Agir contre les violences sexuelles exige de lever tous les tabous autour du sportif

Par Julian Jappert, directeur général du Think tank Sport et Citoyenneté

D’après les chiffres du Conseil de l’Europe, près d’un enfant sur cinq est victime de violence sexuelle en Europe.

Dans la plupart des cas, les enfants sont victimes de personnes en qui ils ont confiance, que ce soit dans le cercle familial, à l’école ou dans les différents domaines de la vie sociale.

Le monde du sport n’est pas hermétique à ce phénomène. La révélation, ces dernières années, de nombreux cas de violences sexuelles, en Europe et dans le monde, l’a malheureusement confirmé. Vecteur d’accomplissement personnel et d’émancipation, le sport peut aussi être un environnement où des propos blessants, des comportements inappropriés, ou des agissements répréhensibles peuvent s’opérer. Le bizutage par exemple, est une pratique qui est loin d’être inconnue du champ sportif. Les raisons sont multiples, elles tiennent tant à la nature propre du sport (activité où les contacts physiques sont souvent nécessaires, où une plus grande tolérance est accordée aux violences physiques, aux blessures) qu’à son organisation traditionnelle (domination masculine, rapport de force entre entraîneur et athlète, effet de groupe, présence de situations à risque, etc.).

Longtemps tue, cette réalité est désormais appréhendée par les pouvoirs publics et sportifs. Des éléments de réponse ont été apportés. Des outils de prévention ont été réalisés, pour permettre à chacun de mieux appréhender ce que recouvre ces problématiques et les réponses à y apporter. L’écoute s’est aussi libérée. Des procédures administratives, judiciaires et disciplinaires ont été établies afin de renforcer les contrôles, assurer le suivi des signalements et poursuivre devant la justice leurs auteurs. Mais beaucoup reste encore à faire car agir contre les violences sexuelles exige de lever tous les tabous autour du sportif, du corps et des valeurs (positives et négatives) que le sport est susceptible de transmettre. Cela nécessite aussi, selon nous, d’interroger les pratiques, les habitudes, les postures, pour mieux protéger les autres et soi-même. Enfin, cela implique que les organisations évoluent pour limiter au maximum la survenance de tels actes et, lorsqu’ils se produisent, facilitent leur prise en charge. Chez Sport et Citoyenneté, nous militons depuis plusieurs années pour le renforcement des dispositifs de protection et d’alerte, à travers notamment une refonte des chartes d’éthique des fédérations sportives (la prévention des agressions sexuelles n’est pas mentionnée en tant que telle dans la nouvelle charte d’éthique du CNOSF, adoptée au mois de mai 2022), l’élaboration de procédures exigeantes au niveau des clubs, permettant de recueillir la parole, d’alerter les services idoines et d’accompagner les victimes (juridiquement, médicalement, psychologiquement…) ainsi que le suivi par une instance nationale indépendante.

Nous croyons également aux vertus de la sensibilisation et de la prévention, et au rôle que la pratique sportive peut jouer pour éduquer et former les pratiquants et les encadrants à ces sujets. C’est le sens de notre engagement aux côtés de l’association Colosse aux Pieds d’Argile, de la Fédération Française de Rugby et de la Direction nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le projet « Impact PJJ », que nous vous proposons de découvrir dans les pages de cette revue.

Pour aller plus loin

Retrouvez prochainement notre revue dédiée sur notre site web !

Sport et Violences en Europe – Revue Sport et Citoyenneté n°20