Le patrimoine sportif, un enjeu citoyen à l’échelle européenne
La dimension culturelle du sport connaît depuis quelques années un essor remarquable. Cette capacité à rassembler autour de la mémoire de certaines pratiques, lieux, événements ou figures du passé sportifs apparaît comme un ciment européen qu’il faut absolument valoriser.
Yvan GASTAUT
Maître de conférences,
Université Côte d’Azur
Depuis les années quatre-vingt, la notion de « patrimoine » a été élargie. Elle ne se limite plus au seul passé des puissants, à la « grande tradition », aux chefs d’œuvre dont la qualité esthétique saute aux yeux. Il reconnaît à égale dignité des expressions plus populaires, à partir du moment où ces éléments sont considérés comme un héritage, le fruit d’un souvenir partagé. Dans le même temps, la notion de « mémoire », corrélée à celle de patrimoine, connaît un grand succès, en faisant la part belle au récit sensible. C’est dans le cadre de ce nouveau paradigme que le sport va gagner une nouvelle dimension.
Omniprésence médiatique, massification et démocratisation des pratiques : le sport est devenu un fait culturel de la première importance. Le sport européen, ou tout le moins certains sports parmi les plus suivis, est un vecteur important de traces sportives mais aussi de souvenirs qui structurent la mémoire.
Mais qu’entendre par patrimoine sportif ? Il est possible d’en dresser une typologie hétéroclite en plusieurs dimensions, entre le matériel et l’immatériel, qui croise les jeux d’échelles entre le local, le régional, le national et l’international. Enceintes, bâtiments et équipements sont sans doute la composante la plus visible du patrimoine sportif. Mais les plaques, stèles, tombes, statues voire noms de rues rappellent aussi des figures ou des moments importants de l’Histoire. Autre patrimoine inépuisable, les œuvres d’art liées au sport : elles sont nombreuses, variées et repérables. Dans ce cadre, tous les secteurs de la création sont à explorer (théâtre, littérature, cinéma ou musique). Le patrimoine peut aussi se décliner à travers les gestes sportifs et leurs évolutions, sans compter les innombrables objets que le sport engendre (matériel, trophées, fanions…). Et derrière les structures se trouvent les acteurs : le témoignage des dirigeants, anciens vedettes ou champions emblématiques, mais aussi des sportifs amateurs et des amateurs de sports constituent un champ d’investigation à privilégier.
« Pour des rencontres européennes du patrimoine sportif »
Depuis 2011, les Rencontres autour du patrimoine sportif et la mémoire du sport, organisées par l’Université Côte d’Azur, se donnent pour objectif de réfléchir tant à la connaissance qu’à la mise en récit du passé du sport. L’ambition est de rassembler des chercheurs mais aussi des archivistes, représentants d’associations, acteurs et témoins du milieu sportif ou encore des écrivains et des artistes. En ce sens, histoire, mémoire et patrimoine se rassemblent avec leurs divergences et leur complémentarité pour nourrir la dimension culturelle du sport. Ces rencontres ont une triple vocation : parler du local, la Côte d’Azur comme terre de sport depuis bien longtemps, du national mais aussi de l’international, et la vocation européenne y est bien présente. Il faut toutefois élargir le concept en incitant les acteurs des divers territoires européens à faire l’inventaire, à étudier et valoriser les traces visibles ou disparues mais aussi les récits qui (re)constituent la richesse des pratiques sportives, entre passé et présent. Il s’agit ainsi d’un véritable levier de la citoyenneté européenne.