L’héritage des Jeux en jeu

Ces deux dernières semaines, les débats autour de la place du socio-sport ont été nombreux, un fait plutôt inédit. Les journées de formation et d’études en socio-sport organisées les 8 et 9 décembre derniers à Nantes ainsi que le colloque « Enjeux des jeux » de cette semaine à Montpellier en sont deux parfaits exemples. A la croisée de la recherche, de la prise de décision et des actions menées par les acteurs de la société civile, ces évènements ont pour but de faire avancer les réflexions sur la place du sport comme outil social et sociétal.

Par Alice BUENSOZ, Chargée d’études mesure d’impact social
et Sylvain LANDA, Directeur éditorial Think tank Sport et Citoyenneté

Parler de la recherche en science sociales dans le secteur du sport : un enjeu majeur pour Paris 2024

« La contribution de la recherche en sciences humaines et sociales du sport aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 » : telle était l’ambition du colloque « Enjeux des Jeux » organisé à Montpellier cette semaine. Comme le rappellent les organisateurs, le champ de la recherche en sciences humaines et sociales portant sur le sport s’est beaucoup développé ces dernières années, et s’est progressivement diversifié pour embrasser aujourd’hui un large champ disciplinaire. Longtemps délaissé et quelquefois moins considéré que d’autres champs, le sport est désormais reconnu comme un objet d’étude à part entière. Le programme du colloque « Enjeux des Jeux » en témoigne, proposant un éclairage scientifique sur de nombreuses thématiques liées au sport : éducation, inégalités, accès à la performance… L’intention de mettre en avant les sciences sociales est inédite et cette dynamique doit servir à mobiliser la société civile dans son ensemble (collectivités locales, acteurs économiques et sociaux, monde associatif, monde de l’éducation…) sur les thématiques sociétales en lien avec le sport. L’objectif ici n’est pas de réussir la livraison des Jeux. Le comité d’organisation s’y attelle chaque jour. En tant qu’événement, les Jeux Olympiques et Paralympiques doivent servir d’accélérateurs pour faire converger les initiatives et décloisonner les champs d’intervention. C’est ici l’héritage que l’on peut attendre des Jeux qui est en jeu. Et cet enjeu dépasse le comité d’organisation, qui est par nature une structure éphémère appelée à disparaître une fois les Jeux terminés.

Héritage et impact social

Bien que légèrement galvaudée, la notion d’héritage nous concerne tous. Construit par les acteurs publics, éclairé par les connaissances des acteurs universitaires, en prise avec les acteurs de terrain qui seront demain, les principaux opérateurs de cet héritage, il s’agit de nous emparer collectivement de cet enjeu. Les débats ces dernières semaines ont montré que la recherche sur le sujet était riche. L’importance de construire des politiques publiques ou des dispositifs basés sur des faits tangibles a été maintes fois rappelée, tout comme la nécessité de mesurer les effets et les impacts sociaux produits ou non. En matière de mesure d’impact social, la compétence existe en France. Si la mission de construire l’héritage appartient à tous, l’enjeu est de définir de manière précise qui sera en mesure de piloter ces travaux, qui doivent s’inscrire dans un temps long. Comme le soulignait Michaël Attali, professeur des universités à l’université de Rennes 2 et Membre du Comité Scientifique de Sport et Citoyenneté, « l’un des défis des prochaines années est de repenser les effets des évènements sportifs afin d’en faire des leviers de transformation qui dépassent le temps de leur déroulement. Il parait à ce titre indispensable d’inclure l’héritage dans leurs organisations et de l’accompagner afin de donner un nouveau sens à ces évènements. Gageons que le changement est en cours et que les chercheurs y seront conviés »[1].

La recherche au service des projets de terrain

La tenue du colloque « Enjeux des Jeux » est un premier élément de réponse. La tenue de tels événements, qui favorisent les échanges et la rencontre entre acteurs académiques et sportifs sont utiles car ils permettent une transversalité bienvenue. Tout ceci gagne en utilité si ceux qui ont la responsabilité de prendre les décisions peuvent s’approprier ces travaux et en tenir compte dans leurs orientations politiques. C’est cette dynamique qui est impulsée dans le cadre du programme « Impact Social par le sport » porté par les associations Rebonds ! Breizh Insertion et le DAHLIR en partenariat avec le Pôle Ressources National Sport Innovations du ministère des Sports. François Le Yondre, chercheur en sociologie du sport à l’université de Rennes 2, Membre du Comité Scientifique de Sport et Citoyenneté, rappelait ainsi lors des journées du socio-sport organisées à Nantes que la sociologie du sport s’est pendant longtemps attachée à démontrer que le sport ne portait pas en lui de valeurs intrinsèques contrairement à la croyance populaire. Il s’agit désormais selon lui d’identifier des éléments qui permettent de connecter un contexte ou le sport a été utilisé comme outil d’inclusion et qui a permis d’observer des changements positifs sur la société.

Au sein de notre Think tank, nous partageons cette analyse et sommes convaincus que la recherche académique peut éclairer la prise de décision. Mais aussi que les vocabulaires ne sont pas les mêmes. Que la temporalité entre la prise de décision politique et la recherche universitaire est rarement la même et qu’il est nécessaire de rendre accessible au maximum le savoir universitaire pour éclairer la prise de décision. C’est le rôle que nous essayons modestement de jouer.

[1] Attali, M. « Penser l’héritage, un enjeu et une nécessité », revue Sport et Citoyenneté n°50, déc. 2021

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Nous vous proposons l’article de Sylvain LANDA, Directeur éditorial et Simon LAVILLE, Chargé de mission, Think tank Sport et Citoyenneté :
« Impulser une nouvelle dynamique en faveur du bénévolat sportif »

ainsi que l’article « Réussir l’héritage des jeux paralympiques »  par Sylvain Landa