Affecter une partie des revenus générés par les paris à une assistance contre la haine en ligne
Le harcèlement et la haine en ligne sont malheureusement monnaies courantes dans le sport. Mariam Bolkvadze, joueuse de tennis professionnelle, plaide pour qu’une assistance soit offerte aux sportifs, financée par les sociétés de paris sportifs.
Comme beaucoup de mes collègues, en tant que joueuse de tennis professionnelle, j’ai été confrontée au harcèlement en ligne dès mon plus jeune âge. La plupart de ces abus proviennent des réseaux sociaux, souvent associés à de faux comptes. Certains d’entre nous lisent les messages puis bloquent les comptes. D’autres essaient d’éviter leurs « demandes de messages ». Mais, inévitablement, nous finissons tous par voir ces messages haineux à un moment ou à un autre. Certains concernent notre tennis, nous dénigrent. D’autres sont carrément intimidants : des remarques et des insultes racistes, des menaces envers nous ou nos familles.
Il semble qu’une grande partie de ce harcèlement soit liée aux paris sportifs. Que vous ayez gagné ou perdu, il y a toujours quelqu’un qui espérait l’autre résultat. Je comprends qu’il s’agit d’un équilibre délicat : les contrats conclus par les instances sportives et les sociétés de paris génèrent d’importants revenus. Mais j’ai l’impression que les joueurs et joueuses qui participent à des tournois en dehors de l’élite sont injustement exposés au harcèlement alimenté par les paris, sans garanties adéquates sur place. Lors de tels tournois, il est courant d’avoir du public autour de nous, et peu ou pas de sécurité. Dans un sport aussi exigeant sur le plan individuel et financier, qui compte de nombreux jeunes joueurs, cette situation entraîne à n’en pas douter des problèmes de santé mentale et augmente le risque d’atteintes à l’intégrité des compétitions, comme le fait que des joueurs acceptent de manipuler des résultats.
Je ne sais pas quelle est la solution. Est-il nécessaire d’interdire les paris lors des tournois de moindre envergure ? Une autre solution, moins extrême, pourrait être d’affecter une partie substantielle des revenus générés par les contrats conclus avec les sociétés de paris à des services destinés aux joueurs, comme la présence de psychologues ou l’adoption de mesures de lutte contre le harcèlement. Il est essentiel que ce soutien soit disponible pour tous les joueurs et joueuses de tennis professionnels, et pas seulement pour les meilleurs d’entre eux.
Fin décembre, j’apprenais qu’à partir du 1er janvier le logiciel « Threat Matrix », developpé par un groupe d’instances dirigeantes du tennis, serait déployé sur les réseaux sociaux, afin de surveiller les profils publics des joueurs et d’y déceler tout contenu abusif ou menaçant. L’agence de presse Reuters notait que les joueurs de tennis constataient « une augmentation des abus en ligne à mesure que les paris sportifs se sont répandus ; les parieurs qui perdent de l’argent se défoulant sur les athlètes ». Je me réjouis de voir que cette affaire est prise au sérieux et que les instances dirigeantes font souvent de leur mieux pour représenter et protéger les joueurs.
Cet article a été publié dans la revue Sport et Citoyenneté n°57 : Protéger l’intégrité du sport