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Espagne : la convivialité et le football pour inclure les réfugiés

Par Dolores Galindo, Co-fondatrice du Dragones Football Club de Lavapiés

Projet-pilote soutenu dans le cadre du projet FIRE, le Dragones Football Club opère dans un quartier au cœur de Madrid. Fort des différences qui composent ses membres, il constitue un laboratoire innovant d’inclusion par le football, où la convivialité joue un rôle central.

 

 

Le Dragones Football Club a été créé dans un quartier au cœur de Madrid, par un président aveugle et quelques familles d’accueil. Dès le début, il nous parut évident que l’ethnicité ou l’origine culturelle n’étaient pas les seules caractéristiques définissant les frontières identitaires. Pourtant, elles prenaient une place stupéfiante : dans nos cinq premières équipes, plus de trente nationalités étaient représentées.

Sept ans plus tard, Dragones accueillait des joueurs originaires de plus de cinquante pays. Même s’il nous était inconnu lorsque nous avons commencé à jouer au football, le concept de « super-diversité » défini par l’anthropologue Steven Vertovec1 symbolisait pour nous le croisement entre plusieurs parcours de vie, caractéristiques et identités différentes. Outre les origines de chacun, nous étions conscients que le genre, l’orientation sexuelle, les capacités, la classe sociale, la religion et la langue avaient une importance énorme dans notre club de football.

 

Mais nous voulions jouer ensemble malgré ces différences. Nous savions que ce n’était pas une expérience sociologique, mais la réalité. Nous avions cependant pour objectif de développer et de susciter la créativité, la participation et l’inclusion. À notre grande surprise, c’est ce qu’il s’est produit : des réfugiées musulmanes sont passées de mères supportant leur enfant sur la ligne de touche à joueuses de football.

Un entraîneur d’origine sénégalaise, sans papiers, a été régularisé et a pu créer une école et un club de football dans son village. Peu à peu, nous avons été capables d’intégrer des mineurs étrangers non-accompagnés et des réfugiés à nos équipes.

Nous avons par la suite découvert que des théories comme celle de la « super-diversité » ou de l’intersectionnalité (développée par Ange-Marie Hancock2), auraient pu nous guider. Mais nous nous étions lancés. Anxieux, habités par plusieurs craintes, comme lorsque nous avons intégré à notre équipe quatre ou cinq adolescents en provenance de centres de réfugiés. Pour autant, les expériences que nous avons vécues ont toujours été positives.

La situation pouvait être différente avec des joueurs plus âgés, plus compétitifs, et nous nous demandions si partager le terrain le temps d’un match n’aurait pas pu être source de conflits. Cela ne s’est jamais produit. Pendant toutes ces années, comme nous le pensions, la diversité a créé un environnement accueillant.

Ce que nous avons observé, c’est que la collaboration entre différentes organisations est la clé du succès. Nos joueurs réfugiés étaient capables de jouer au football parce qu’ils se sentaient en sécurité, soutenus et qu’ils n’étaient pas la cible de discriminations.

Cela s’explique aussi par le fait que nous avons tiré parti de la convivialité, un concept développé par le sociologue Paul Gilroy3, et qui pourrait être traduit comme une « solidarité cosmopolite » sur laquelle repose les fondements de l’humanité.



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