Aller plus loin dans la lutte contre l’homophobie dans le football
Par Sophie Lopez et Alexandre Charrier, chargés de projets, affaires européennes
L’information n’est pas passée inaperçue : le weekend dernier lors de la 35e journée de la ligue 1, plusieurs joueurs de football ont refusé de porter un maillot floqué arc-en-ciel. Ce maillot arc-en-ciel s’inscrit dans la campagne de lutte contre l’homophobie dans le football « Homos ou hétéros, on porte tous le même maillot » de la Ligue de Football Professionnel.
Ces comportements individuels semblent contraster avec certaines initiatives mises en œuvre par les instances professionnelles du football. En effet, un nombre croissant de fédérations et de clubs de football mettent en place des départements de responsabilité sociale. Les initiatives de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie et d’intégration des LGBT+ relèvent de ces dits départements.
Néanmoins, force est de constater que des campagnes de courte durée visant à arborer le drapeau arc-en-ciel ne sont ni suffisantes, ni efficaces. Il demeure alors capital d’aller plus loin dans la lutte contre les discriminations à l’égard des personnes LGBT+ en proposant des actions de conscientisation plus fortes dès le plus jeune âge dans les clubs de sport.
Une volonté de lutter contre l’homophobie dans les instances du football
En Europe, les instances du football, professionnelles et amateures, ne peuvent plus se permettre de laisser de côté leurs responsabilités sociales. Des initiatives ont d’ores et déjà été engagées.
De nombreuses fédérations et ligues nationales ont mis en place des systèmes de signalement pour les personnes victimes d’abus et de discrimination. A titre d’illustration, la Premier League anglaise dispose d’un système de signalement en ligne pour les joueurs, les dirigeants et les entraîneurs, et d’un autre pour les supporters. Du côté de la Belgique, dans le cadre de son plan d’action « Come Together », la Royal Belgian Football Association a mis en place un point de signalement pour les victimes et les témoins de discrimination, y compris homophobes.
Lors de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie de nombreuses campagnes sont aussi mises en œuvre par la grande majorité des acteurs du football. Les instances dirigeantes telles que la FIFA et l’UEFA promeuvent des campagnes anti-discriminations et sanctionnent régulièrement des clubs ou des fédérations pour des agissements individuels ou collectifs discriminants à l’égard des personnes LGBT+. En revanche, elles n’organisent aucun programme de formations, que ce soit pour joueurs, entraîneurs ou dirigeants, quant à la lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. Cette certaine inaction a mené à la création d’une initiative internationale telle que Football v Homophobia qui défend un football pour tous et développe pour cela campagnes et actions en la matière.
Pour autant, les actions et initiatives de ces différents acteurs, du fait de leur ponctualité, semblent avoir très peu d’écho auprès des joueurs. En effet, ces événements visant à affirmer un soutien à la lutte contre l’homophobie revêtent pour certains d’entre eux un caractère contraignant, notamment vis-à-vis de leurs convictions personnelles. Seulement, lutter contre la discrimination et les violences potentielles à l’égard d’une personne en raison de son orientation sexuelle ne devrait pas être considérée comme une affaire de convictions, mais bien comme un devoir universel.
Former et éduquer afin de conscientiser : une réussite ?
Dans ce contexte, comment œuvrer à une plus forte sensibilisation afin d’éviter que des comportements, tels que ceux adoptés par certains joueurs professionnels, le week-end dernier en Ligue 1, se reproduisent ?
Ouissem Belgacem, ancien résident de l’académie du Toulouse Football Club, s’est exprimé dans L’Equipe et sur le plateau de Quotidien, se disant « dépité », lui qui intervient désormais auprès des centres de formation afin de sensibiliser les jeunes à la lutte contre l’homophobie. Il insiste en effet sur la nécessité pour les instances « d’accomplir un travail de fond » auprès des footballeurs et footballeuses de demain afin de prévenir la reproduction de comportements discriminants.
Quelques initiatives ont d’ores et déjà été entreprises en la matière. En France notamment, la LFP soutient un programme tel qu’Open Football Club, mené par la Fondaction du Football, qui vise à sensibiliser les jeunes des centres de formation à différents enjeux, dont la lutte contre les discriminations à l’égard des personnes LGBT+. Des ateliers de sensibilisation sont ainsi conduits au sein des clubs professionnels français, avec l’appui d’organisations telles que SOS Homophobie ou Foot Ensemble pour « déconstruire les clichés autour de l’orientation sexuelle, sensibiliser au poids de l’insulte homophobe » ou encore « développer des bonnes pratiques s’appuyant sur le respect et la solidarité ». Néanmoins, ces initiatives restent ponctuelles et gagneraient à s’inscrire davantage dans des plans d’action se déroulant sur l’ensemble de la saison afin d’ancrer les enjeux de la lutte contre l’homophobie au cœur des clubs, professionnels et amateurs.
En effet, l’homophobie reste encore un fléau sur les terrains comme dans les tribunes. Aujourd’hui, « 77% des Français perçoivent le milieu sportif professionnel comme homophobe ». L’efficacité des actions mises en œuvre, notamment auprès des jeunes, interroge. Au-delà des campagnes et des ateliers de sensibilisation, dont les effets sur les comportements sont difficilement démontrables, clubs et instances de football semblent sans solution afin de prévenir le développement d’attitudes discriminantes.
Du côté du ballon ovale, la Fédération Française de Rugby (FFR), citée en exemple par Amélie Oudéa-Castéra lors du colloque national coorganisé par le Ministère des Sports lors de la Journée mondiale contre l’homophobie, se distingue en matière de politique d’inclusion et de lutte contre les discriminations à l’égard des personnes LGBT+. En effet, que ce soit par la création de commissions anti-discriminations et égalité de traitement (CADET), ou bien par l’organisation d’un tournoi gayfriendly lors de la Coupe du Monde 2023 en France, la FFR affiche un engagement fort et concret vis-à-vis de la défense des enjeux et des droits des personnes LGBT+ dans le champ sportif. Un exemple dont le monde du football devrait peut-être s’inspirer.
Aujourd’hui encore, en grande partie à cause de l’homophobie prégnante dans le monde footballistique, peu de footballeurs professionnels peuvent révéler leur homosexualité. Le football représente pourtant un sport qui se doit d’être vecteur d’inclusion. Des progrès restent à faire.
Pour aller plus loin
La lutte contre les discriminations dans le sport, un combat à poursuivre, par Colin Miège, président du comité scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté
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