Faire évoluer les représentations et les pratiques professionnelles
Par Alice Buensoz, Chargée d’études, Think tank Sport et Citoyenneté
En 2021, près de 150 000 jeunes ont été suivis par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le cadre de mesures éducatives ou d’investigation. Cette prise en charge éducative quotidienne a pour objectif de soutenir les jeunes en conflit avec la loi dans leur évolution personnelle, sociale et professionnelle. C’est dans ce cadre que s’est développé le projet « Impact PJJ » conduit par l’association Colosse aux pieds d’argile, la Fédération Française de Rugby et le Think tank Sport et Citoyenneté. Son objectif : utiliser le rugby comme stratégie du détour pour créer un lien de confiance et sensibiliser les jeunes en conflit avec la loi au bizutage, aux harcèlements et aux violences sexuelles. Chargé d’analyser les effets du projet sur les bénéficiaires, Sport et Citoyenneté a proposé une approche hybride mêlant démarche quantitative et qualitative.
L’analyse conduite par Sport et Citoyenneté avait pour objectif d’illustrer comment le dispositif conçu par Colosse aux pieds d’argile a été appréhendé par les parties prenantes du projet, c’est-à-dire les jeunes pris en charge par la PJJ ainsi que les professionnels impliqués dans leur suivi.
Le premier temps a donc été orienté vers les jeunes. À l’issue de la sensibilisation rugby, un questionnaire a été distribué aux participants afin d’interroger leurs représentations du bizutage, du harcèlement et des violences sexuelles et recueillir à chaud leurs réactions. Une vingtaine de jeunes ont répondu positivement à cet exercice.
« Accorder plus de temps à l’écoute »
Le second temps s’est adressé aux professionnels de la PJJ ayant suivi la formation. Un questionnaire leur a été envoyé dix jours après la session. Celui-ci visait à questionner leur intérêt d’être formé sur cette thématique ainsi que l’évolution possible de leurs pratiques. 18 professionnels ont répondu à la démarche.
Sur la forme, une observation retient notre attention. Elle concerne l’accès aux jeunes. En raison de leur situation, il n’a pas été possible d’être en contact direct avec eux. Nous avons fait le choix de transmettre un questionnaire papier à remplir à l’issue des séances. Malgré cela, la passation a causé quelques difficultés : les jeunes montrant une certaine indifférence à la démarche (le taux de réponse n’étant que de 22%).
Sur le fond, l’analyse des réponses fait apparaître que plus de 80% des jeunes avaient déjà entendu parler de violences sexuelles ou de bizutage. Par ailleurs, tous ont conscience de la gravité de ces actes. Le format pédagogique est plébiscité par les jeunes : 75% d’entre eux estiment que jouer au rugby avant la session permet d’être plus en confiance pour aborder ce sujet. Cela se traduit également par leur aisance pendant la journée : ils annoncent tous être « à l’aise » ou « très à l’aise ». Enfin, 80% des jeunes estiment désormais savoir vers qui se tourner en cas de connaissance de tels agissements. On peut alors considérer que le format choisi est adapté au public-cible.
Concernant les professionnels de la PJJ, tous témoignent de l’intérêt du sujet. « Il s’agit d’un sujet qui, a priori, se rattache à la sphère privée mais qui, au regard du nombre de victimes et d’auteurs, concerne la société dans son ensemble et doit faire partie de l’éducation à la vie affective et sexuelle dès le plus jeune âge ». Les professionnels estiment tirer plusieurs enseignements de cette formation, tant sur des aspects de posture directe avec les mineurs pour les éducateurs, que sur des aspects théoriques pour la construction de politiques publiques de prévention. Beaucoup annoncent vouloir modifier leurs pratiques, en accordant davantage d’importance à l’écoute de la parole des jeunes et à la sensibilisation et la formation de leurs équipes.
Lire la revue n°54 :