« Mettre davantage les enjeux maritimes sous les feux des projecteurs »
Navigatrice, journaliste, aujourd’hui députée européenne, Catherine Chabaud est une femme farouchement engagée. Son dernier combat : faire reconnaître l’Océan comme bien commun. En novembre, elle prendra le départ de la Route du Rhum, vingt ans après avoir raccroché son ciré, afin de sensibiliser l’opinion publique à cet enjeu.
Vous êtes engagée depuis toujours dans la défense de l’environnement, notamment des océans. En quoi votre expérience de sportive est-elle à l’origine de cet engagement politique ?
CC : La course au large, comme la pratique de la plongée sous-marine m’ont permis une immersion dans le milieu marin, à la fois pour constater sa richesse, mais aussi les impacts qu’il subit. Il y a 30 ans, j’ai vu les premiers déchets marins en plein milieu de l’océan lors de ma première transat en solitaire. À l’époque, personne ne parlait de ce fléau. Cela m’a très tôt convaincue qu’un jour je devrais m’engager pour y faire face. Je ne savais pas encore sous quelle forme. Au fil des années, et de mes différents engagements depuis vingt ans, l’engagement politique a fini par devenir une évidence, car un moyen concret pour accélérer la mise en œuvre de solutions.
La médiatisation du coureur au large et de la compétition permettent néanmoins de porter des messages, et c’est cette capacité à prendre la parole qui m’a convaincue de reprendre la mer. Avec la Route du Rhum, je souhaite mettre davantage les enjeux maritimes sous les feux des projecteurs.
Vous portez l’initiative « Océan Bien Commun ». Quels sont vos objectifs et pourquoi selon vous l’Europe est-elle l’échelon pertinent pour agir sur ces sujets ?
CC : Il n’y a qu’un seul océan, et au regard des services qu’il rend à l’Humanité, il est notre bien commun à tous. Avec cette notion non juridique, mais morale, je veux accélérer la mobilisation de la responsabilité individuelle et collective. Il est indispensable de sensibiliser tous les acteurs sur l’importance de l’océan : il régule le climat, fournit la moitié de l’oxygène à l’Humanité, absorbe un tiers des émissions de CO2, nourrit les populations, permet le développement économique des territoires littoraux… Grâce à cet appel, que nous avons lancé il y a quatre ans, cette préoccupation est aujourd’hui relayée sur la scène internationale. L’Union européenne est le bon niveau car il permet d’avoir un réel impact.
Sans ce leadership, nous ne pourrions pas peser avec le même poids au niveau international. On a d’ailleurs vu tout son poids lors de la présidence française de l’Union européenne, pour enfin mettre les enjeux maritimes à l’agenda international.
Les impacts du dérèglement climatique sur le sport commencent à être documentés. Comment rendre le sport plus vert et durable selon vous ?
CC : Beaucoup a déjà été fait ces dernières années, au travers des démarches « sport et développement durable », mais beaucoup reste à faire. Par exemple, dans la voile, il faut aller plus loin sur le cahier des charges des courses et des bateaux. Même si on navigue à la voile, l’impact de la construction, des matériaux utilisés, l’organisation des courses, restent importants. Dans notre sport, qui a une image « propre », un peu plus de sobriété serait nécessaire pour être pleinement en phase avec nos valeurs.
Propos recueillis par Sylvain LANDA
Retrouvez l’ensemble des articles dans notre revue spéciale n°53
« Sport et Objectifs de Developpement Durable »