« Contribuer à libérer l’écoute »

 

portrait de Sarah Abitbol

Sarah Abitbol

Sarah Abitbol, championne de patinage artistique dont les révélations en 2020 ont marqué un tournant dans la libération de la parole sur les violences sexuelles dans le sport en France, revient pour Sport et Citoyenneté sur l’omerta toujours présente et le combat qu’elle mène aujourd’hui à travers son association « La voix de Sarah ».

 

Propos recueillis par Sylvain Landa

 

Quelles sont les missions de l’association « La Voix de Sarah » et pourquoi créer cette structure aujourd’hui ?

SA : L’idée de créer cette association existait depuis longtemps. Le besoin est tel (plus de 800 athlètes en France ont témoigné de violences psychologiques et physiques subies) que cette association est la suite logique de mon action. Dénoncer c’est bien, mais continuer c’est mieux. L’objectif est de poursuivre la libération de la parole des victimes de violences sexuelles, dans le sport et au-delà. Il s’agit avant tout d’écouter les victimes, de les protéger et de les orienter vers les structures adéquates. En parallèle, je travaille aussi à la réalisation d’une exposition et d’un spectacle sur glace, ou ce sera mon corps qui s’exprimera.

 

Lorsque que vous avez été victime de violences, que vous a-t-il manqué alors pour sortir du silence ?

SA : De l’écoute avant tout. J’ai essayé de parler aux différents responsables de la fédération, au ministère, mais soit les portes étaient fermées soit on me demandait de ne pas trop évoquer l’affaire. Mon livre était ma dernière chance. Je ne parvenais plus à vivre avec l’idée que mon agresseur était toujours dans la même patinoire. Je me sentais complice de ce silence. Ce livre m’a aussi permis de dire et poser le mot « viol » qui m’était jusqu’ici impossible d’évoquer.

 

Selon vous, les athlètes non-victimes ne doivent-ils pas sortir eux aussi du silence ?

SA : Il faudrait effectivement que davantage de sportifs se rassemblent autour de ce combat, car notre voix peut porter et permettre aux autres victimes non connues de ne pas rester dans le silence. La honte et la peur doivent changer de camp.

 

La parité progressive des instances sportives est-elle une bonne chose pour lutter contre ce type de violences ?

SA : Au-delà d’une meilleure représentation des femmes, cette parité permettra selon moi d’offrir davantage d’écoute aux victimes. Personnellement, si un homme était venu vers moi, j’aurais été incapable de lui parler de ce que j’avais vécu, du fait de sa condition d’homme. Or il y a beaucoup plus de femmes victimes de violences sexuelles que d’hommes.

Je porte aussi deux autres combats. Le premier sur l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs. Il s’agit d’éviter que les agresseurs restent en liberté, alors que les victimes sont emprisonnées à vie, car leur corps se souviendra toujours de ce qu’il a subi. Le second concerne la reconnaissance de l’amnésie traumatique, qui est la perte de mémoire que certaines victimes subissent après une telle violence. Le cerveau se ferme pour se protéger. Cela peut durer des années. C’est un sujet qui divise car l’amnésie traumatique reste difficile à prouver. Heureusement, la recherche progresse. Or, il est fondamental que cette amnésie soit reconnue pour défendre l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs.

 


Aujourd’hui l’ouvrage “Un si long silence” a été vendu à plus de 30.000 exemplaires.

La voix de Sarah a été créé dans le but d’accompagner et d’aider les personnes dans le besoin à se reconstruire. Pour ce faire, des avocats et psychologues sont à la disposition des victimes de violences sexuelles.

Les missions de l’association sont :

  • Écouter
  • Protéger
  • Orienter
  • Libérer la parole

Lire la revue n°54 :

PRÉVENIR LES VIOLENCES SEXUELLES ET PROTÉGER LES PUBLICS





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