Un groupe de haut niveau européen sur la diplomatie du sport
Instauré en 2015 par Tibor Navracsics, ancien Commissaire européen en charge des questions de sport, le groupe de haut niveau sur la diplomatie sportive a formulé une série de recommandations aux institutions européennes afin d’inscrire le sport dans les différentes politiques conduites par l’Union européenne.
Richard PARRISH
Directeur du Centre de recherche sur le droit du sport,
Université Edge Hill (Royaume-Uni).
Thierry ZINTZ
Professeur en Management des Organisations Sportives,
Université catholique de Louvain (Belgique)
Ces dernières années, l’Union européenne a été affectée par un nombre de menaces et d’événements dramatiques sans précédent. Certains mouvements politiques se sont empressés d’exploiter les crises terroriste, migratoire, financière et, plus récemment, sanitaire qui se sont succédé, en manipulant les peurs de ceux qui se sentent marginalisés sur le plan social, économique et politique, nourrissant ainsi un sentiment europhobe dans plusieurs États membres, et au-delà. Dans ce contexte délicat et complexe, il apparaît plus urgent que jamais de revigorer les outils, moyens et ressources que l’Union utilise pour réaliser ses objectifs sur la scène internationale. Dans le même temps, un nombre croissant de gouvernements considèrent désormais le sport comme un outil pour améliorer leur politique extérieure et leurs relations internationales, pour atteindre des publics étrangers de manière plus profonde, positive et efficace, et pour soutenir leurs politiques externes et conforter leur image de marque et influence sur la scène internationale.
« INCLUSION, DÉVELOPPEMENT ET VALEURS »
C’est dans cet état d’esprit que l’ancien Commissaire européen en charge des Sports Tibor Navracsics a chargé, en 2015, un « High-Level Group » (HLG) d’évaluer le potentiel du sport au sein de la diplomatie officielle. Cette nouvelle approche du sport en tant qu’outil diplomatique mettait en lumière les valeurs positives du sport et leur impact bénéfique sur la cohésion sociale en irrigant l’éducation, l’économie, la culture et l’emploi, en améliorant la santé, et en contribuant à un monde meilleur par l’encouragement au dialogue, au développement et à la paix.
Avant de remettre son rapport en juin 2016, le groupe s’est réuni six fois. Afin de formuler des recommandations efficaces, il a d’abord répondu aux questions suivantes :
▪ Pourquoi l’UE devrait-elle utiliser le sport dans ses relations extérieures et ses actions diplomatiques ? Étant donné que les objectifs de politique extérieure européenne et les valeurs du sport concordent, le HLG a estimé que le sport était susceptible d’aider l’Union dans la poursuite de ses ambitions. En tant qu’élément de dialogue, le sport peut faire partie de la diplomatie européenne, en facilitant les relations de l’UE et de ses États membres avec le monde extérieur.
▪ Comment le sport pourrait-il être intégré dans les relations extérieures de l’UE ? Le sport fonctionne comme un facilitateur diplomatique. Il atteint directement le grand public, suscite de l’intérêt et de la bienveillance, créant ainsi un environnement favorable pour la conduite des relations internationales. Bien qu’il soit rarement un vecteur diplomatique à lui tout seul, le sport peut être efficace pour introduire des changements ou renforcer des dynamiques dans des processus diplomatiques.
▪ Comment le sport pourrait-il s’insérer dans les politiques européennes ? Afin de fournir des propositions aussi réalistes et spécifiques que possible, tout en tenant compte des dispositions du traité de Lisbonne, le HLG a limité ses réflexions aux domaines où le sport peut apporter une réelle plus-value aux objectifs de l’Union en matière de relations extérieures.
Sur la base de ces prémisses, les recommandations du HLG se sont concentrées sur trois orientations : l’inclusion dans et par le sport, le développement (avec le sport comme outil éducatif) et les valeurs du sport.
Ces trois orientations forment la colonne vertébrale des recommandations formulées dans les trois domaines spécifiques suivants :
1 – Les relations extérieures de l’UE.
2 – La promotion, et la défense des valeurs de l’UE dans le contexte des grands événements sportifs.
3 – Le développement d’une culture organisationnelle de la diplomatie sportive.
D’abord, en ce qui concerne les relations extérieures de l’UE, reconnaissant que l’Union traite avec des pays tiers à travers, entre autres, ses politiques de voisinage, d’élargissement, de développement et de coopération, le rapport a estimé que le sport pouvait jouer un rôle plus important dans la réalisation des objectifs de ces politiques. Le rapport a recommandé que le sport soit mieux pris en considération dans ces accords avec les pays tiers et a appelé à systématiser sa prise en compte dans les programmes de financement, en révisant notamment les programmes comme Erasmus+, afin de permettre un meilleur accès des pays tiers à ces financements. Le rapport a demandé que l’UE fournisse un soutien technique et politique aux autorités et organisations sportives de ces pays. Il a recommandé aussi l’organisation d’une conférence de haut niveau sur la diplomatie sportive, la promotion d’une migration sportive légale et circulaire, des prix pour des projets remarquables portés par la société civile, et le développement d’outils de communication pour la dissémination de bonnes pratiques.
Le rapport aborde ensuite la promotion et la défense des valeurs de l’UE dans le contexte de grands événements sportifs. Il rappela que l’organisation de ces événements soulève des questions en lien avec les préoccupations de l’Union, telles que l’intégrité et la transparence, la bonne gouvernance et la participation, les droits humains et l’inclusion sociale, la protection environnementale et la croissance économique. Le rapport recommanda de soutenir la recherche sur l’accueil d’événements sportifs majeurs et appela à accorder plus d’attention à la diplomatie économique lors de leur mise en oeuvre.
Il proposa aussi la création d’un réseau d’ambassadeurs du sport comprenant des athlètes et entraîneurs afin de promouvoir les valeurs européennes par le sport.
« UNE CULTURE ORGANISATIONNELLE DE LA DIPLOMATIE SPORTIVE »
Enfin, le rapport formule des recommandations en matière de culture organisationnelle. Étant donné le caractère transversal du sport, particulièrement dans le contexte diplomatique, le rapport souligne l’importance de systématiser la prise en compte du sport dans les activités d’autres services compétents de la Commission et des institutions communautaires. Le rapport suggère d’afficher le terme « Sport » dans le titre de la Direction Générale « Education et Culture » et revendique un statut de priorité pour la diplomatie sportive dans le Plan de Travail pour le Sport 2017-2020. Le rapport propose également de faire référence à la diplomatie sportive dans la future « Stratégie européenne en matière d’affaires extérieures » et dans le Plan d’Action « Droits de l’Homme et Démocratie ». De plus, il recommande la mise en place d’un groupe d’experts sur la diplomatie sportive et l’inclusion du sport dans le portefeuille des fonctionnaires des délégations de l’UE chargés des relations culturelles. Enfin, le rapport souhaite une sensibilisation des ministères des affaires étrangères des États membres sur le potentiel du sport comme outil de diplomatie publique.