Vers une approche intégrée du handicap dans le sport
Marije Deutekom, Responsable du projet SEDY, Université des Sciences Appliquées d’Amsterdam
Maxime Leblanc, Responsable des affaires européennes, Think tank Sport et Citoyenneté
Article paru dans la revue Sport et Citoyenneté numéro 41
Le projet SEDY touche à sa fin. Il s’est efforcé d’obtenir et d’interpréter des données sur la situation actuelle de l’offre sportive pour les jeunes en situation de handicap en Europe, a facilité l’échange de bonnes pratiques et a développé et expérimenté plusieurs programmes-pilotes.
Le projet SEDY a été lancé parce que, selon la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap (CDPH), ces dernières ont les mêmes droits et devraient avoir les mêmes opportunités que les autres. Or, ces opportunités sont beaucoup plus restreintes lorsque l’on connaît une situation de handicap, y compris dans le domaine sportif. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En Europe, 42% des personnes valides ne font pas d’exercice quotidien, contre 56% pour les personnes en situation de handicap[1]. La CDPH ou encore la Charte des droits fondamentaux de l’UE le soulignent également. Cependant, les documents de ce type, quels que soient les organismes qui les délivrent, restent souvent des intentions, jusqu’à ce que des actions concrètes soient entreprises par les parties prenantes pour les mettre en pratique.
Cette inégalité d’accès aux activités physiques et sportives est une violation indirecte des droits des personnes en situation de handicap reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Par conséquent, il est essentiel que toutes les parties prenantes, des pouvoirs publics au mouvement sportif, prennent des mesures pour garantir cet accès au sport pour tous.
Le projet SEDY a recueilli des données détaillées sur la situation actuelle dans les sept pays participants au projet, puis a développé et expérimenté des programme-pilotes dans le but d’augmenter la participation sportive des personnes en situation de handicap, en identifiant et en comparant l’offre et la demande en la matière. Pendant la phase de recherche initiale, il est devenu évident que l’accès au sport des jeunes en situation de handicap était rare, et que ces derniers n’étaient pas satisfaits des opportunités existantes (49%), notamment en termes d’accès à l’information. Les programmes-pilotes développés dans le cadre du projet SEDY (« PAPAI », « PAPAI Light » et « Focus on Me ») ont ainsi fait preuve d’innovation, dans la mesure où ils se sont efforcés de prendre réellement en compte les attentes individuelles de ces enfants/jeunes, pour y répondre de la meilleure façon possible. Les participants ont d’ailleurs déclaré majoritairement qu’ils avaient apprécié l’expérience et avaient augmenté leur niveau d’activité physique. Ils ont également souligné l’écart qui existe aujourd’hui entre leurs attentes en termes de pratique et ce qui leur est proposé. Cette offre ne tient généralement pas compte de leurs besoins et de leurs attentes.
L’inclusion est un point-clé de départ pour aborder la question de façon moderne
Que retenir donc de ce projet ? Tout d’abord que l’inclusion est un point-clé de départ pour aborder la question de façon moderne. A l’inverse d’une approche ancienne et tranchée sur ce sujet selon laquelle les enfants en situation de handicap ne doivent être pris en charge que par des spécialistes, le modèle social, plus contemporain, reconnaît les capacités, les forces et les limites de chaque individu. Apprendre à connaître ces limites permet de travailler avec chacun d’entre eux. Ainsi, inclure des enfants en situation de handicap au quotidien peut changer la donne à tous les points de vue, et aider à outrepasser la peur de l’inconnu.
Parmi les principales conclusions du projet SEDY, il a été mis en avant que les enfants/jeunes en situation de handicap ne sont pas uniquement confrontés à des défis matériels, mais aussi à des blocages psychologiques. Les préjugés sont probablement les obstacles les plus sérieux à dépasser. Par exemple, en Finlande, la majorité des écoles sont totalement inclusives, y compris sur le plan du sport scolaire, et déconstruisent ainsi les préjugés des générations futures. En suivant l’approche inclusive et en sensibilisant le plus grand nombre de personnes à la situation actuelle, on renforce le soutien nécessaire à la reconnaissance des droits et à la prise en compte des besoins de chacun. Enfin, pour le groupe-cible (les enfants/jeunes en situation de handicap), le sport est un excellent moyen d’épanouissement personnel et de renforcement de l’estime de soi. Il peut permettre de dépasser certaines de ces barrières psychologiques.
Le projet SEDY s’achève, mais le chemin est encore long. Les recommandations que nous pouvons formuler, basées sur l’expérience du projet, sont nombreuses. Tout d’abord, l’importance de collecter des données comparables sur le sport et le handicap en Europe. Pas seulement sur les niveaux de participation, mais aussi sur les politiques menées et l’organisation du secteur. Les différences d’organisation sont telles qu’il demeure difficile de comparer efficacement les données récoltées. De plus, nous considérons qu’une approche individuelle et qualitative est nécessaire pour mieux faire coïncider l’offre et la demande d’activité physique adaptée. Ce faisant, le nombre d’enfants/jeunes pratiquant une activité physique peut croître sensiblement, comme nous l’avons constaté lors des programmes-pilotes PAPAI (version intégrale et version adaptée). Pour cela, une collaboration étroite entre les secteurs éducatif et sportif semble primordiale, car c’est en travaillant avec des étudiants et des professionnels en physiothérapie et/ou en éducation physique, qu’une telle approche individuelle sera possible.
Utiliser davantage les apprentissages croisés
Par ailleurs, les échanges entre pays partenaires et les apprentissages croisés ont été deux éléments centraux dans notre expérience. De nombreux pays font des efforts pour combler le fossé qui existe en termes d’accès au sport. Certaines interventions fonctionnent, d’autres sont moins efficaces. Le défi est désormais de partager ces résultats dans d’autres pays. Plus encore, nous défendons l’idée que l’inclusion devrait être le point de départ de tous les projets et interventions. Cela conduit à des questions encore ouvertes, sur lesquelles il faudra se pencher à l’avenir. Dans le processus continu de changement de perspective d’un modèle médical à un modèle social et par la suite d’inclusion, comment évaluons-nous les résultats ? Si nous voulons remettre les enfants en situation de handicap en mouvement, devons-nous envisager des activités séparées ? Ou offrir des opportunités sportives dans les clubs traditionnels, ouvertes à tous ?
Le projet SEDY s’achève, mais laisse derrière lui des problématiques de fond que nous continuerons à faire évoluer.
[1] Position du Think tank Sport et Citoyenneté sur le thème « Sport et Handicaps », 2015.