Les 3 points à retenir de la table ronde
« Performance sportive et réussite scolaire : des solutions pour les fédérations ! »
Jeudi 2 février 2023
Auditorium de la Fédération Française de Football – Paris
Dans le cadre de son cycle de conférences, le Think tank Sport et Citoyenneté a proposé jeudi 2 février dernier une table ronde débat sur les conditions d’une double réussite scolaire et sportive des jeunes sportifs. Cette table ronde s’inscrivait dans le cadre des travaux déjà entrepris par le Think tank sur ces sujets et dans le prolongement de récentes évolutions législatives qui ont donné un nouvel élan à ces thématiques. La loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale offre ainsi de nouvelles conditions de mise en œuvre du double projet alors que la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France impose aux fédérations de prévoir l’accompagnement des sportifs en reconversion dans leur projet de performance fédérale. Près d’une centaine d’acteurs institutionnels, représentants de fédérations sportives, d’établissements éducatifs et d’acteurs économiques ont pris part à ce débat, signe de l’intérêt croissant du sujet.
Comme le soulignait en introduction des débats Julian Jappert, Directeur général de Sport et Citoyenneté, le double projet est la recherche de l’excellence sportive et de la réussite scolaire, universitaire ou professionnelle. C’est un principe structurant l’ensemble des politiques sportives de haut niveau conduites en France et en Europe depuis de nombreuses années.
L’enjeu est de permettre aux jeunes sportifs d’allier du mieux possible la poursuite de leur scolarité en parallèle de leur parcours sportif. Pourquoi ? Avant tout parce que c’est un moyen de maintenir un bon équilibre de vie et de préparer leur après-carrière. Aussi parce que la performance d’un athlète est multifactorielle, et que la sérénité que l’on peut tirer d’un double projet choisi se retrouve souvent sur les terrains. Pour autant, cet engagement n’est pas des plus simples à mettre en œuvre. C’est un véritable défi d’organisation et de planification pour les athlètes (cours, révisions, examens, entraînements, compétitions, déplacements, soins médicaux…), d’autant plus pour les sports individuels ou à maturité précoce (qui nécessitent une organisation individuelle de la scolarité avec un rôle prépondérant de l’entourage, des effectifs dispersés et donc un sentiment d’isolement, un enseignement souvent à distance…). Cela oblige, dès l’enseignement primaire dans le cas de certaines disciplines, à des aménagements importants dans la vie de l’enfant-athlète.
Ce double projet peut être source d’enrichissement mais aussi de souffrance. Une étude menée en 2019 en Finlande indiquait que « 60% des lycéens et lycéennes-athlètes interrogés présentaient une santé mentale fragilisée, attestée par la présence de symptômes de burn-out sportif et/ou académique ». Les risques sont réels : altération des performances, mal-être, arrêt de la compétition à cause de la lourdeur des études ou, à l’inverse, difficultés à poursuivre le cursus scolaire jusqu’au baccalauréat.
Faciliter la conduite du double projet pour permettre aux athlètes de gagner en sérénité est un objectif d’intérêt général qui doit animer l’ensemble des parties prenantes. Des solutions ont été identifiées par les pouvoirs publics. Un récent rapport de l’Inspection Générale de l’Education, des Sports et de la Recherche appelait ainsi à un changement de paradigme en plaçant le sportif de haut niveau au centre de son projet de vie et en faisant en sorte que la scolarité et la formation s’organisent en s’adaptant aux contraintes sportives et non plus l’inverse.
Il convient toutefois de s’adresser à la fois à ceux qui accéderont à la très haute performance mais aussi à ceux qui sont engagés dans des parcours d’accession ou d’excellence et qui n’auront pas la chance d’accéder au plus haut niveau et qui doivent pouvoir suivre/reprendre une scolarité ordinaire le moment venu.
Cette conférence se donnait donc pour objectifs de réunir plusieurs représentants publics, économiques et sportifs pour échanger sur les solutions mises en œuvre afin de faciliter le double projets des sportifs. Plus précisément, la période charnière du pré-bac était visée.
Pour ouvrir officiellement cette soirée animée par Géraldine Pons, Directrice des sports d’Eurosport et Vice-présidente du Think Tank Sport et Citoyenneté, Brigitte Henriques, présidente du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) rappelait que le renforcement du statut des athlètes de haut niveau et de niveau semi-professionnel figurait parmi les propositions portées par le mouvement sportif lors de la dernière campagne pour l’élection à la Présidence de la République. Sur ces sujets, le CNOSF dispose d’une convention-cadre avec l’Éducation nationale permettant de faciliter la mise en place de parcours individualisés. L’objectif du mouvement sportif est également de pouvoir favoriser l’échange de bonnes pratiques entre les fédérations, afin de pouvoir s’inspirer mutuellement des dispositifs mis en œuvre.
Une première illustration était donnée par Caroline Flaissier, Directrice générale de la Fédération Française de Tennis (FFT). La FFT a récemment mis en place une cellule chargée du suivi socioprofessionnel des sportifs, avec un triple objectif : l’excellence sportive, la réussite scolaire et l’épanouissement personnel des jeunes tennismen et tenniswomen. Sur la période charnière du pré-bac, la FFT a développé une solution innovante de première école 100% à distance, adossée au CNED (opérateur du ministère de l’Éducation nationale chargé de l’enseignement à distance) et mise en œuvre par Acadomia : l’e-campus Acadomia FFT. Il s’agit de la première école 100% à distance organisée autour de classes virtuelles et en petits effectifs, animées par des enseignants experts et s’appuyant sur des outils innovants d’apprentissage collectif en ligne. L’objectif est de viser les 100% d’admission au baccalauréat mais aussi de préparer ces derniers à la poursuite de leur carrière (chaque tennisman ou tenniswoman professionnel étant un auto-entrepreneur) et à leur évolution professionnelle. Un dispositif aujourd’hui plébiscité par les cadres de la Fédération, les jeunes sportifs et leur entourage.
