Faire face à la sédentarité, le défi que la France et l’Europe doivent relever
Par Julian Jappert, directeur du Think tank Sport et Citoyenneté
Si de grands évènements sportifs sont à venir en Europe (Coupe du Monde de Football en Russie et Championnat d’Europe de Handball féminin en France cette année, Coupe du Monde féminine de Football en France en 2019, Coupe du Monde de Rugby en France en 2023 et les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024), les spectateurs du sport en sont de moins en moins les acteurs quotidiens. L’activité physique des citoyens européens continue de diminuer, selon les derniers chiffres de l’Union européenne.
+4 points, c’est le chiffre à retenir du dernier Eurobaromètre sur le sport et l’activité physique, publié en mars 2018. Ce chiffre concerne l’inactivité physique des Européens. L’Eurobaromètre de 2014 faisait déjà état de l’inactivité de 42% des Européens, celui de 2018 pointe à 46%. Objectivement, le nombre d’européens ne pratiquant jamais une activité physique et sportive (APS) a peu augmenté (environ 210 millions d’Européens inactifs). Cependant, le plus préoccupant réside dans le fait que ce pourcentage est en constante augmentation depuis 2010 (39%).
Une Europe à deux vitesses également dans le sport ?
Les écarts historiques sont toujours présents entre Europe du Nord et Europe du Sud. Les pays nordiques (Danemark, Suède, Finlande) ont toujours une pratique plus importante dans quasiment tous les sondages effectués. Ce sont par exemple ces pays qui ont le taux de pratique régulière le plus élevé (Finlande : 69%, Suède : 67%, Danemark : 63%). Le nombre de sondés déclarant ne jamais pratiquer une APS y est le moins élevé (Finlande :13%, Suède : 15%, Danemark : 20%). A l’inverse, l’inactivité physique est plus marquée dans les pays sud-européens tels que le Portugal, la Grèce (68% des citoyens ne pratiquent jamais une activité physique dans ces deux pays), ou bien l’Italie (62%).
Les facteurs qui influencent la pratique demeurent les mêmes
Les niveaux de pratique évalués sont l’activité soutenue ou modérée, et la marche. Ainsi,15% des Européens déclarent ne pas marcher au moins 10 minutes consécutives sur une semaine entière, tandis que 12% sont assis plus de 8h30 par jour (pour le travail, chez des amis, en étudiant ou en regardant la télévision). Lorsqu’ils font du sport les européens le font le plus souvent en extérieur, dans un parc (40%), chez eux (32%), ou bien sur le chemin entre la maison et le travail ou l’école (23%). Rester en bonne santé (54%) et en forme (47%) sont les principales raisons des européens à la pratique d’une APS alors que le manque de temps (40%), de motivation et d’intérêt (20%) constituent les principaux obstacles à cette pratique. Quant au volontariat dans des organismes d’activités physiques, celui-ci reste très bas (6%) et parmi les bénévoles 30% ne le sont pas de façon régulière mais qu’occasionnellement.
Ce dernier Eurobaromètre fait également état d’une pratique moins élevée chez les femmes (29%) que chez les hommes (36%). Cet écart est encore plus important chez les 15/24 ans (avec 59% de pratique chez les hommes contre 47% chez les femmes). En novembre 2017 une étude de l’INSEE[1] évoquait déjà cette disparité entre hommes et femmes en France. Quant aux personnes âgées de plus de 55 ans, ce sont les plus inactives (61%).
Le niveau d’éducation a également un impact sur la pratique d’une APS. Les européens ayant arrêté leurs études à 15 ans sont inactifs à 73% alors que ceux faisant des études supérieures pratiquent régulièrement à 63%. Des différences sont également à noter selon la catégorie socio-professionnelle. Les personnes au foyer, les retraités, les travailleurs manuels et les personnes au chômage sont par exemple beaucoup plus inactifs que les managers ou bien les étudiants. [2]
Comment lutter contre la sédentarité ?
Face à cette inactivité en perpétuelle augmentation des solutions sont possibles. La promotion de l’activité physique et sportive et d’un modèle de vie sain sont plus que jamais nécessaires. Les efforts politiques de l’Union européenne sont réels. La création en 2015 de la Semaine européenne du sport et l’annonce récente de « l’Appel de Tartu pour un modèle de vie sain » lancé par trois Commissaires européens sont des étapes positives mais insuffisantes. Surtout, le niveau d’intervention doit être celui le plus proche possible des citoyens. A travers ses programmes de recherche-action européens PASS et PACTE, le Think tank Sport et Citoyenneté soutient l’idée que le concept de « Ville Active » doit être central. Le sport doit devenir une priorité dans les politiques de développement des villes. Il doit également être une thématique dans les réseaux de villes existants ; si ces réseaux n’existent pas ou peu il faut les créer ou les renforcer et avoir ainsi des villes actives et sportives.
Si les Etats membres de l’Union européenne sont quasiment tous dotés d’une stratégie nationale ou d’un plan de promotion de l’activité physique, les autorités locales restent oubliées du débat structurel. Pour tenter de répondre à cette problématique le gouvernement Macron veut créer 500 maisons sport santé sur tout le territoire d’ici la fin du quinquennat. Paris souhaite développer des parcours sportifs et d’équipements en accès libre. Outre-manche le programme « Liverpool Active City » a été lancé en 2005, son objectif étant de faire de Liverpool la ville la plus active d’ici 2021. Nos corps sont destinés à bouger, nous sommes persuadés que nos villes devraient l’être aussi.
[1] Etude INSEE novembre 2017, « Pratiques physiques ou sportives des femmes et des hommes : des rapprochements mais aussi des différences qui persistent ».
[2] Recherche, lecture et traduction du baromètre : Laura Méténier