équipe, de championnat, de ressources ou d’infrastructures, seulement des préjugés et des stéréotypes. Petite, j’ai commencé à jouer au football dans la rue, uniquement pour assouvir ma passion. Avec le recul, je sais que ça représentait bien plus. Le football peut partager des messages universaux et provoquer des changements.
En 2003, j’ai cofondé l’équipe nationale féminine de Palestine. Malgré l’aide de personnalités influentes, ce ne fut pas chose aisée. Nous avons dû faire face à un obstacle particulier, l’occupation israélienne, mais cela ne nous a pas dissuadé de continuer à faire ce que nous aimions : jouer. Avec le temps, le soutien pour notre cause a grandi et la FIFA a donné un coup de projecteur au projet, ce qui fut un élément décisif pour notre développement et notre reconnaissance.
En 2009, 14 000 personnes ont assisté à notre premier match international contre la Jordanie. C’est parce que des médias comme la BBC ou CNN ont couvert l’évènement que nous avons pris conscience que notre exploit transcendait la Palestine. Depuis, d’autres nations évoluent : Bahreïn a fondé une équipe féminine en 2003, les Émirats Arabes Unis en 2009, et avec la tenue prochaine de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, beaucoup d’espoirs existent pour que ce dernier alloue des ressources au sport féminin. Fin 2017, l’Arabie Saoudite a levé l’interdiction faite aux femmes d’accéder aux stades, précédant la tenue d’un premier tournoi de football féminin. Seul l’Iran maintient une telle interdiction. Cela étant, fin 2018, le pays a permis à plusieurs centaines de femmes d’assister à la finale de la Ligue des Champions d’Asie, une première en plus de 35 ans !
Aussi minimes que puissent paraître ces progrès, ils sont la preuve du processus de changement en cours. Bien qu’aucune équipe arabe ne soit présente cet été en France, la persévérance, le sacrifice et la passion du jeu des nombreuses femmes qui y seront permettront de diffuser le football au sein de notre région.
L’opinion exprimée dans le présent document est uniquement celle de l’auteure et ne reflète pas celle des organisations ou entités auxquelles elle peut être rattachée.
[1] Cette contribution est proposée par l’auteure et est issue d’un article écrit pour le catalogue de l’exposition « Foot et monde arable : la révolution du ballon rond »
Retrouvez cet article dans la revue Sport et Citoyenneté n° 46 Sport et Genre