Comment le sport s’est retrouvé dans la boîte à outil diplomatique
« Des baskets à la place des mallettes, mais tout de même des diplomates », c’est ainsi qu’a été décrite l’équipe nationale anglaise en route pour la Coupe du monde de football 1950 au Brésil.
Simon ROFE
Maître de conférences en études diplomatiques et internationales,
Université SOAS de Londres (Royaume-Uni)
La performance médiocre de l’équipe nationale anglaise, avec une défaite 0-1 tristement célèbre contre les États-Unis, n’était qu’une dimension de ce voyage. Les joueurs et leur entourage étaient engagés dans une forme de diplomatie que ne renieraient ni leurs contemporains dans le Foreign Office, ni leurs successeurs au XXIème siècle. C’est que l’entourage de l’équipe anglaise, tout comme celui des autres équipes de ce tournois et de tous les mégaévénements sportifs suivants, étaient des diplomates de fait. Comme le démontrent de récents ouvrages (Rofe 2019, Murray 2018), ces sportifs étaient engagés dans les trois pratiques diplomatiques principales que sont la représentation, la communication et la négociation. Des athlètes d’élite ou même de simples sportifs à la base de la pyramide représentent toujours quelque chose : leur nation, un club de renom ou simplement leur ville. De plus, tout athlète, par sa performance même, est pour le moins engagé dans une communication, parfois très intense, quand les spectateurs partagent la joie et l’angoisse qui viennent avec la victoire ou la défaite. Et ils négocient aussi : leur présence lors des événements façonne l’expérience que le public en a. Et parfois, ils le font directement ; dans un organisme comme Global Athlete, mis en place en 2019 pour donner aux athlètes plus de voix, ou au niveau du sport de masse, où les sportifs sont en même temps les organisateurs. Ces trois dimensions ne concernent pas seulement les athlètes, mais un large éventail d’acteurs engagés dans la pratique de la diplomatie sportive : les instances de gouvernance nationales et internationales, des ONG, des équipementiers, les sponsors multinationaux, la couverture médiatique, et enfin et surtout les spectateurs, sur place ou participant à distance grâce à la technologie.
« REPRÉSENTATION, COMMUNICATION, NÉGOCIATION »
Tous ces acteurs peuplent des scènes diplomatiques diverses, avec des audiences différenciées sur les plans national, continental ou mondial. Les diplomates officiels, dont la mission est de représenter l’État-nation souverain, les observent, les approchent et, parfois, s’en distancient. Mais ils ne sauront ignorer le monde sportif. Et ils s’engagent de plus en plus dans la diplomatie sportive. Ici et là, les tentatives d’utiliser le sport comme ressource de « soft power » ont été dénoncées comme du « sports-washing », mais n’empêche : toute « marque nationale sera plus crédible quand elle est portée par des sportifs », comme le résume Tom Fletcher, ancien ambassadeur britannique. Et même au-delà du niveau national, l’Union européenne et l’UNESCO demandent aux diplomates d’explorer le rôle que peut jouer le sport. Le sport et la diplomatie jouent désormais des matches aller/retour, avec toute une panoplie d’acteurs sportifs engagés dans des pratiques diplomatiques, et des diplomates nouant un dialogue officiel avec le monde sportif.