Inclusion des personnes LGBT+ dans le sport : quid des personnes transgenres ?

 Par Antoinette Benoit, chargée de mission ,Think Tank Sport et Citoyenneté

Dans de nombreux pays européens, le mois de juin rime avec “mois des fiertés” (“pride month”), dont l’objectif est de mettre en avant la lutte pour les droits des personnes LGBT+. Si la problématique des discriminations homophobes s’impose peu à peu, celle des discriminations et de l’accès à la pratique des personnes transgenres(1) reste elle largement sous-traitée. Le sport peut pourtant s’avérer précieux pour leur inclusion. En France comme en Europe, diverses initiatives existent et gagneraient à être étendues.

Selon une étude menée par le projet Outsport en 2019, plus de 90 % des personnes interrogées considèrent que la transphobie est un problème dans le sport. En effet, les personnes trans rencontrent de multiples difficultés dans la pratique de leur activité physique (discriminations, vestiaires non adaptés, accès refusé à certaines compétitions…) ce qui les conduit bien souvent à arrêter la pratique sportive. L’étude Trans & Sport menée par Raphaël SZYMANSKI et Charlie FABRE en 2022 indique par exemple que 79,3% des personnes interrogées (majoritairement trans) retourneraient à la piscine si elles pouvaient porter les tenues de leur choix.

 

Créer un cadre sûr pour lutter contre les discriminations

 

Face à ce constat univoque, de nombreuses initiatives citoyennes voient le jour afin de promouvoir un sport inclusif. L’association lyonnaise Cargo, qui propose des activités sportives et culturelles aux personnes LGBT+, veille par exemple à distinguer le nom d’usage du nom administratif. De plus, pour favoriser une meilleure inclusion des personnes non cisgenres(2), l’association met à disposition de ses membres un ensemble de ressources thématiques, telles que des “fiches réflexes” ou “glossaire” recommandant par exemple, de demander le pronom d’une personne dès la première rencontre.

 

 

Cette suggestion est également soutenue par Ludivine Leveau, doctorante en anthropologie, qui propose d’initier un “rite de pronom” à chaque début d’entraînement. Dans une logique similaire, elle suggère d’inscrire les pronoms sur les maillots des Eurogames, compétition sportive dédiée aux personnes LGBT+, qui se tiendront en juillet 2025 à Lyon. Cet évènement mettra également l’accent sur la sensibilisation à travers l’organisation de modules de sensibilisation à destination des organisations sportives.

 

(1) Personne dont l’identité de genre ou le sexe biologique se situe en dehors du binarisme homme-femme, qui ne s’identifie pas à son sexe assigné à la naissance ou qui a entamé un processus afin de faire mieux correspondre son expression de genre et son identité de genre. (2) Personne dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.

Changement d’échelle : étendre la dynamique d’inclusion aux niveaux national et européen

 

 

Comme le souligne Matthieu Lauvernier, président de l’association Cargo, “ L’avantage des associations sportives de sport amateur est qu’on peut expérimenter sur le terrain, et voir ce qui fonctionne ou pas. Il y a moins de contraintes que dans le sport professionnel”(3). Si elles demeurent rares et isolées et doivent être adoptées plus largement au sein du mouvement sportif, ces initiatives rappellent le rôle décisif que peuvent jouer les associations sportives en matière d’inclusion des personnes transgenres au sein de notre société.

 

 

Cette dynamique d’inclusion est partagée au sein des institutions nationales et européennes. En octobre 2016, le gouvernement français a ainsi dévoilé la Charte Sport et Trans, proposant dix « pistes d’inclusion » aux associations sportives pour garantir un accueil, une inclusion et un accompagnement adéquats des personnes trans. Cette charte soutient notamment l’idée qu’une personne doit pouvoir jouer dans la catégorie de son choix. Au niveau communautaire, la Commission européenne a publié en novembre 2020 sa « Stratégie en faveur de l’égalité des personnes LGBTIQ 2020-2025« , visant à améliorer la reconnaissance des identités trans et à lutter contre les inégalités dans le domaine du sport. L’engagement de la Commission se manifeste également, dans le cadre du programme Erasmus+, par le financement de projets favorisant l’inclusion des personnes trans dans le sport, tels que le projet « LBTI+ Women in Sport : Research & Outcome ».

 

 

De notre côté, après s’être engagé sur le sujet en créant en 2021 l’ouvrage et exposition “Sport & Fierté” en collaboration avec la fondation FIER, notre Think Tank réitère cette année son implication en s’associant à la European Gay and Lesbian Sport Federation en soumettant le projet Trans*Sport Europe auprès du programme Erasmus+ de la Commission.

Face aux problématiques persistantes d’inclusion dans la pratique amateur comme de haut-niveau – où une réflexion autour des catégories existantes, source d’exclusion des personnes trans doit être conduit – nous appelons de nos vœux un changement d’échelle des bonnes pratiques soulignées ici afin de promouvoir un sport inclusif pour tous et toutes.

 

 

Bon mois des fiertés !

 

 

(3)“Table ronde – Accueil des sportif.ves LGBTQI+ : comment entraîner sans discriminer ? “. Organisée par la Chaire LGBTQI+ et l’association SOS Homophobie le 7 juin 2024.

 


Lire le précédent article de la semaine : 

La rencontre

Par Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA et membre du comité scientifique Sport et Citoyenneté

 





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