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« Impulser une mobilisation et un engagement
communs des États membres sur le sport vert et durable »

 

La Présidence française de l’Union européenne (PFUE) a consacré une grande partie de ses travaux à la thématique du sport vert et durable. Amélie Oudéa-Castera, ministre française des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, nous présente le bilan des actions entreprises et leurs perspectives à moyen terme.

 

Dans un contexte géopolitique incertain, quelles ont été les priorités de la PFUE dans le champ du sport ?

AOC : Face aux manifestations de plus en plus visibles et dramatiques du réchauffement climatique, qui viennent aujourd’hui menacer directement les pratiques et acteurs sportifs, le ministère des sports et des JOP a souhaité mettre le sport vert et durable au cœur de sa Présidence.

Cela répond à une attente forte des acteurs du monde sportif, qui sont de plus en plus sensibles à la nécessité impérieuse de voir la pratique sportive, quelle que soit sa forme, encadrée ou non, mieux prendre en compte des exigences environnementales. Nous souhaitions accompagner cette dynamique au niveau européen, en impulsant une réflexion sur la manière dont les États Membres, la Commission européenne et le mouvement sportif pouvaient concrètement contribuer à cette transformation.

Les deux conférences organisées début 2022 ont d’ailleurs logiquement confirmé la nécessité de positionner le sport et ses acteurs comme parties prenantes de la stratégie environnementale et climatique de l’UE, le « Pacte vert pour l’Europe ».

Malheureusement, le sujet de la coordination des positions des États membres à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a également été une priorité dès la fin février. La France a mené ce travail de coordination, qui a permis de réaffirmer le soutien unanime des États membres aux mesures prises par le mouvement sportif, et en particulier le CIO et les fédérations internationales, d’exclure toute compétition en Russie et en Biélorussie ou la participation d’athlètes russes et biélorusses représentant officiellement leur pays dans les compétitions organisées sur le territoire de l’UE. Ce fût aussi l’occasion de rappeler avec vigueur, lors du Conseil, les valeurs du sport défendues par l’UE et ses États membres ainsi que le soutien à l’Ukraine.

 

« Il nous faut adopter des stratégies d’anticipation et d’adaptation »

 

Quelle peut être la portée des Conclusions sur « le sport et l’activité physique, leviers prometteurs de transformation des comportements en faveur d’un développement durable » adoptées par le Conseil « Sport » d’avril 2022 ?

AOC : Cela fait déjà plusieurs années déjà que certains acteurs du sport se sont saisis de la question de la réduction de l’empreinte écologique du sport. Néanmoins, il manque une stratégie commune et concertée au niveau européen entre les différentes parties prenantes. D’ailleurs, ce sujet n’avait jusqu’alors jamais fait l’objet de conclusions ou de recommandations du Conseil. C’est pourquoi il nous a semblé qu’il y aurait une réelle plus-value à adopter des recommandations sur ce sujet afin d’impulser une mobilisation et un engagement communs des États membres. Bien qu’il s’agisse d’un texte non contraignant, et consensuel par nature, il reste innovant et ambitieux car il s’attache non seulement à proposer des pistes d’action pour réduire l‘impact du sport sur l‘environnement, mais aussi à montrer comment le sport peut être moteur pour favoriser la transformation des comportements, par les valeurs positives qu’il véhicule et sa forte médiatisation notamment.

Ce texte envoie un signal politique fort au mouvement sportif européen, en mettant en évidence la nécessaire implication et coordination de l’ensemble des parties prenantes. Néanmoins, sa portée dépendra aussi de la manière dont les acteurs impliqués assureront le suivi des recommandations. Je me réjouis que la République tchèque, qui a pris la suite de la France comme Présidente du Conseil de l’UE, ait choisi de traiter des infrastructures sportives durables et accessibles, ce qui permet de poursuivre et d’approfondir le travail amorcé. Le rôle de coordination joué par la Commission sera aussi déterminant, notamment dans le cadre du groupe d’experts de haut niveau sur le sport vert. À l’échelle de la France, la Première ministre présentera un plan de sobriété énergétique au début du mois d’octobre, avec l’objectif de réduire de 10% notre consommation énergétique d’ici 2024 par rapport à 2019, qui intégrera les mesures issues du plan de sobriété sport que je co-pilote actuellement avec la ministre de la transition énergétique. Parallèlement, à la suite du Comité Olympique et Paralympique du 25 juillet 2022, des travaux vont être lancés prochainement, avec les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, de la Santé et de l’Intérieur et des Outre-Mer, pour élaborer un plan national d’adaptation de la pratique sportive au changement climatique qui serait publié avant l’été 2023. Nous avançons, et le monde du sport prend toute sa part.

 

Ces conclusions insistent sur le sport comme levier d’éducation et de prise en compte des ODD. Comment peut-on renforcer cette dimension ?

AOC : Les conclusions s’inscrivent en effet dans le cadre de l’agenda 2030 des Nations unies, et font référence au fil du texte aux ODD que le sport, parce qu’il est porteur des plus belles valeurs universelles, notamment celles de l’olympisme, peut contribuer à remplir, en particulier l’accès à la santé, à une éducation de qualité ainsi qu’à l’égalité des sexes. Tout simplement parce qu’il constitue un vecteur d’éducation, dès le plus jeune âge, de construction, de confiance, de rencontre et d’apprentissage du vivre-ensemble. Au point que l’on pourrait souhaiter, à l’instar de Michel Serres, que le sport soit mis « au centre de l’enseignement (…) car le corps est au centre de l’évolution de l’individu, que ce soit dans sa vie ou dans son travail ».

