Les candidats à la présidence du CNOSF dévoilent leur programme
Par Julian Jappert et Théo Kouteynikoff, Think tank Sport et Citoyenneté.
Le 11 mai 2017, l’Assemblée générale du Comité National Olympique et Sportif Français élira son nouveau Président, pour un mandat de 4 ans. Isabelle Lamour, Denis Masseglia et David Douillet se portant tous les trois candidats au poste, ils se retrouvaient le Mardi 25 Avril à la maison du sport français l’occasion d’une présentation en vue de cette élection, suivi d’une séance de questions réponses avec les présidents de fédérations qui auront duré deux heures et peuvent être visionnées ici.
Dans un contexte marqué par la candidature de Paris à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, lequel d’entre eux aura la charge de représenter le mouvement sportif français, notamment les fédérations sportives, à l’échelon national et international ?
Si le sport trouve peu d’intérêt dans la campagne présidentielle, il est au cœur d’une autre élection majeure pour le sport français : celle du futur président du CNOSF. Trois candidats sont en course pour accéder au poste de patron du sport français au mois de mai prochain : Denis Masseglia est candidat à sa propre réélection et briguera un troisième mandat de président. Isabelle Lamour, présidente de la Fédération française d’escrime et membre du conseil d’administration du CNOSF et David Douillet, membre du conseil d’administration de la Fédération française de judo sont également candidats. Chacun d’entre eux a dévoilé récemment son programme électoral, qu’il est possible de retrouver sur le site du CNOSF. Ils y explicitent, sous des formes différentes, la vision qu’ils se font de leur mandat ainsi que leurs propositions sur les grandes thématiques du sport Français.
Sport et Citoyenneté aborde régulièrement plusieurs des thématiques évoquées par les candidats, et nous avons décidé de nous intéresser plus particulièrement à trois d’entre elles.
Sur le thème de la gouvernance, David Douillet souhaite mettre en place des débats contradictoires semestriels avec les fédérations, les clubs et les licenciés, afin que les réflexions du CNOSF soient envisagées au plus proche possible des pratiquants. Il prévoit également de placer des présidents de fédérations ou élus comme pilotes de projets en binômes mixtes, et propose la création d’un conseil d’experts constitué de membres de la société civile, en mesure de conseiller le CNOSF et de créer de nouvelles passerelles avec d’autres secteurs d’activités. Isabelle Lamour propose quant à elle de créer une plateforme collaborative en lien avec les fédérations, les clubs et les collectivités territoriales ainsi qu’un centre de ressource dédié au mouvement sportif. Elle met également l’accent sur sa volonté de préserver et de valoriser le modèle associatif du sport français, et fait la promotion d’une politique de soutien au bénévolat et à sa reconnaissance officielle. De son côté, Denis Masseglia met en avant son bilan et les progrès réalisés dans le domaine de la gouvernance, et propose d’organiser des « rendez-vous récurrents » afin d’échanger les bonnes pratiques et faire progresser l’ensemble des fédérations. Il propose également de réviser le circuit de distribution des fonds du Centre National pour le Développement du Sport, qui est selon lui un enjeu majeur de l’évolution de la gouvernance du sport. Enfin il propose de créer des groupes transversaux, qui pourraient lier sport et éducation, sport et santé ou encore sport et éthique.
Sport et Citoyenneté travaille sur la question de la gouvernance du sport depuis plusieurs années et sur le besoin de rénover l’organisation du sport en France. Colin Miège, président de notre comité scientifique, invite notamment à repenser le rôle de l’Etat et les attributions des collectivités territoriales afin de coordonner leurs interventions et ainsi éviter les doublons. Dans une telle organisation, la région pourrait être posée en chef de file et élaborer des schémas régionaux prescriptifs. Cela demande évidemment une réelle prise en compte du sport par le pouvoir politique. Vous pouvez également consulter notre livret « Le sport dans la campagne présidentielle », paru comme une liste de suggestions faites aux candidats à l’élection présidentielle de mai 2017.
