EURO 2020, l’UEFA à la croisée des chemins
Les liens entre le football et la politique ont toujours été interrogés, débattus et le plus souvent, mal compris. N’échappant pas à la règle, l’EURO 2020 cristallise ces enjeux et place l’UEFA dans une position difficile, insoluble diront certains. Peu de bonnes solutions, beaucoup de mauvaises s’offrent à l’instance du football européen. Début d’analyse.
L’EURO 2020, un enjeu politique en soi
Pour la première fois, l’UEFA EURO se tient dans plusieurs villes européennes, signe d’une volonté d’unir l’Europe sous un seul et même drapeau, celui du football et de la vie retrouvée. Dans un contexte marqué par la sortie de la crise sanitaire, avec des restrictions à géométrie variable entre les différents pays européens, dans un contexte de tensions politiques, sociales et sociétales, l’EURO se voulait comme un événement marquant le retour à une joie pure, émotion que seul le football semble pouvoir procurer.
Mais bien vite, cette compétition sportive s’est retrouvée au centre de plusieurs polémiques, dans lesquelles l’UEFA a été désignée arbitre bien malgré elle. Avec les tensions autour des maillots de l’Ukraine et de la Macédoine du Nord en début de compétition, les réactions suscitées par l’action de certains joueurs faisant fi des règles de sponsoring en conférence de presse, des incidents racistes et homophobes dans les tribunes à Budapest ou encore la question des restrictions sanitaires au Royaume Uni, l’EURO 2020 n’a pas fini de créer des polémiques. Chacun s’exprime librement, critiquant la position de l’UEFA d’un côté, les félicitant pour leur neutralité de l’autre.
Le drapeau de la discorde
Dernier événement en date, la demande de la ville de Munich de mettre l’Allianz Arena aux couleurs du drapeau LGBT à l’occasion de la réception de la Hongrie ce mercredi, en signe de contestation contre le vote mi-juin d’une loi hongroise interdisant la diffusion aux mineurs de contenus sur l’homosexualité. Demande refusée par l’UEFA, au motif que, en tant qu' »organisation politiquement et religieusement neutre« , elle refuse de véhiculer un message visant spécifiquement un pays ou un gouvernement.
Ce refus a été salué par le gouvernement hongrois, qui a considéré que « les dirigeants du football européen ont fait preuve de bon sens (…) en ne participant pas à ce qui aurait été une provocation politique envers la Hongrie« . A l’opposée, l’Allemagne et Munich en tête, ainsi que de nombreux pays européens ont contesté cette décision. Dieter Reiter, le maire de Munich, a considéré « honteux que l’UEFA nous interdise, ici à Munich, d’envoyer un signal pour le cosmopolitisme, la tolérance, le respect et la solidarité avec les personnes de la communauté LGBT ». La situation semble parfaitement résumée par Clément Beaune, secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, lorsqu’il déclare que la décision de refus de l’UEFA « est aussi une décision politique ».
Au tour de l’UEFA de répondre par voie de communiqué, insistant sur le fait que « le drapeau arc-en ciel n’est pas un symbole politique, mais un signe de son engagement ferme en faveur d’une société plus diverse et plus inclusive », regrettant que la demande allemande soit au départ « une requête politique ».
Au-delà de ces échanges de communiqués, il convient de retenir le fait que la société civile, vous comme nous, soit heurtée par cette situation et souhaite réagir, avec ses moyens et des initiatives propres : la distribution de 11 000 drapeaux arc-en-ciel aux spectateurs du match de ce soir, ou encore l’engagement de nombreuses marques allemandes et de clubs de football à afficher ce drapeau.
Une polémique aux conséquences profondes
Une prise de position claire et mesurée semble impossible sur le sujet. Mais la polémique interroge : qu’est-ce qu’un acte politique ? Quel est le rôle du sport dans la société ? Comment les instances dirigeantes du football, et du sport en général, doivent-elles se comporter face à une politisation accrue du débat public ?
Quelle que soit la réponse de l’UEFA, elle aurait été critiquée et longuement débattue. Ce qu’on peut toutefois reconnaitre, c’est que l’instance dirigeante du football européen s’est bien gardée définir ce qu’est un acte politique et géopolitique.
Il en va maintenant des acteurs du sport européen, au niveau amateur et professionnel, dans les instances dirigeantes, mais aussi des autorités politiques, de se saisir de cette question et de travailler à une définition de ce fait politique dans le sport. Comment le définir ? Quels en sont les contours ?
Des questions auquel seul un débat apaisé, réfléchi et argumenté pourra permettre de trouver des réponses. Des questions que notre Think Tank s’attachera à poser aux acteurs pertinents, et intéressés, pour que le sport, et le football, redevienne un vecteur d’unité, et non de discorde.