A l’issue de ce premier partage d’expérience, une table ronde était proposée, réunissant plusieurs intervenants et grands témoins : Jean-Marc Serfaty, référent ministériel aux Jeux olympiques et paralympiques au sein de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, Hubert Fournier, Directeur Technique National de la Fédération Française de Football, Alexandra Fusaï-Crochu, Responsable du suivi socioprofessionnel à la FFT, Rachel Jacq, responsable des partenariats du CNED, Philippe Coléon, Directeur général d’Acadomia, Guillaume Naslin, Délégué général du Fondaction du Football, Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération Française de Basket Ball, Laurent Petrynka, président de la Fédération Internationale du Sport Scolaire (ISF), Éloi Relange, président de la Fédération Française d’Echecs, Baptiste Malherbe, président exécutif de l’AJ Auxerre et Eleejah Inisan, Championne de France de tennis 13/14 ans.
En clôture de cette soirée, le témoignage d’Alexandra Fournier-Bidoz, ancienne athlète et secrétaire générale du Think tank Sport et Citoyenneté donnait corps aux thématiques évoquées tout au long de la soirée.
Les 3 points-clés du débat :
1. Une approche globale et collective à renforcer
Le Code du Sport le rappelle : les sportifs de haut niveau concourent, par leur activité, au rayonnement de la Nation. L’éducation des jeunes athlètes est un principe fondamental que nous devons cultiver. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics et sportifs de les accompagner du mieux possible dans la construction de leur parcours de vie.
Cette démarche ne peut se faire sans l’implication de l’ensemble des acteurs. Les récentes réformes ont permis à l’Etat de faciliter l’individualisation des aménagements des emplois du temps. Cette démarche doit être poursuivie notamment au niveau local pour éviter de déraciner trop tôt les élèves et les former trop loin de leur lieu de vie ou d’entraînement.
Des réflexions sont aussi à poursuivre pour aménager les calendriers et les modalités des examens, qui constituent souvent des difficultés lorsqu’ils se chevauchent avec ceux des compétitions sportives. Des actions pourraient aussi être menées dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) pour sensibiliser les futurs enseignants aux spécificités de certains parcours (sportifs, artistes, musiciens…).
2. Des solutions sur mesure, adaptées aux spécificités de chaque discipline
Il n’existe pas de modèle unique pour faciliter le double parcours des sportifs, mais plusieurs facteurs-clés de réussite. D’abord, l’intérêt d’une approche adaptée, qui tienne compte de la réalité de chaque discipline. L’accompagnement d’un jeune footballeur en centre de formation professionnel ne sera pas le même qu’une tenniswoman s’entraînant individuellement. Des dispositifs personnalisés sont donc à créer avec chacune des fédérations sportives. L’enseignement à distance est une solution car il permet de répondre aux normes académiques, mais il nécessite un accompagnement, une pédagogie adaptée et des enseignants spécialement formés pour éviter que cette charge ne repose que sur les athlètes et leur famille.
Il convient aussi de réfléchir au modèle économique des programmes d’éducation des jeunes sportifs, y compris ceux qui ne sont pas encore inscrits sur les listes ministérielles et qui ne bénéficient donc pas d’aides particulières. De nouvelles formes de coopération sont à imaginer : collaboration public/privé, fond de solidarité permettant aux sportifs professionnels de participer à la formation des futurs sportifs, sponsoring responsable… La formation éducative et citoyenne des jeunes talents pouvant constituer un axe nouveau d’engagement pour les acteurs économiques.
3. Un équilibre de vie à rechercher
L’épanouissement personnel des futurs champions est quelquefois un angle mort des dispositifs d’éducation et de formation mis en place, alors qu’il constitue un facteur-clé de performance. A l’image du dispositif « Open Football Club » développé par le Fondaction du Football auprès des centres de formation des clubs professionnels et des Pôles Espoirs de la FFF, des programmes civiques et culturels pourraient être déclinés dans les fédérations sportives, facilitant l’ouverture sur le monde et le développement de compétences sociales et de soft skills utiles pour la poursuite de la carrière sportive et professionnelle.
Cette démarche peut aussi faciliter l’insertion professionnelle de ceux qui n’accèdent pas au plus haut niveau, à l’image du statut de « joueur d’intérêt général » proposé par la Fédération Française de Basket Ball, qui permet à des clubs évoluant à un niveau national de rémunérer un joueur un exemple qui permet à des clubs de niveau « National » d’employer un joueur/joueuse et de le/la rémunérer un joueur en contrepartie de son activité sportive professionnelle si et seulement si, en complément, il/elle réalise un quota de missions d’intérêt général sur son territoire.
Le replay de la conférence est disponible ici:
Pour aller plus loin:
La reconversion des sportifs de haut niveau, par Ayodele Ikusean, Athlète de haut-niveau, administratrice du Think tank Sport et Citoyenneté
3 points à retenir de la conférence « Jeunes sportifs, pour ne plus avoir à choisir entre sport et études », organisée en janvier 2020 en partenariat avec Acadomia