Concernant l’impact sociétal du sport, Isabelle Lamour insiste sur sa vision du sport comme vecteur de cohésion sociale et d’éducation. Elle souhaite, pour le renforcer, développer davantage le sport à l’école notamment en développant les partenariats entre les écoles et les associations. Elle défend également une pratique sportive tout au long de la vie, et un accompagnement des structures sportives afin de s’adapter aux nouveaux besoins des publics. Elle met également en avant le fait que l’indemnisation des présidents de fédération est particulièrement importante si l’on souhaite que les instances dirigeantes se féminisent, et explique qu’on peut « concilier deux vies, mais pas trois », et donc que le bénévolat ne peut pas se conjuguer à la fois avec le travail et l’inégale répartition des tâches domestiques. Denis Masseglia souligne de son côté le fait que le sport doit illustrer la diversité de la société, et fait la promotion de la mixité, que ce soit au niveau de l’âge, du sexe, de l’origine ou du handicap. Il envisage par exemple de dupliquer le projet « Femmes et Sport » pour la jeunesse. Il met en avant la mise en place, durant ses précédents mandats, du dispositif « Sentez-Vous Sport » et envisage d’y faire participer les clubs sportifs. Ce dispositif valorise les bienfaits médicaux, physiques et psychologiques de la pratique sportive et s’impose comme une référence pour les autres pays Européens soucieux d’intégrer l’activité physique dans leur projet de société. M. Douillet souhaite d’ailleurs que le dispositif soit attractif vis-à-vis des entreprises et puisse apporter des recettes au CNOSF. Il envisage également de déployer, par le biais des fédérations et en partenariat avec l’État et les collectivités territoriales, des plans de Sport-Santé sur tout le territoire, et introduit les « contrats éducatifs territoriaux dans le Sport » et les « Ecoles de la 2ème chance par le sport ». Enfin il souhaite que des veilles et des études sociétales soient effectuées territoires par territoires, afin d’être le plus à même de créer des programmes et des modalités d’actions adaptés.
L’impact sociétal du sport est également au cœur des thématiques traitées par notre Think tank. Le CNOSF nous a d’ailleurs plusieurs fois consulté sur les questions sociétales, et M. Masseglia partage avec nous la vision du sport comme un « élément structurant de la société », pouvant toucher à tous les domaines. Il a toujours su garder un œil sur l’Europe s’il inspire aujourd’hui les autres, il a pu s’inspirer des idées intéressantes qui existaient dans d’autres pays européens. Cependant des progrès restent à faire, et il conviendra de poursuivre cet effort, quel que soit le ou la futur(e) président(e) du Comité National Olympique et du Sport Français. En premier lieu, nous estimons que la mixité devrait être une des composantes premières des bonnes pratiques de gouvernance, afin d’arriver à la parité dans les instances dirigeantes comme prévue par la loi du 4 Août 2014. C’est notamment grâce à la création du réseau Européen « Femmes et Sport » de Sport et Citoyenneté que nous agissons pour la promotion de la pratique féminine, l’accès des femmes aux postes à responsabilités et la médiatisation du sport féminin. Nous croyons également profondément en la qualité du sport comme vecteur d’éducation et militons pour son utilisation dans ce sens, cela depuis notre création il y a dix ans.
Enfin, concernant Paris 2024 et l’organisation possible des Jeux Olympiques et Paralympiques, Denis Masseglia insiste sur l’héritage immatériel de l’événement, qui est lié à ses aspects sociétaux et qui devra se poser comme une référence pour les projets fédéraux et territoriaux à venir. Il conçoit aussi l’évènement comme un potentiel accélérateur de prise de conscience chez les décideurs, notamment sur la question de l’éducation. David Douillet propose lui de demander au CNDS de réserver 50% de son enveloppe « Héritage Paris 2024 » aux équipements sportifs (soit 10 millions d’euros par an), notamment des projets de centres nationaux fédéraux. Isabelle Lamour, qui est par ailleurs membre du Groupement d’Intérêt Public « Paris 2024 », soutient la candidature sans pour autant détailler davantage le thème de l’héritage dans son programme.
La question de l’héritage, qu’il soit matériel ou immatériel a été traité par Sport et Citoyenneté et nous avons pu déterminé les principes importants à prendre en compte dans le cadre de l’organisation des grands évènements sportifs internationaux. Davantage encore que les candidats à la présidence du CNOSF, nous insistons sur la portée médiatique de ces évènements qui fait leur capacité à être vecteurs de messages sur des domaines comme la santé, l’activité physique ou encore la cohésion sociale. Nous croyons fermement dans la capacité de ces grandes compétitions à structurer des changements de comportement.
Ce scrutin aura lieu au lendemain de l’élection présidentielle, ainsi il faudra pour le ou la président(e) dialoguer avec le nouveau gouvernement et plus particulièrement le responsable du sport, qu’il soit ministre, secrétaire d’état ou bien rattaché au premier ministre. Il lui incombera de faire valoir ses idées et d’orienter intelligemment la politique française en matière de sport. M. Douillet insiste d’ailleurs sur le besoin pour le mouvement sportif d’être uni afin de peser dans le rapport de force, et pouvoir être associé aux prises de décisions, car une politique sportive efficace doit passer par une prise de poids politique des dirigeants du mouvement sportif.