« Le sport est un outil très attractif pour transformer les stéréotypes de genre »

Née au début de la Guerre froide, Dalia Leinarte a été le témoin de l’indépendance de son pays, la Lituanie. L’ayant vécue elle-même de l’intérieur, elle ouvre la voie à une meilleure compréhension du passé soviétique et en particulier de l’expérience de la vie quotidienne des femmes durant cette période. Elle devient rapidement une spécialiste de la politique de genre et fait partie des 100 personnes les plus influentes au monde dans ce domaine selon un classement établi en 2018. Elle a présidé le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) durant deux ans et continue d’y siéger aujourd’hui. En parallèle, elle enseigne en Lituanie et à l’université de Cambridge (Royaume-Uni).

Portrait de Dalia Leinarte

Dalia Leinarte

Quel est le rôle du CEDAW et dans quels domaines intervient-il ?

DL : Le CEDAW est le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). Créé en 1982, il est composé de 23 experts indépendants élus dont le mandat est de suivre la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de fait et de droit. Cette Convention est le seul document juridique international qui couvre l’égalité de genre dans tous les domaines de la vie, c’est-à-dire dans la sphère publique et dans la famille. La Convention est universelle puisqu’elle a été ratifiée par 189 États parties. La tâche principale du Comité est d’engager un dialogue constructif avec les États parties et de formuler des recommandations aux gouvernements. Dans le même temps, le Protocole facultatif à la Convention permet au Comité d’examiner des communications individuelles afin d’enquêter sur des cas de discrimination et de violence soumis par des particuliers et/ou des organisations de la société civile. En outre, le Comité a le mandat d’initier une procédure d’enquête lorsqu’il reçoit des indications fondées sur des faits concernant de possibles violations graves et systématiques par l’État partie.

L’article 13 de la Convention reconnaît que les femmes et les filles ont les mêmes droits que les hommes et les garçons de participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle. Comment jugez-vous la situation dans le monde sur ce sujet précis ?

DL : Il est important de rappeler que le Comité ne collecte pas lui-même des informations. C’est pourquoi, outre les rapports soumis par les gouvernements, les experts du CEDAW utilisent diverses sources d’information officielles et confidentielles pour produire leurs analyses. Cela étant, les informations qui concernent la situation des femmes et des jeunes filles dans le sport, reçues par le Comité conformément à l’article 13 de la Convention, sont souvent insuffisantes. Cela fait dix ans que je siège au CEDAW et nous n’avons, par exemple, jamais reçu d’informations sur des faits de harcèlement ou de violence sexuelle à l’encontre des athlètes femmes. Par conséquent, le Comité est souvent incapable de formuler des questions ciblées et de faire des recommandations spécifiques pour améliorer la situation des femmes dans le sport lorsqu’il échange avec un État partie. À mes yeux, le Comité International Olympique (CIO) pourrait initier ce processus. J’ai personnellement organisé une réunion avec le CIO au sujet d’une éventuelle coopération. Malheureusement, elle n’a pas été suivie d’effets. Néanmoins, le dialogue initié entre le Comité et la FIFA dans le cadre de la prochaine Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande m’encourage à penser que les choses bougent.

Quelle est la situation dans votre pays, la Lituanie ?

DL : J’admire les femmes athlètes qui s’engagent dans la vie publique, qui expriment leurs opinions sur les événements politiques et qui participent ainsi activement au renforcement des processus démocratiques. Je veux particulièrement mentionner la nageuse lituanienne championne olympique Rūta Meilutytė, qui utilise sa notoriété pour dénoncer la guerre contre l’Ukraine.Pensez-vous que le sport, au même titre que l’art ou la culture, puisse être utilisé comme vecteur pour évoquer la lutte contre les discriminations et les violences, notamment avec les jeunes ?

DL : Il est indéniable que l’impact du sport sur la vie des enfants commence très tôt, plus tôt encore que l’art ou la culture. Il ne fait donc aucun doute que le sport est un outil très attrayant et efficace pour transformer les stéréotypes de genre patriarcaux et inculquer aux enfants la compréhension mutuelle et l’égalité de genres.


Lire la revue n°54 :

PRÉVENIR LES VIOLENCES SEXUELLES ET PROTÉGER LES PUBLICS





Sport et citoyenneté