Parmi les mesures à prendre pour renforcer cette dimension, je retiens donc la question de la formation des professeurs et des éducateurs sportifs, du personnel sportif, des athlètes et des gestionnaires d’installations sportives. L’intégration de contenus pédagogiques spécifiques dans les programmes de formation est à mon sens une piste sérieuse à envisager.

Enfin, la pratique de sports qui se déroulent en plein air ou dans des environnements naturels, en particulier le vélo ou la natation, peuvent également contribuer à la culture environnementale des citoyens, car il s’agit d’expériences sensorielles et pratiques qui sont des supports de sensibilisation aux thématiques de l’eau, des mobilités douces…

 

Comment favoriser l’organisation d’événements plus écoresponsables ?

AOC : L’acceptation sociétale des événements sportifs, en particulier des grandes manifestations internationales, est désormais intimement liée à leur empreinte écologique et à leur héritage social et environnemental.

Les leviers d’action sont nombreux : mise en place de « conditionnalités » lors de l’attribution des GESI et des financements publics, intégration de critères de responsabilité sociétale dans les contrats avec les partenaires impliqués (entreprises retenues dans le cadre des marchés, fournisseurs, sponsors, médias…), soutien des athlètes qui souhaitent s’investir pour rendre leur sport plus vert, développement des études d’impact environnemental et des mécanismes d’atténuation des effets néfastes… mais requièrent des compétences spécifiques et des moyens financiers dédiés.

Pour cette raison, le ministère a souhaité accompagner les organisateurs d’événements sportifs en leur proposant un cadre commun d’objectifs à atteindre : il s’agit de la Charte des 15 engagements écoresponsables, élaborée par notre ministère en 2017, déjà adoptée par plus de 350 évènements internationaux, nationaux ou locaux dans sa première version. Je souhaite pouvoir généraliser cet outil, et dans cette perspective, je me réjouis que plus de 40 organisateurs aient déjà signé la deuxième version de la charte, plus exigeante, élaborée fin 2021. Parmi eux, on retrouve les organisateurs d’événements sportifs et une quinzaine de fédérations.

D’ores et déjà, la France a pris ses responsabilités. Dans le cadre de l’organisation de la Coupe du monde de rugby qui aura lieu l’an prochain, des engagements forts ont été pris par France 2023 en matière écologique, notamment pour agir en faveur d’une économie durable et circulaire et pour réduire l’impact sur l’environnement. Surtout, dans deux ans, la France organisera les Jeux les plus écologiques de l’Histoire, avec une division par deux de l’empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes. Ils parviendront même à être les premiers Jeux à impact carbone positif, grâce, d’une part, à une volonté très forte de Paris 2024, qui mobilise un budget conséquent pour soutenir des projets à impact carbone positif en France et à l’international : agro et éco-tourisme au Guatemala, photovoltaïque au Sénégal et reforestation en Indonésie, mais aussi grâce à une ingéniosité exceptionnelle de la SOLIDEO qui dans sa démarche de construction a fait le choix de matériaux et de techniques très innovantes qui nous positionnent dix ans en avance dans l’atteinte des objectifs de la stratégie bas carbone.

 

Au-delà des grands événements, comment agir également auprès des clubs sportifs amateurs ?

AOC : Vous avez raison, pour obtenir un effet massif, la prise en compte des enjeux de développement durable et d’éco-responsabilité doit intervenir à tous les niveaux, des GESI aux manifestations locales organisées par les clubs amateurs, notamment celles qui s’adressent aux plus jeunes, le sport étant, je l’ai dit, un excellent vecteur d’éducation au développent durable

Or ces derniers, qui généralement s’appuient beaucoup sur des bénévoles, manquent souvent de moyens et de compétences, pour déployer des stratégies de durabilité. Il est donc prioritaire de préserver la vitalité du bénévolat, qui fait d’ailleurs la force du domaine sportif dans son ensemble. Le Président de la République a d’ores et déjà pris des engagements forts pour sécuriser ce statut, notamment en mettant fin à l’engagement de la responsabilité des dirigeants associatifs pour une simple faute de gestion. Je souhaite que nous allions plus loin ensemble vers une meilleure reconnaissance de la richesse que constitue l’engagement des 3,5 millions de bénévoles que compte notre pays, en leur donnant un nouvel élan.

Je crois beaucoup à la force de l’exemple, à l’échange de pratiques entre pairs. Je me réjouis que de nombreuses ressources destinées à des publics divers commencent à « essaimer ». Je pense par exemple aux recueils des initiatives des signataires de la Charte des 15 engagements et des actions des fédérations, ou au plan héritage et durabilité de Paris 2024, qui proposent des solutions, des outils, et des méthodes pour que ces défis soient très concrètement relevés au niveau de l’ensemble de nos territoires.

Je souhaite également faire référence au travail accompli par le ministère lors d’un événement européen d’échange d’expériences entre pairs organisé en avril sur la thématique « événements sportifs zéro déchet et bas carbone ». Une attention particulière a été apportée aux « petits événements sportifs », qui n’ont pas forcément les mêmes enjeux et moyens que les GESI. Un livrable composé d’un guide méthodologique et d’un recueil d’initiatives européennes est en cours de réalisation. J’espère qu’il sera utile aux clubs sportifs et fédérations de toute ampleur pour les guider dans leurs actions, quelle que soit leur échelle d’implémentation.

Propos recueillis par Julian JAPPERT


Retrouvez l’ensemble des articles dans notre revue spéciale n°53
« Sport et Objectifs de Developpement Durable »



Sport et citoyenneté