Héritages des Jeux : Paris est mieux placé que Tokyo
Hugo ENGLER et Emile BONTEMPS, étudiants, ESSCA École de Management.
Article issu de leur travail de recherche dans le cadre de leur mémoire de fin d’études portant sur les héritages des grands évènements sportifs internationaux sur les territoires.
L’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, on le sait bien, est d’une importance stratégique pour les villes et les pays hôtes. Souvent, les bénéfices escomptés sont réduits à des effets économiques immédiats ou un gain de « soft power ». Notre recherche nous a permis d’aller plus loin dans la typologie des héritages durables – tangibles et intangibles – que laissent ces grands événements sportifs internationaux. Passons-les rapidement en revue :
- L’héritage sportif, sans doute le plus évident, qui regroupe l’ensemble des installations sportives construites ou rénovées pour un événement et qui serviront toujours une fois l’événement terminé. Cet héritage peut avoir un impact positif direct sur la pratique du sport par les citoyens et sur tous les avantages qui en découlent.
- L’héritage urbain représente l’ensemble des bâtiments érigés pour un méga-événement mais ne servant aucun but sportif, les modifications apportées à la structure de la ville hôte et le développement de nouveaux quartiers urbains ou de zones spécialisées.
- L’héritage infrastructurel est dédié à la rénovation ou à la création de différents réseaux, allant du transport aux télécommunications, en sachant qu’une partie des investissements doit nécessairement être allouée aux modifications des infrastructures publiques car celles-ci sont d’une importance toute particulière pour la population hôte.
- L’héritage économique, souvent considéré comme l’aspect le plus important et la principale raison pour laquelle les gouvernements tentent d’accueillir un événement, regroupe tous les indicateurs économiques tels que les investissements des entreprises, l’impact sur les flux commerciaux, les revenus directs et indirects liés au tourisme mais également la création d’emplois à long terme qui reste le principal objectif de la plupart des organisateurs.
- L’héritage environnemental regroupe l’ensemble des impératifs de durabilité associés à l’organisation de ces événements, un effort conscient de réduire les effets négatifs et de renforcer les effets positifs sur l’environnement.
- L’héritage politique (qui diffère le plus selon les pays, leur stade de développement et leur système politique) comprend la promotion de la démocratie et des droits de l’homme et une meilleure gouvernance, ainsi que l’amélioration de l’image des politiques en place (si l’évènement est une réussite).
- L’héritage d’image, qui reflète l’évolution de la réputation d’un pays, d’une région, ou d’une ville. Cette image peut être construite par des informations provenant de ses produits, ses célébrités, le comportement de ses habitants ou les événements qui s’y déroulent.
- Enfin, l’héritage social représente le changement dans la perception des résidents locaux de leur propre ville ou de leur propre région ainsi que le « feel-good effect» ressenti par cette population.
Vu les circonstances, il sera très difficile pour Tokyo et le Japon de cocher toutes ces cases. Rajeunir une image vieillissante, faire de la ville une métropole exemplaire de la durabilité, rehausser son standing diplomatique face au rival chinois, développer son tourisme – tous ces héritages attendus sont fortement compromis par la situation sanitaire. Quant à l’adhésion de la population dans un élan de communion nationale positive autour de l’événement, c’est même le contraire qui se produit.
Notre recherche portait cependant davantage sur les chances de Paris de réussir son défi, notamment celui de l’adhésion du public. À travers une enquête quantitative, basée sur des interviews exploratoires préalables, nous avons pu interroger la population francilienne et en tirer plusieurs conclusions quant à l’attente des Franciliens sur les Jeux à venir. Notons que notre enquête ciblait des personnes ayant un intérêt pour le sport.
Premièrement, nos résultats suggèrent que l’installation et le développement d’infrastructures sportives alliés à l’image que les sportifs renvoient à la population ont bien un impact positif sur la pratique du sport par les citoyens. Il s’agit même d’un cercle vertueux : une plus grande pratique sportive peut réveiller de nouveaux talents parmi la population jeune : presque 80% des moins de 30 ans se disent « motivés » à faire plus de sport grâce à ces éléments. Point positif lorsque l’on sait que le Comité d’organisation et l’État français souhaitent conjointement profiter du rayonnement des Jeux pour augmenter le nombre de pratiquants sportifs.
Concernant les héritages urbain et infrastructurel, le défi de Paris 2024 ne sera pas nécessairement d’éviter une gentrification, qui n’est pas le réel problème sur le plan urbain, mais davantage d’assurer un plan de logement à la suite des JOP afin de ne pas exclure les familles les plus modestes des quartiers fraîchement rénovés pour l’occasion. Pour assurer un héritage positif, il sera alors très important de réfléchir aux populations qui habiteront le « post village olympique ». Dans une ville comme Paris qui a du mal à loger chacun de ses habitants, cet objectif semble atteignable.
De plus, en matière d’investissement, parmi l’ensemble des types d’infrastructures publiques proposés, la population sondée estime que de nombreux investissements sont nécessaires. On y retrouve ceux dans le réseau RER-Transilien (92%), dans le métro parisien (89%), pour les gares/chemins de fer (79%), et enfin dans des aménagements pour les voies cyclables (78%).
Aussi, lorsqu’il s’agira de tirer des conclusions sur le résultat économique de cette organisation, il est nécessaire de préciser que les mesures ne doivent être faites que sur les investissements propres aux Jeux. Qui plus est, le véritable défi économique est de créer de l’emploi à long terme grâce aux Jeux.
Pour limiter les dépenses obsolètes et la destruction des écosystèmes, Paris 2024 compte utiliser 95% d’infrastructures existantes ou temporaires. Parmi les aménagements qui verront le jour, nous retrouvons ainsi des lignes de transports en commun et le village olympique.
C’est également dans la tête des Français et des spectateurs que Paris 2024 souhaite laisser un héritage positif. Tout d’abord concernant les enjeux actuels de parité homme-femme. À cet effet, le comité s’engage à faire participer le même nombre d’athlètes de sexe masculin et féminin. Cet engagement est à souligner car, dans le monde du sport, nous observons de nombreux cas de figures lors desquels la pratique masculine est mise en avant face à la pratique féminine.
Enfin, nous avons pu constater grâce à notre enquête que, sans aucun doute, d’une manière générale, un évènement sportif international réussi est synonyme d’amélioration de l’image du pays hôte pour 80% de la population. Nous pouvons aussi rajouter que 67% des sondés sont plus enclins à apprendre la culture du pays hôte et 68% ont davantage envie de faire du tourisme dans le pays hôte si l’évènement sportif est une réussite.
Toutes ces conclusions nous laissent à penser que les Jeux de Paris peuvent être une grande réussite si tous ces critères sont réfléchis en amont et dans une perspective de long terme. Nous nous devons alors d’être optimistes à l’idée de Jeux réussis pour Paris et pour toute la région parisienne.