« Promouvoir l’activité physique comme un outil de résilience »
Depuis le 1er juillet, la Slovénie assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Simona Kustec, ministre slovène de l’Éducation, des sciences et du sport, nous présente sa feuille de route pour ces six mois, avant de passer le flambeau à la France, qui assurera la présidence de l’UE au premier semestre 2022.
Propos recueillis par Rodolphe DOITE
Quelles sont les thématiques de travail de la Slovénie pour ces six mois de présidence et comment le sport s’intègre-t-il dans ces priorités ?
SK : Les priorités de la présidence slovène sont axées sur le Plan de relance et de résilience (en lien avec la crise sanitaire, mais pas seulement) d’une Union européenne forte, crédible et sûre, capable d’assurer la sécurité et la stabilité dans son voisinage et ce dans le respect des valeurs et des règles de droit commun de l’UE et des défis contemporains et futurs d’un monde vert et numérique. Du point de vue du sport, cela signifie qu’il faut promouvoir les valeurs du modèle européen du sport, l’activité physique tout au long de la vie, la double carrière des sportifs de haut niveau et le rôle de l’UE au sein de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Comme vous pouvez le constater, le sport, dans ses principes les plus purs, représente, en quelque sorte, un guide symbolique pour notre plan commun de redressement et de résilience. Si vous voulez être forts et unis, vous devez avoir une stratégie intelligente, travailler dur en équipe, jouer de manière équitable et avec respect. Plusieurs événements ont été ou seront organisés durant notre présidence. Je pense notamment à une conférence sur l’activité physique tout au long de la vie (24 septembre) ou encore à la réunion du « Conseil Education Jeunesse Culture et Sport » du 30 novembre prochain.
« UNE APPLICATION MOBILE POUR INCITER À UN MODE DE VIE SAIN »
Fin septembre, sous votre présidence, s’est tenue un événement important pour tous les acteurs du sport en Europe : la Semaine européenne du sport. Comment vous êtes-vous saisie de cette manifestation ?
SK : Nous avons organisé une série d’événements à Bled (Slovénie) dès le 22 septembre : une réunion de la direction générale Sport, suivie de la cérémonie d’ouverture officielle de la Semaine européenne du sport et de la célébration de la Journée nationale du sport slovène le 23 septembre. Notre conférence sur l’activité physique tout au long de la vie a clôturé ce programme le 24 septembre. L’ensemble était donc consacré à des activités liées au sport et à la santé et à des discussions entre experts et décideurs. Des événements marqués par la participation des plus hauts responsables de l’UE et d’autres organisations sportives internationales, ainsi que des plus hautes autorités slovènes.
La Slovénie s’est également jointe à l’initiative de la Commission européenne intitulée « Un mode de vie sain pour tous », lancée le 23 septembre à Bled, en s’engageant à trouver des solutions pour encourager les enfants et les adolescents, ainsi que les adultes, à être physiquement actifs. C’est dans cette optique que nous avons développé une application mobile, présentée officiellement lors de cet événement. Nous croyons que ce type d’outil permettra de fournir informations et motivation nécessaires pour que chacun puisse contrôler son activité physique au quotidien. Il s’agit de rapprocher l’activité physique des jeunes générations, mais aussi des générations plus âgées, et d’essayer d’inciter ceux qui ne sont pas encore engagés dans une activité physique régulière à changer leurs habitudes et leur style de vie pour devenir plus actifs.
« NOUS NE FAISONS PAS DES FEMMES DES MODÈLES SPORTIFS, AU MÊME TITRE QUE LES HOMMES »
Vous avez évoqué la gestion de la crise sanitaire, l’une des priorités de la Présidence slovène. Comment le sport peut-il s’intégrer dans les mesures de soutien prévues ?
SK : Le sport et la santé vont de pair ! L’objectif des événements que nous avons organisés était de promouvoir un mode de vie sain et actif, et de faire prendre conscience à l’ensemble de la population de l’importante contribution que le sport peut apporter, non seulement à chacun d’entre nous, mais aussi à la croissance durable de l’UE sur le plan social et environnemental, ainsi qu’au redressement et à la résilience post-Covid-19.
Il est scientifiquement prouvé que, dans nos modes de vie actuels, le manque d’activité physique est à l’origine de nombreux problèmes de santé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé le manque d’activité physique en deuxième position sur la liste des facteurs de mortalité. La période de Covid-19 nous a montré que l’activité physique joue un rôle encore plus important en temps de crise, notamment en matière de santé. D’un côté, de nombreuses personnes ont découvert l’activité sportive à cette époque comme une sorte de « médecine naturelle » pour surmonter ces périodes et rester en forme physiquement et mentalement. D’autres se sont retrouvées dans une telle détresse qu’elles ont complètement mis de côté ce type d’activités.
Les politiques européennes doivent encourager les États membres à promouvoir l’activité physique comme l’un des outils de résilience les plus importants pour nos sociétés. Nous devons donc soutenir la création et la promotion de programmes d’activité physique tout au long de la vie, ainsi que divers systèmes de suivi qui permettront de mesurer les évolutions, de comparer les résultats dans le temps, entre les générations et les pays, et d’évaluer ainsi les effets de l’activité physique régulière sur la santé de nos populations.
Il est crucial de faire cela ensemble, grâce à un dialogue régulier, des échanges de bonnes pratiques et des projets menés en commun avec toutes les parties prenantes : les États, les institutions européennes, le mouvement sportif, les organisations sportives, mais aussi des experts, universitaires, chercheurs et médias.
Cette revue propose un dossier spécial sur la féminisation des métiers du sport. Conduisez-vous des politiques publiques précises sur ce sujet en Slovénie ?
SK : Que ce soit en tant que société, ou au niveau de l’UE, nous avons encore beaucoup de travail à fournir ! Le discours est, dans certains cas, si éloigné de la réalité qu’il en est tout simplement indécent et hypocrite. Il suffit de regarder le taux de femmes représentées dans les instances sportives, en particulier celles qui occupent des postes à responsabilités. Ou encore le taux d’athlètes féminines et les inégalités de rémunération, les violences sexistes et sexuelles dans le sport… pour ne citer que les exemples les plus frappants.
En Slovénie, le constat en matière d’égalité des sexes et d’égalité des chances, dans le sport comme dans la société, est malheureusement similaire. Nous avons bien quelques initiatives : le comité national olympique a créé une Commission spéciale pour les femmes dans le sport, des portraits de sportives ont été réalisés, durant leur carrière et après… Mais tout cela n’est pas suffisant. La pratique nous montre une réalité différente : les femmes sont souvent discréditées, humiliées ou totalement ignorées lorsqu’on évoque les postes de direction dans le sport. Nous ne faisons pas des femmes des modèles sportifs, au même titre que les hommes. C’est une question de culture, de respect, de capacité à vivre les principes de l’égalité des sexes.
Personnellement, je suis partisane d’une approche équitable de l’égalité entre les sexes. Les concepts de « masculinité » ou de « féminisation » ne sont pas proches de mon esprit et de mon cœur. En tant qu’êtres sociaux, nous devons simplement grandir et donner à chacun des chances égales et équitables. Sur la voie de cet idéal, je vois deux axes de travail : d’abord parler haut et fort, constamment, des modèles à suivre, mais aussi dénoncer les inégalités et l’injustice dans la vie de tous les jours. Ensuite, poursuivre la mise en place de quotas à tous les niveaux pour démontrer l’importance d’une contribution équilibrée entre les sexes, et construire ainsi des sociétés plus fortes et résilientes.